Comment peut-on être de l'Aisne ? - France Catholique
Edit Template
Marie dans le plan de Dieu
Edit Template

Comment peut-on être de l’Aisne ?

Copier le lien

Montesquieu demandait : « Comment peut-on être Persan ? » En effet, étrange, n’est-ce pas ? J’ai l’impression qu’aujourd’hui on pourrait poser la question : Comment peut-on être de l’Aisne ? Vous savez l’Aisne, le 02, cet étrange département situé au nord-est de Paris, qui vient de voter massivement Front national ! Oui, les regards se tournent vers l’Aisne, d’autant plus que les journalistes y ont afflué, afin de rendre compte du phénomène d’expansion du parti de Marine le Pen. Pour voter Front national il faut sans doute avoir une mentalité bien spéciale, peut-être appartenir à ce type de Français en marge des grands flux économiques et cultivant ses réflexes populistes, sévèrement analysés par les politologues distingués.

Il se trouve que je connais bien l’Aisne pour y être né, y avoir passé mes années d’enfance, d’adolescence et même de jeunesse. J’y suis d’autant plus attaché que la richesse de son patrimoine architectural et donc historique, n’en fait pas du tout, à mes yeux, un territoire déshérité. Je songe à la multitude de ses petites églises romanes dans les jolis villages qui entourent les anciennes cités de Laon et de Soissons, avec leurs superbes cathédrales. L’Aisne c’est aussi Jean de la Fontaine à Château-Thierry, Jean Racine à La Ferté-Milon et Paul Claudel à Fère-en-Tardenois. Mais il est vrai qu’il y a la réalité actuelle, celle de la ruralité et des zones de petites industries, que l’on peut apparenter à la France périphérique, telle que la décrit le sociologue Christophe Guilluy.

Je connais aussi cette autre face de la réalité qu’est la situation de l’Église catholique, qui n’est pas sans importance pour comprendre l’évolution récente d’une région riche d’un passé encore inscrit dans ses paysages mais singulièrement appauvrie par l’absence de prêtres. Ils étaient quelques 500 il y a un demi siècle à quadriller l’ensemble des villages et des villes. Ils sont sans doute moins de quarante aujourd’hui pour assurer ce qu’on appelait le service des âmes. On regrette souvent l’abandon de plus en plus grand des services publics, mais comment mesurer l’absence de ce service là ? Oui, comment peut-on être de l’Aisne ? Appartenir à une si belle région et souffrir en même temps des maux qui bouleversent la France périphérique ?

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 24 mars 2015.