Je ne suis pas un bon catholique ; et si je l’ai jamais été, c’était sans le savoir. Je suppose que les meilleurs catholiques déclarent tous la même chose, et nous devrions leur accorder le fait qu’ils disent la vérité.
On devrait pouvoir savoir si l’on est un bon catholique une fois qu’on est mort, si l’on tient pour vraie la conception catholique de la réalité. Mais beaucoup d’entre nous ne sommes pas encore morts, et n’avons ni la capacité ni l’audace de prédire le futur ou de lire dans la pensée de Dieu. Ceux qui essayent peuvent être écartés comme mauvais catholiques, selon les standards catholiques.
On remarque fréquemment que l’individu qui est croyant peut être vaniteux, prétentieux et content de soi. Mais aucun de ces qualificatifs n’offre une imitation très convaincante d’une bonne personne, quelle qu’elle soit. La modestie, l’honnêteté et la gêne sont plus probablement des qualités, et méritent parfois de recevoir des éloges. Quoi qu’il en soit, elles peuvent facilement être simulées.
L’héroïsme, ou, dans sa forme religieuse, la sainteté, a été oublié de la liste de ce qui est moralement souhaitable ; et s’il le faut, je pourrais réciter la liste des vertus chrétiennes, en opposition aux péchés mortels. C’est parfois utile de les rappeler. Considérez : la foi, l’espérance, la charité. Et la prudence, la justice, la tempérance le courage.
On ne peut pas nettement délimiter la liste. Les vertus cardinales pourraient se retourner contre les autres. Inversement, on pourrait les analyser par petits morceaux. Et il y a de quoi être complètement perdu.
Par comparaison, les trois premières, les vertus théologales, ont l’étrange qualité de vaincre notre confusion ; mais seulement quand on les aborde avec foi, espérance et charité. En ce sens, elles sont divinement circulaires.
Elles ne nous disent pas précisément comment nous devons vivre. Le retour à la vie est un retour à la confusion, où aucune « règle » ne nous dira de façon fiable le chemin à suivre. Elles nous donnent une forte suggestion d’une espèce plus élevée qu’aucune portée intellectuelle, car elles font appel simultanément à l’esprit et au cœur, et éveillent notre sens moral.
Récemment, alors que j’étais à l’hôpital, je me demandais comment être un bon catholique. Ce n’était pas vraiment évident, et comme mon esprit était quelque peu embrouillé par les effets d’une chirurgie cardiaque, j’ai eu tendance à laisser tomber les questions difficiles.
Mais j’ai réfléchi qu’on ne pouvait pas laisser tomber certaines questions. Les questions de foi et de croyance pouvaient se trouver toutes seules une réponse, et suggérer de prier humblement, mais elles ne constituaient pas un « projet ».
J’étais conscient de ce que j’avais gâché ma vie, et gâcherais probablement ce qui me restait à vivre, du fait de mon habitude bien installée d « attendre ». Depuis des décennies, j’attendais que quelque chose se passe, mais rien de très important n’était arrivé. Etais-je simplement en train de « jouer contre la montre » comme on dit en athlétisme ; bien que nous ne fassions pas cela habituellement, à moins d’être en tête.
Quelqu’un qui me veut du bien m’a donné une idée. Une créature de la vallée d’Ottawa, d’environ mon âge, avait été mis au placard. Il écrivait des poèmes, « collectionnait » des œuvres d’art sur internet, et des citations extraites de ses lectures. Personne ne semblait vouloir l’employer, alors qu’il faisait tout cela très bien.
Il fabriqua un joli petit album en associant les œuvres qu’il avait trouvées, et ses poèmes, et l’intitula « Cartes postales de la vallée ». Les visuels d’œuvres d’art venaient de Rogier van der Weyden, Georges de La Tour, Stanley Spencer, Marianne Stokes et de nombreux artistes dont je n’avais pas entendu parler ; Les textes venaient de la Bible jusqu’à Bernard de Cluny et à G. K. Chesterton et de bribes qu’il avait trouvées dans la presse.
Tout était de très haut niveau, et ses vers reflétaient les époques et les saisons qui y figuraient. Il n’y avait rien de sentimental, ou qui fasse « carte de vœux » dans son entreprise, rien que du bon goût ; et je l’ai reçu comme une surprise, car je m’attendais à quelque chose de commercial. Plus tard, j’ai découvert qu’il avait édité des feuillets stratifiés de ses compositions, imprimées au dos comme des images mortuaires. Il les laissait dans les parcs, sur les bancs quand il se promenait en ville, et en d’autres endroits pour que les gens les trouvent. Son nom n’y apparaissait jamais.
Quel usage merveilleux il faisait de son temps ! Et quel splendide acte d’évangélisation pour lequel on ne demande ni crédit, ni paiement ! Les cartes stratifiées sont trop petites, et trop belles pour que quiconque y voit une objection.
Ce monsieur a signé l’album qu’il m’a envoyé, et d’autres qu’il a donnés à des prêtres et à des amis qu’il admirait, et qui le connaissaient déjà. Au monde, il s’adressait de façon anonyme ; ce n’était pas une affaire de principe. En effet, dans certains cas, un nom n’est pas nécessaire (comme pour la plupart des œuvres d’art des siècles précédents, et pour l’authentique art folklorique de nos jours).
Je donne ceci comme un exemple qui m’a été montré en réponse à la question « Que devrais-je faire ? » Ce n’était pas une « instruction » mais plutôt une suggestion. On peut imaginer des centaines de choses, analogues à celle-ci, que l’on pourrait entreprendre.
Chacune pourrait paraître un « amusement » par son auteur. Car non seulement il serait inconnu de ses bienfaiteurs. Il serait inconnu plus tard, une fois mort. On n’aurait pas besoin de le découvrir ; simplement, ses œuvres viendraient au jour ; et seraient conservées ou jetées selon le caprice d’autres personnes.
Les évangiles n’ont pas été écrits ni distribués de cette façon. Il y a une urgence dans leur message ; ils allaient changer le monde. Les premiers évangélistes étaient d’une autre sorte, déterminés à prouver leurs paroles, et les porter à l’attention du monde. Un esprit d’héroïsme est porté par leurs voix. Ils n’ont pas laissé des cartes sur les bancs des parcs.
En effet, ils étaient appelés, et savaient qu’ils l’étaient, hors du schéma d’une vie ordinaire. De même , Notre Dame le fut par l’ange Gabriel. Nous imaginons qu’il lui a présenté ceci comme une requête ; J’ai entendu des prédicateurs demander « Que se serait-il passé si elle avait dit non ? » Mais cela montre une mauvaise interprétation de l’Évangile, car la question était posée à une personne qui ne disait pas non.
C’est moderne et facétieux. On ne nous a pas demandé d’être la Mère de Dieu. Nous nous demandons juste à nous-mêmes de faire quelque chose d’utile.