Comment admettre les morts "incompréhensibles" - France Catholique
Edit Template
La justice de Dieu
Edit Template

Comment admettre les morts « incompréhensibles »

Copier le lien

Nous venons de célébrer le Memorial Day, qui ne donne pas seulement le signal de l’ouverture des piscines dans tout le pays mais est fait pour nous remettre en mémoire les vies sacrifiées pour notre liberté dans des conflits militaires à travers l’histoire de notre nation. L’évocation de Valley Forge, Gettysburg, D-Day et Iwo Jima devrait venir s’immiscer, au moins de façon intermittente, au milieu des barbecues, kermesses, courses de moto des Rolling Thunder et divertissements autour des piscines.

Toutes sortes de morts marquent l’actualité, et beaucoup d’entre elles n’ont rien à voir avec les morts héroïques et sacrificielles de jeunes soldats ou marins. Les journalistes les qualifient souvent de « morts absurdes ». Il y a, par exemple, les échanges de coups de feu mortels entre motards, à Waco, ou la mort de migrants désespérés qui se noient en méditerranée; il y a les classiques fusillades de rue qui glacent le sang, les suicides et accidents de circulation. Il y a des morts qui sont dues à l’imprudence, la négligence ou la mauvaise évaluation des risques.

Et il y a aussi les troncs d’arbres qui s’abattent sur les pare-brises, la foudre, les victimes de tremblements de terre, comme ceux du Népal; des traitements médicaux fantaisistes et des diagnostics erronés. En réalité, quand vous faites le compte de toutes les morts qui ne semblent pas correspondre à votre sens de justification ou d’achèvement logique du roman de la vie, vous remarquerez qu’il y a un nombre bien plus gigantesque de « morts défiant la raison » que -disons- de morts « intellectuellement acceptables ».

Même parmi les victimes de guerre, bien des morts doivent leur sort à des reproches « d’absurdité », tels que relevant de « tirs amis ». Et des poètes de la première guerre Mondiale, comme Wilfred Owen, ont considéré que la guerre n’était que l’affreux massacre d’une génération de jeunes gens pour satisfaire l’ambition, l’orgueil ou les machinations politiques des plus vieux.

On peut remarquer l’aspiration humaine naturelle qui tend à faire une discrimination entre les morts qui apparaissent simplement prématurées ou bêtes et celles qui correspondent à une certaine normalité, selon des appréciations rationnelles ou romancées. Ce n’est cependant pas du tout juste, car, de cette façon, on laisse classer l’énorme masse de décès dans la catégorie des « morts sans justification raisonnable », alors que leur origine devrait être considérée comme « mal définie ».

Qualifier une mort d’ « absurde » , c’est prétendre qu’il n’y avait aucune explication à donner à cette fin de vie, alors que nous sommes loin de pénétrer le contexte spécifique de la personne considérée. En agissant ainsi, on risquerait d’être dangereusement proche de ceux dont la mentalité a tendance à penser que la vie serait indigne d’être vécue. Si la victime d’un attentat terroriste, d’un effondrement minier, d’une fusillade ou d’Ebola est considérée comme ayant une « mort raisonnablement inacceptable », pouvons-nous considérer comme « inacceptable » la vie d’une personne gravement handicapée ?

Quant à ceux qui sombrent dans la démence, comment nos pauvres cerveaux peuvent-ils les évaluer ? Ceux qui endurent d’interminables souffrances, ceux qui sont dans un état végétatif permanent, que signifie leur vie ? faut-il retarder leur mort ? Pourquoi certains vivent-ils si longtemps, tandis que d’autres, selon les paroles de la chanson « The Band Perry », songent « qu’une lame acérée pourrait mettre un terme pour toujours à une courte vie. »

Bien sûr, nous voulons arrêter le terrorisme, nous protéger contre de violentes attaques, en apprendre davantage au sujet de maladies ou catastrophes naturelles, de même que nous voulons empêcher ce qui nous apparaît comme des morts prématurées. Des savants et inventeurs ont imaginé de nombreux moyens permettant aux handicapés de mener une vie plus riche, plus active et agréable (tandis que, par ailleurs, nous avons fait des « progrès » dans la détection prénatale de handicaps, qui peuvent être « traités » par voie d’avortement).

Ceci révèle une part d’humanité: être des serviteurs et coopérer dans un monde censé évoquer en nos esprits plus que de l’émerveillement et de l’étonnement, sentiments bien humains. Mais -sentiment profondément humain aussi- d’autres observations nous commandent assez d’humilité pour reconnaître le peu que nous savons réellement des intentions précises de Dieu quand Il crée chacun de nous.

C’est alors que nous reconnaissons humblement que nous ne sommes pas les « Seigneurs de la Création » et que la perspective globale de Dieu nous fait défaut. C’est Lui qui commande tous les éléments les plus divers à travers le temps infini et qui est seul à connaître le système si complexe de sa Providence.

Il est naturel que des êtres humains racontent des histoires attestant le sens qu’ils donnent à leur propre vie ainsi qu’à d’autres. Aucun mal à cela. Le problème se pose quand, à partir de notre incapacité à comprendre le sens de telle ou telle vie, on saute à l’affirmation que cette vie n’aurait pas de valeur.

Alors on navigue autour du territoire de l’astronome fou de Rasselas , le roman de Samuel Johnson. Après avoir minutieusement étudié le ciel et les corps célestes, il tomba dans la croyance folle qu’il déterminait lui-même, réellement, les mouvements et opérations astronomiques: « Le soleil a écouté mes ordres, et, sous ma direction, est passé de tropique en tropique; à mon appel, les nuages ou déversé leurs eaux, et la crue du Nil a obéi à mes ordres. »

Aucune mort n’est inadmissible, incompréhensible, du point de vue de Dieu. Parce que nous ne sommes pas Dieu, nous avons du mal à l’admettre. Ceci ne nous empêche pas de chanter les louanges de l’héroïsme et du sacrifice suprême, et de concentrer nos efforts pour combattre accidents, maladies et tous les maux de notre monde atteint par le Mal. Mais, en agissant ainsi, l’humilité -que l’on peut définir comme la connaissance de soi, jointe à l’acceptation- reste la vertu la plus efficiente à laquelle nous puissions faire appel.

28 mai 2015


Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/05/28/understanding-senseless-deaths/

Gravure – Rasselas: « Le Nil a débordé à mon commandement »

Ellen Wilson Fielding, qui vit dans le Maryland, est Senior Editor de la « Human Life Review »