Le synode préparatoire qui achève sa première semaine de travail aujourd’hui et en quelque sorte un paradoxe. Les précédents synodes avaient rendu publiques les déclarations régulières dès qu’elles étaient faites, au jour le jour. Les journalistes avaient la possibilité d’assister aux séances quotidiennes, souvent fort assommantes. Celui-ci offre seulement une page de résumé, ordinairement pour deux sessions journalières, qui relate des généralités non sujettes à controverse et n’identifie pas quels orateurs ont relevé des points-clés. Et pourtant l’événement actuel est déclaré comme « plus ouvert ».
Ca vaut la peine d’envisager d’un œil neuf ce que signifie en pratique de nos jours une discussion ouverte dans l’Eglise. Jean-Paul II a créé le Conseil Pontifical pour la Famille en 1981, mais en plus de 30 ans, aucune de ses délibérations n’a émis un doute sur l’enseignement de l’Eglise, encore moins de vagues d’anxiété concernant la situation difficile où se trouvent les gens quand leur mariage bat de l’aile.
Dans les précédents synodes, il y avait aussi des tas de discours sur la miséricorde et le pardon, mais à en juger par la mine étonnée de certains observateurs, c’est presque oublié aujourd’hui. Enfin, lors de ces événements, on ne croyait pas pouvoir trouver quelque rune elfique capable de faire disparaître les conflits insolubles entre l’enseignement et la vie. Aujourd’hui, le discours sur la miséricorde et le pardon envoie un signal différent. Bien que l’Eglise reste une des rares places ou la raison prime encore sur ces questions difficiles, le monde ne considère pas de telles délibérations comme une enquête méthodique et rationnelle, mais comme l’expression du doute. Et peut-être de la capitulation.
Vous pouvez faire des recherches sur Google sur les termes du synode actuel et que trouverez-vous ? Pas grand chose, vraiment, depuis que le journaliste moyen ne sait pas grand chose de l’événement qu’il couvre. Mais une facette est claire : l’Eglise catholique débat de la communion pour les divorcés remariés, se penche sur les unions homosexuelles, envisage quelque moyen embrouillé de bénir ou tout au moins « régulariser » un deuxième (un troisième ?) mariage.
Il serait bon de savoir si quelqu’un à Rome, peu importe qui il soit, est conscient de la façon dont cela se joue pour le catholique moyen – pour ne rien dire des non-catholiques. Pour eux, l’Eglise est maintenant « divisée » sur ces questions. Et personne ne semble certain de la façon dont le problème sera résolu. Et ils ont raison sur le fait qu’après quelques jours, nous sommes plongés dans la répétition du mantra sur le respect envers les gays, les divorcés, etc.
Toute personne d’un peu d’intuition ne manquera pas de sentir que l’Eglise ne doit plus être horrifiée par la violation des Dix Commandements depuis que son souci principal semble être de trouver les moyens de parler à des gens qui l’ont fait sans penser à mal. C’est la quadrature du cercle. Impossible à réaliser. La doctrine est douloureuse si votre vie prend une certaine orientation, et elle peut être blessante pour certains. Le respect ne peut pas gommer cela.
Il est aussi nécessaire de dire que le « respect » et la « dignité humaine », deux concepts importants de la pensée sociale catholique, sont souvent considérés dans l’Eglise comme des broutilles. On en parle comme si leur sens et leur mise en application étaient une évidence. Pour sûr, ce sont des questions humaines et morales délicates qui invitent les personnes de bonne volonté à travailler dur, de manière appropriée, afin de les comprendre et de les mettre en pratique.
Mais quand nous parlons du respect, nous souvenons-nous des passages de l’Evangile qui nous rappellent ce que la tentation d’une certaine forme de respect est pour nous : « qui aime son père et sa mère plus que moi n’est pas digne de moi : qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est aps digne de moi (Matthieu 10:37). Naturellement, nous ne voulons pas appliquer ces textes à la manière des fondamentalistes. Ce ne serait pas du catholicisme. Mais quand nous entendons un couple catholique dire que si un fils veut amener à la maison son partenaire homosexuel pour les congés, nous devrions les accueillir favorablement pour manifester l’amour du Christ, quoique n’approuvant pas cette relation, ne sommes-nous pas en danger de laisser nos sympathies humaines submerger quelque chose de plus grand ?
D’une façon plus abstraite, la « dignité » humaine aussi n’est pas si claire que ça dans sa nature et dan ce qu’elle requiert de nous si nous nous plaçons dans l’optique de la culture moderne. Deux grands penseurs catholiques actuels, Robert Spaemann et David L. Schindler, ont exploré le sujet dans un livre capital : L’amour et la dignité humaine. Et en 2009, le président du Conseil de Bioéthique a rassemblé des essais de valeur sur le thème de la dignité humaine, qui clarifie que dans notre tradition biblique, nous croyons que les personnes sont faites à l’image de Dieu, mais que toute chose arborant l’étendard de la dignité humaine ne doit pas forcément être prise pour telle.
Le respect et la dignité, pour nécessaires qu’ils soient, nous conduisent à beaucoup de confusion si nous prenons les mots dans le sens où le monde les prend.
Et pour couronner ce fouillis conceptuel, nous avons maintenant la large impression que les problématiques du mariage, de la famille, du respect, de la dignité de la personne sont, pour le dire gentiment, mouvantes. Et que doit alors penser le catholique moyen mal informé, plongé dans l’atmosphère de l’autonomie individuelle moderne ? Je crains fort que ce soit quelque chose comme ça : « l’Eglise repense tout ça. Donc, en attendant, je peux faire à peu près tout ce que je veux puisque l’Eglise semble penser que quoi que je fasse, elle essaiera de se mettre d’accord avec moi. » Et cela parmi le faible pourcentage de catholiques qui tient encore compte de ce que dit l’Eglise.
Tout cela est une absurdité bien sûr, mas la simple manière de présenter les choses ces jours derniers encourage cette absurdité. Le pape, après une consultation générale durant l’année prochaine et après le synode de 2015, fera un compte-rendu. Qui, nous pouvons le prédire sans risque, répètera la ligne à propos de la vérité, de la miséricorde et de la dignité humaine. Mais François devra aussi faire des choix. Aucun doute que des gens resteront insatisfaits, avec l’impression que le pape aurait pu aller plus loin, qu’il y avait davantage à dire, que peut-être la prochaine fois…
Je le dis, c’est une absurdité et une injustice pour l’Eglise. Mais justement hier, deux autres cardinaux sont intervenus en faveur des propositions du cardinal Kasper pour des solutions pastorales à la communion por les divorcés remariés. Deux cardinaux. Les évêques allemands semblent, dans l’ensemble, soutenir cette mesure. D’autres sont un peu plus réticents quant à la directin prise.
Ceux d’entre nous un peu âgés reconnaissent cette situation. C’est tout à fait ce que nous avons souffert durant la période entre la clôture de Vatican II et l’élection de Jean-Paul II. Personne n’a voulu ce résultat, mais c’est ce que nous sommes en train d’obtenir.
Robert Royal est le rédacteur en chef de The Catholic Thing.
source : http://www.thecatholicthing.org/synod_report/synod_report/synod-day-5-openness-that-deceives.html
Pour aller plus loin :
- Deuxième jour du synode : Ouverture d'esprit, fuites et crainte de la franchise.
- Quelques reflections pour l'ouverture du Synode 2015
- Une ouverture de Synode excellente pour le catholicisme
- Troisième jour du synode : à la recherche d'une action et d'un langage efficaces
- Septième jour du synode : une nouvelle étape commence.