Bon, si l’administration Trump n’était pas en collusion avec la Russie, avec qui l’était-elle ? Ma propre idée est que c’était avec les électeurs des Etats Rouges, mais j’ai déjà entendu d’autres théories.
Il a été plus amusant de suivre la politique (d’une façon décousue) dans votre pays que dans le mien. 1 Ici, dans les contrées nordiques les plus froides, nous avons un gouvernement de gauche qui a été pris par un jeune membre, naïf et apparemment à cheval sur les principes, de son propre cabinet à pratiquer la corruption sur une grande échelle. Mais il a rapidement fait usage de sa majorité dans un comité parlementaire pour prévenir une enquête. Les médias canadiens les aident maintenant à « tourner la page » sur cette affaire, vu qu’il y aura une élection générale à l’automne, et les médias canadiens sont aussi serviles envers notre Parti Libéral que les médias américains envers vos Démocrates.
C’est ce que je dis ; l’honorable lecteur peut ne pas être d’accord. L’un de mes mobiles pour refuser l’union avec vos Etats-Unis est purement charitable. Cela vous refilerait dix Etats Bleus de plus, avec toutes les dépenses qui vont avec. Cependant, ce n’est pas mon unique raison. Car je ne suis pas républicain moi-même, mais monarchiste. (Au moins nous avons toujours la Reine.)
La politique sans religion est une farce cruelle. De même que la politique AVEC religion, ainsi qu’on le découvre en lisant un peu l’histoire, mais il y a des contrôles sur elle sous forme de conscience humaine. Il est sage en politique d’au moins préserver la possibilité de collusion avec les anges ; insensé de limiter la collusion aux forces contraires, les forces démoniaques.
Je fais allusion par là à « la fin justifie les moyens ». Récemment, cela a été trop ouvertement affiché comme la norme de l’action politique profane.
Je ne sais pas si cette opinion est controversée ; je ne peux pas me rappeler quand je l’ai entendue exprimée pour la dernière fois. Personne ne veut prendre le risque d’être accusé de mêler l’église et l’état. Mais notez ma distinction implicite entre l’authentique religion (qui change le comportement d’un homme) et la fausse.
Comme Voltaire le disait parmi ses amis de l’élite, c’était tout à fait bien pour eux d’être athées, mais ils ne devaient pas en parler à leurs domestiques. Quand les paysans perdent leur crainte de Dieu et de l’Enfer, ils commencent à tricher et à dérober des objets. Ce n’était pas le seul exemple de la perspicacité de Voltaire.
Etre membre d’une élite « libérale » confère traditionnellement deux avantages. Le premier est que vous pouvez vous-même mentir, tricher et voler. La seconde est que vous pouvez compter sur la « simplicité » des masses incultes pour éviter d’être puni pour cela. Cependant, de nos jours, grâce aux médias notamment, même ces simplets pensent être Voltaire.
Les scolastiques, pas simples d’esprits, eux, étaient conscients des dangers de la démocratie. Plutôt qu’unifier la société (« Une Nation sous le regard de Dieu, indivisible… »), elle divise le peuple en factions.
Naturellement, il y aura des hommes politiques sous n’importe quel régime. Des hommes (et des femmes) de position sociale éminente vont essayer d’obtenir les bonnes places et le pouvoir. Mais dans une démocratie représentative, nous avons les politiques sans politiques – des politiciens qui cherchent à se placer au sein de chaque parti, donnant leur chance aux démagogues.
Les gens ne peuvent pas être aussi bien informés que leurs magouilleurs, et peuvent être dupés par la manipulation de prétendus « faits ». Je suis parfois stupéfait par les stupidités prononcées par des gens par ailleurs sensés dans, par exemple les cafés. Cela inclut la notion que la « liberté » et « l’égalité » seraient deux biens interchangeables. Ou qu’un déficit perpétuel du budget peut finir bien.
Mais laissez-moi revenir à la question de Dieu. Et je ne parle pas ici de la vraie foi mais d’une simple croyance. Il est parfois dit que le capitalisme démocratique, ou le socialisme, ou tout autre principe idéologique « fonctionnerait si les hommes étaient des anges ». Je m’oppose à ce cliché. Je pense que cela ne fonctionnerait pas non plus avec des anges.
Voila où le chrétien – et d’autant plus le chrétien catholique – doit être sur ses gardes. Ce n’est pas à une cause qu’il a promis obéissance. C’est plutôt qu’il s’est soumis à la VERITE, sur laquelle il ne peut pas y avoir de vote. Et cette vérité ne peut appartenir à aucune faction. Elle ne peut appartenir qu’à – devinez à Qui ?
Pourtant, dans notre monde de factions politiques, la vérité n’est pas équitablement partagée. Un parti ne sera pas aussi religieux qu’un autre. Laissez-moi l’exprimer plus clairement.
Dans tout régime politique sous lequel j’ai vécu – j’en ai connu plusieurs – il y a l’habituel monstre à deux têtes. Un parti (ou plus) sera familièrement regardé comme « la droite », un ou plusieurs autres comme « la gauche », avec un fossé mouvant entre les deux.
Bien sûr, il y a les « électeurs indépendants », qui font basculer la plupart des élections, mais ils sont invariablement les moins bien informés. Ceux qui ont un cerveau en état de marche, par environnement ou par hérédité, ont depuis longtemps décidé de quel côté ils étaient. Ceux qui sont entre les deux n’y connaissent rien.
Mais voici ce qui est intéressant. Ce clivage est essentiellement religieux. Bien qu’il puisse y avoir quelques sciemment « dévots » des deux côtés (jusqu’à ce que vienne la révolution) – leurs ultimes priorités ne seront pas les mêmes.
Historiquement, en Occident, on repère facilement la division. Prenez la Vieille Angleterre, où le parti Tory (conservateur) a depuis les origines été étiqueté « parti de l’église » contre les Whigs qui se considéraient comme « émancipés ». Ces derniers étaient un parti aristocratique fortuné, le plus profane et le plus à l’aise avec « l’égoïsme éclairé », le moins patient avec « la tradition ».
Un héritage en est sorti, et pas seulement dans les pays anglophones. L’instinct d’être plus conservateur, de résister au changement, est dressé contre un instinct de se montrer plus libéral et de changer les choses. Naturellement, l’intérêt personnel, vu que nous sommes tous humains, est rarement négligé d’un côté comme de l’autre.
Je n’entretiens pas l’illusion que votre gentleman Trump est un fervent catholique, bien qu’il m’intéresse que, dans sa position, il fasse des bruits toujours plus ouvertement chrétiens. Ce sont « des paroles cryptées » selon l’opinion de ses ennemis. Mais même une minuscule fraction de sincérité lui a permis de se sortir politiquement intact de l’enquête Mueller.
La vérité finira par sortir un jour.
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David Warren est ancien rédacteur du magazine Idler et chroniqueur dans des journaux canadiens. Il a une profonde expérience du Proche-Orient et de l’Extrême-Orient.
Illustration : « Dieu le Père » par Cima da Conegliano, vers 1515 [Institut Courtauld, Université de Londres]
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/03/29/collusion/
