L’idée péjorative de cléricalisme couvre nombre de diverses significations. Selon beaucoup de protestants et irreligieux, ce terme signifie que le clergé détient et exerce une autorité excessive au sein de l’Église catholique. En quoi cela les regarde-t-il ? Mystère, sauf s’ils estiment que l’Église est concernée par leurs idées et devrait s’y soumettre.
Pour les catholiques, le cléricalisme serait en général une espèce de domination des laïcs par le clergé au-delà de sa légitime autorité spirituelle. S.S. le pape François parle souvent de cette forme de cléricalisme, en ce sens que le clergé peut agir dans sa tâche pastorale quotidienne ou bien dans le domaine politique.
St. Jose Maria Escrivá, fondateur de l’Opus Dei, détectait une autre sorte de cléricalisme chez ceux qui tentent de prendre des laïcs pour des pseudo-clercs — identifiant les laïcs vraiment « impliqués » comme d’authentiques serviteurs de l’Église plutôt que les chrétiens plongés dans la vie sociale et politique.
Mais on rencontre une autre forme de cléricalisme semblant tout aussi répandue de nos jours. C’est le cléricalisme selon lequel de nombreux laïcs sont incapables de comprendre vraiment l’enseignement de l’Église, ou ne savent pas vivre en s’y conformant alors que l’attente est immense. C’est le genre de cléricalisme subtilement mortel que S.S. Paul VI relevait dans Humanae vitae.
À propos de l’enseignement moral sur la contraception proposé par l’Église au cours des temps, qu’il réitérait en considérant les moyens modernes de contraception tels la pilule ou la stérilisation, S.S. Paul VI rappelait clairement : «pour beaucoup il sera non seulement difficile, mais paraîtra impossible à suivre.» Suit son explication : « L’enseignement de l’Église sur le contrôle des naissances est la promulgation même de la Loi Divine. » Aucun catholique ne peut vraiment croire que Dieu a édicté une loi que les catholiques, même soutenus par la grâce de Jésus-Christ, seront incapables de suivre.
Il ne s’agit pas simplement de la loi morale, mais de la capacité de rédemption à proprement parler. Ce sujet a été souvent abordé par St. Jean-Paul II. L’impossibilité pratique d’observer certains commandements a marqué de son empreinte certaines hérésies précisément parce qu’elle sous-entend que la grâce ne pourrait surmonter la faiblesse humaine.
S.S. Paul VI ajoute cette leçon salutaire :
En fait elle ne peut être observée [la Loi] à moins que Dieu vienne à leur aide par la grâce qui soutient et renforce la bonne volonté des hommes. Mais à ceux qui s’appliquent à suivre la question il sera bien évident que cette résistance renforce la dignité de l’homme et apporte tout bénéfice à la société.
D’évidence, la dignité de la personne humaine est également en jeu par la grâce de Jésus-Christ.
Se soumettre à une loi morale difficile implique une lutte — une lutte terrible pour certains. Mais le chrétien croyant ne s’absoudra pas avec légèreté de sa responsabilité pour ses manquements dûs à son déni du pouvoir de la grâce divine. Et le principe adopté par certains clercs et théologiens selon lequel les laïcs sont, pour la plupart, juste incapables de comprendre la vérité de certaines règles morales, ou de les suivre, n’est pas précisément un moyen pour reconnaître ou promouvoir la dignité des laïcs.
S.S. Paul VI le pressentait et invitait le clergé — prêtres et évêques — à «parler en pleine confiance, fils bien-aimés, persuadés que lorsque l’Esprit Saint de Dieu pénètre le Magistère lors de la proclamation de la bonne doctrine; Il illumine également le plus profond des cœurs des fidèles et les invite à s’y soumettre.»
Admettre que de nombreux sinon la majorité des laïcs sont incapables de comprendre l’enseignement de l’Église sur les difficiles sujets de morale (et j’ajouterais bien dans le domaine sacramentel) revient à nier le pouvoir de l’Esprit Saint pour éclairer leurs âmes. Paul VI invitait les dirigeants de l’Église à ne pas sous-estimer les pouvoirs de l’Esprit Saint et à ne pas mépriser la dignité des laïcs chrétiens — ce qui pourrait être la pire, la plus destructrice forme de cléricalisme.
Quand les catholiques apprennent que la moitié des mariages chrétiens serait vraisemblablement invalide à cause d’un consentement insuffisant ou d’une mauvaise compréhension des droits et devoirs dans le mariage, certains d’entre nous sont frappés par une telle forme de cléricalisme. Le mariage est une institution naturelle, et si les droits et devoirs essentiels dépassent la compréhension d’une majorité de catholiques, alors que signifie la dignité humaine de ces hommes et de ces femmes ?
Jusqu’à présent l’Église a toujours admis que même les gens les plus simples pouvaient plutôt facilement contracter un mariage valide. À présent, vu le nombre de mariages supposés invalides, même les personnes d’un haut niveau d’instruction sont bien incapables de saisir et d’approuver les fondements du mariage.
On nous dit aussi que de nombreux laïcs catholiques ne peuvent comprendre les préceptes canoniques et moraux édictés par l’Église, et sont donc susceptibles d’innocence, et de vivre en fait en état de grâce, même si leur comportement est d’évidence mauvais. Que penser, que dire de la dignité de ces personnes ?
Et quelle relation entre cette nouvelle casuistique morale et la foi de tels laïcs ? Paul VI réaffirmait que le caractère contraignant de l’enseignement moral de l’Église pour la formation des consciences ne dépend pas des raisons mises en avant pour soutenir les normes morales. Ces normes sont contraignantes pour la conscience d’un Catholique pour la bonne raison que le Magistère de l’Église a reçu la lumière de l’Esprit Saint en enseignant ces vérités.
Suggérer qu’un catholique n’est pas lié par l’enseignement de l’Église parce qu’il ne peut comprendre, ou que, simplement, il rejette les raisons avancées pour soutenir les-dites normes est simplement défaire ce que Saint Paul avance comme soumission à la foi.
En vérité, comment cette idée peut-elle promouvoir plutôt que rabaisser la dignité personnelle du laïc ? Le cléricalisme se manifeste de diverses manières, mais aucune autre ne risque de faire autant de ravages. Une question à méditer à présent.
https://www.thecatholicthing.org/2017/01/05/the-newer-clericalism/
Pour aller plus loin :
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- Dénoncer les abus sectaires dans la vie consacrée et passer l’épreuve en union au Christ Epoux
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- BAC 1992. DEVOIRS