L'avortement et la conscience - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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L’avortement et la conscience

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© Gerd Eichmann / CC by-sa

La loi examinée cette semaine par les députés en deuxième lecture ne se contente pas d’allonger de 12 à 14 semaines le délai pour un avortement, elle visait à supprimer la clause de conscience qui permet aux médecins de ne pas procéder à un acte contraire à leur conviction1. Certes, la volonté des députés de supprimer cette clause n’effaçait pas ce qui est prévu au Code de la santé publique, et qui permet aux médecins de s’abstenir de certaines pratiques pour raisons personnelles ou professionnelles. Mais, dans la volonté des promoteurs de la nouvelle loi, il s’agissait d’affaiblir singulièrement la notion d’objection de conscience et du droit des médecins, en évitant de mentionner la gravité d’un acte qui supprime une vie. Il convient, selon le rapport parlementaire justifiant les nouvelles mesures, de « pallier la stigmatisation et les difficultés d’accès à l’IVG ».

En d’autres termes, c’est la légitimité de l’avortement qui se trouve ainsi réaffirmée, comme un droit absolu qu’aucune distinction morale ne saurait affaiblir. Certes, nous n’en sommes qu’au début de la procédure législative. Le Sénat doit encore intervenir et il est probable qu’il s’opposera à ces nouvelles dispositions, qui ne correspondent pas aux tendances de la majorité sénatoriale. Le gouvernement lui-même se trouve dans l’embarras : il a requis l’avis du Conseil national d’éthique, mais il demeure lié par le militantisme de sa propre majorité.

Pourtant, tout ce qui a été voté par le passé nous place déjà aux antipodes de la loi à laquelle Simone Veil avait attaché son nom. Sans doute, s’agissait-il alors d’une première transgression qui s’opposait à une interdiction fondatrice. Mais l’intention du législateur n’était pas d’ériger l’avortement – pudiquement appelé interruption de grossesse – en droit. Non, ce dernier était considéré comme une sorte d’exception compassionnelle justifiée par une situation de détresse extrême. Depuis lors, d’étape en étape, la philosophie de la loi a été complètement transformée. Plus question d’exception, ou encore de possibilité de réflexion et d’échange préalable à une décision qui blessera profondément la psychologie de la femme, marquée dans sa chair et sa mémoire.

Supprimer tout débat intérieur

Tout doit être fait pour supprimer tout débat intérieur et tout obstacle moral. Le soupçon de contestation est insupportable, mais, du coup, le débat s’élargit au-delà de cette seule application. Il renvoie au fondement philosophique essentiel de la conscience humaine. Ainsi que l’écrit Damien Le Guay dans une tribune très argumentée du Figaro : « Le principe même de résistance en son âme et conscience est contesté. Il faudra un alignement des consciences sur la loi et une condamnation de ceux qui pensent autrement et se donnent le droit d’avoir un droit de retrait reconnu par les principes démocratiques. »

Toute notre tradition se trouve ainsi bafouée, celle qui remonte à Antigone dans son combat contre Créon, celle qui peut se réclamer de l’exemple d’un saint Thomas More, lui aussi martyr d’une certaine raison d’État. Une logique totalitaire s’est mise en marche. Qui pourra l’arrêter ?

  1. Depuis l’écriture de cet éditorial, les députés ont rejeté la clause de conscience lors de l’examen de la loi le 30 novembre.