Nous autres, pauvres mortels, devons nous résoudre au départ de nos proches et de nos lointains, vers un monde, qu’en croyants à la divine miséricorde nous savons bien meilleur que le nôtre. Hier, nous apprenions le décès de Claude Lefort, un de nos plus éminents philosophes politiques, venu du communisme puis du trotskisme, et pour cela très sensibilisé à la question du totalitarisme contemporain. Il fut le penseur d’une démocratie fragile, incertaine, avec un pouvoir inapropriable et donc étranger à toute captation totalitaire. Mais, l’avant-veille, j’avais appris aussi le départ de deux personnalités que j’estimais beaucoup, très différentes l’une de l’autre, mais toutes deux caractéristique de la période d’après-guerre.
Le nom de Philippe Moret est beaucoup moins connu que celui de Philipe Robrieux. Cet ancien élève de Normale Supérieure, qui enseigna par la suite dans sa propre école, était aussi inspecteur général de l’Education nationale. Il fut un des proches collaborateurs du ministre-normalien Alain Peyrefitte et fut associé à la rédaction des livres best-sellers de celui qui fut le témoin direct de la geste gaullienne et le confident du général. La tradition politique de Philippe Moret était capétienne. Celle de Philippe Robrieux était communiste. Ancien dirigeant des jeunesses du Parti, Robrieux devint l’historien implacable de l’organisation où il avait milité, dressant notamment un portrait de Maurice Thorez, qui fissurait passablement l’icône du fils du peuple. Je garderai le souvenir d’un homme droit et exigeant. C’est avec mélancolie que je vois s’effacer ces figures qui me furent familières, mais non sans un vif sentiment de gratitude. Et l’élan de la prière.
Chronique lue le 6 octobre à Radio Notre-Dame