Étant récemment à l’hôpital pour une rééducation, il s’est trouvé que j’ai demandé à une infirmière ce qui l’avait conduit à cette profession. C’est une question que je pose souvent à des gens de toutes professions – voire sans profession – mais cette infirmière semblait une cible parfaite pour mon enquête.
Elle me l’a prouvé en répondant à toute mes questions franchement et honnêtement. Je pouvais difficilement croire qu’elle avait tenu aussi longtemps dans le milieu médical.
« J’aime rudoyer les gens et leur dire quoi faire. C’est une affaire de pouvoir » a-t-elle déclaré.
« Pouquoi alors ne pas vous être tournée vers la politique ? »
« Parce que vous devez faire des compromis. Et en plus, vous pouvez perdre. »
Très juste. Je méprisais depuis longtemps la race des politiciens, et voici qu’une nouvelle raison de le faire se présentait.
Et cette femme de poursuivre (et je l’encourageais pour tâcher d’éviter ses exercices). Faire des compromis est aussi insatisfaisant que perdre. Dans son boulot, disait-elle, il y a la bonne et la mauvaise façon de faire les choses. Il n’y a pas à faire un scrutin. Et vous n’écoutez pas un supérieur qui vous dit quelque chose qui ne peut pas être vrai ; vous l’envoyez promener.
Et parfois, vous ne connaissez pas la réponse. Alors vous l’admettez franchement et dites clairement que vous allez procéder avec précaution, selon ce qui semble le mieux convenir. Et même là, la précaution est de votre fait ; c’est le produit de votre « expérience professionnelle ».
Mon infirmière de rééducation venait précisément d’Ottawa. C’est un miracle qu’elle ait appris à ne pas prendre la politique au sérieux, étant originaire de ce centre de la névrose politique canadienne. Mais elle l’a fait cependant, et elle ne vote pas. Elle ne croit plus aux élections.
Qu’est-ce que cela a à voir avec Elizabeth, notre défunte reine, pourrait se demander un électeur canadien (et même non-canadien). Sa Majesté n’était pas non plus une politicienne. Elle a occupé le trône durant 70 ans, était ouvertement chrétienne et profondément modeste dans ses attitudes. De même, elle n’y connaissait rien en rééducation, à part peut-être pour les Corgis et les poneys d’équitation. Mon infirmière l’admirait.
Comme le roi Charles, son successeur, doit maintenant l’apprendre, la plus grande ruse de la monarchie – ou de la diplomatie et de quelques autres disciplines, est de garder la bouche fermée. Les tentations de l’ouvrir ne manquent pas. A certains moments, vous devez dire ce qui ne peut pas être évité, avec confiance et autorité. Votre boulot est de respecter chacun, y compris ceux que (dans l’antiquité) vous avez décidé de pendre. Autrement, vous vous contentez de serrer des mains et d’agiter la main pour saluer.
Je ne suis pas un expert en gouvernance, je l’admets. Je n’ai jamais été la Reine. Mais en regardant ses millions de sujets suivre son cercueil ou assister aux cérémonies religieuses, j’ai pensé à la sagesse de mon infirmière de rééducation.
La reine Elizabeth n’était pas une politicienne, loin de là. Sa façon de se conduire, de « ne jamais faire de faux pas » à travers les événements sociaux et politiques de sept décennies dans les douzaines de contrées qu’elle gouvernait était selon moi un modèle de raffinement – je pourrais dire aussi d’ascendant.
Elle était désiré par ses peuples pour ce qu’ils pouvaient en attendre ; pour le reste, ils devaient faire avec les politiciens. N’étant ni idéaliste ni utopiste, je crains toujours que les choses tournent mal et je languis pour une vie publique harmonieuse, je souhaite donc être en régime monarchique.
Assez curieusement, c’est également l’opinion des saints et des érudits. Notre demande moderne pour la « démocratie » est une fonction du peuple qui ne peut pas lui être bénéfique. Les politiciens, par exemple, trouvent des opportunités dans la corruption et autres. Pour les gens ordinaires, la démocratie signifie un vote gratuit, qui comme tout ce qui est gratuit n’a pas de signification mais a un coût. Des bureaucrates calculateurs gouverneront, quel que soit le résultat des élections.
Saint Augustin explique cela à tous ceux capables de raisonner. Dans « La cité de Dieu », il montre qu’une société ne sera pas gouvernée longtemps de manière pertinente si elle est dirigée par des candidats en compétition qui cherchent à être celui qui gouverne. Ils seront arrogants et injustes, dans l’excès de leur estime de soi. Leur recherche même du poste est une entorse à l’obéissance au jugement de Dieu. C’est un manquement moral.
Les princes, rois et reines par hérédité doivent leur poste à leur naissance ou à ce que nous appelons le hasard. Les Grecs ont essayé de contourner cela en faisant les nominations par tirage au sort. Bon, ça valait la peine d’essayer.
Thomas d’Aquin cite la Lettre aux Hébreux (5:4) : aucun homme ne doit « s’attribuer l’honneur à lui-même, hormis celui qui est appelé par Dieu comme l’a été Aaron. »
Le Christ lui-même n’a pas été élu par qui que ce soit. Il était le Fils de Dieu.
Notre système électoral, dont nous sommes si fiers, est conçu pour élever l’arrogant. Lors des élections, Saint Thomas d’Aquin et Saint Augustin sont d’accord pour le dire, le votant également se montre orgueilleux, injuste et pécheur.
L’art de gouverner, comme l’art d’être gouverné, consiste à se prémunir de sa propre prétention. En pratique, le bon Chef d’État ne fera rien qui ne soit nécessaire, ou plus évident encore, il ne nommera que des agents qui défendent le status quo.
Un tel Chef d’État, comme mon infirmière de rééducation ou la défunte Reine, est tout l’opposé d’un révolutionnaire. Il n’y a rien qu’il souhaite de lui-même accomplir. Il n’a pas d’ambition pour la célébrité ou le succès ; il ne désire qu’être acceptable aux yeux de Dieu. En privé, il cherche le pardon et offre des actions de grâce pour lui-même et sa « nation ». Il ne plaisante pas avec cela.
Mes lecteurs (à de très rares exceptions près) comme moi-même n’avons pas reçu en héritage un poste élevé, nous n’avons donc pas à nous préoccuper d’exercer le pouvoir. Nous n’y sommes pas appelés. Laissons ceux qui y sont appelés accepter notre soutien, comme l’ont fait les millions d’habitants du royaume uni de Grande-Bretagne.
Ils étaient unis derrière Elizabeth comme ils ne l’ont pas été même derrière Churchill. Car ainsi que les scholastiques l’ont également dit, la démocratie divise inévitablement une population en factions.
Mon infirmière de rééducation est donc pleinement satisfaite rien qu’à me faire faire des exercices.