Cinquième dimanche de carême - C - France Catholique
Edit Template
Le martyre des carmélites
Edit Template

Cinquième dimanche de carême – C

Copier le lien

L’évangile du cinquième dimanche du Carême est tiré de Jean, non de Luc (bien que de nombreux spécialistes pensent que cet extrait appartienne à la tradition de Luc plutôt qu’à celle de Jean) et constitue en quelque sorte la continuation thématique de l’évangile de la semaine dernière qu’il complète.

L’épisode de la femme adultère nous montre, au début, que les scribes et les pharisiens avaient l’intention de poursuivre Jésus en justice. Nous nous approchons de la Pâque et, dans les évangiles, les critiques à Jésus, à son œuvre et à son enseignement se multiplient à Jérusalem : elles porteront à la condamnation et à la mort de Jésus.

Jésus se trouve dans la cour du temple, le lieu le plus significatif et sacré de la religion hébraïque, un lieu que Dieu a marqué de sa présence depuis des siècles. On dirait que la sacralité de ce lieu accentue et dramatise la controverse entre Jésus et ses accusateurs, une controverse qui devient de plus en plus théologique : de quel côté se range Jésus ? Du côté de la loi de Moïse, donc du côté du Dieu d’Israël ? Ou du côté des ennemis et des détracteurs de Dieu ? La femme adultère que les scribes et les pharisiens conduisent à Jésus qui dispensait son enseignement à la foule, devient un prétexte : moins pour confirmer une condamnation qui, en cas d’adultère flagrant, était escomptée et punie par la mort selon la loi de Moïse, que pour parvenir à condamner Jésus. Les scribes et les pharisiens lui demandent son avis sur l’interprétation de la loi de Moïse. En réalité, ils lui tendent un piège dans lequel, comme d’autres fois dans les évangiles, Jésus décide de ne pas tomber : non pas tant grâce à son habileté diplomatique, mais plutôt parce qu’il veut aller au fond de la question qui lui a été posée. C’est ainsi que Jésus révèle sa véritable identité : c’est Lui, non pas les scribes et les pharisiens, le véritable interprète de la loi de Dieu ; c’est Lui le vrai temple de Dieu, la véritable et nouvelle présence de Dieu au milieu des hommes ; c’est Lui qui renverse et renouvelle les situations humaines. Et il le fait à travers des gestes et des paroles.

Avant tout, Jésus écrit avec le doigt dans le sable, geste étrange qui a donné lieu à différentes conjectures et dont l’interprétation reste difficile. Dans l’évangile de Luc, nous trouvons l’expression : « Si par le doigt de Dieu je chasse les démons, le royaume de Dieu est donc venu jusqu’à vous » (11,20). Jésus apparaît ici comme le doigt de Dieu, qui avait façonné l’homme de la poussière du sol, qui agit maintenant en Jésus et qui rétablit l’homme dans la pleine filiation divine en pardonnant les péchés et en écrasant le mal. Dans l’Exode (31,18) on dit que Dieu a donné à Jésus les deux tables du témoignage, gravées dans la pierre par le doigt de Dieu. En Jésus la Loi de Dieu n’est plus gravée sur des tables de pierre, mais, selon la prophétie de Jérémie (31,31-34), elle est inscrite dans le cœur de l’homme comme une alliance nouvelle et définitive. D’autres exégètes se réfèrent à Jérémie 17,13 (’’Tous ceux qui t’abandonneront seront confondus, ceux qui se détournent de toi seront inscrits dans la poussière, car ils ont abandonné la source d’eau vive, le Seigneur’’), pour affirmer – selon une explication traditionnelle des Pères, d’Ambroise à Augustin et à Jérôme – que Jésus avait écrit les péchés des accusateurs de la femme et de tous les hommes. Cette dernière explication s’adapte mieux à la suite du récit, parce que, devant Dieu, tous les hommes sont coupables et les accusateurs de la femme adultère, soutenus par ce geste muet et répété de Jésus, lu à la lumière prophétique de Jérémie 17,13, étaient en condition de prendre conscience de leur péché et de s’en remettre au jugement de Dieu plutôt qu’à celui des hommes.

Les paroles de Jésus retirent toute équivoque à l’épisode, à partir de la première phrase, qui défie les siècles et les millénaires et que l’on cite parmi nous dans les propos de la vie de tous les jours, phrase désormais sédimentée chez le peuple chrétien :’’Que celui d’entre vous qui est sans péché lui jette la première pierre’’. Cette phrase, ainsi qu’une autre phrase semblable de Jésus (Mt 7,3.5) (’’Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et ne t’aperçois-tu pas de la poutre qui est dans ton œil ?Hypocrite ! Ôte d’abord la poutre qui est dans ton œil et alors tu verras comment ôter la paille de l’œil de ton frère’’), condamnent non seulement toute forme d’hypocrisie, tout ’’justice’’ présumée qui serait l’œuvre de l’homme, mais interdisent à quiconque, en tant que pécheur, de s’arroger le droit de juger un autre pécheur, car cette sorte de jugement n’appartient qu’à Dieu. Et il apparaît clairement que Jésus a atteint son but car tous comprennent la leçon et tous s’en vont, « à partir des plus âgés », ainsi que le souligne l’évangéliste avec une certaine ironie.

A ce moment, la controverse avec les scribes et les pharisiens s’est conclue, mais l’épisode a un autre épilogue qui commence par l’appellatif ’’Femme’’ et par lequel Jésus s’adresse à l’adultère restée seule avec lui (’’relicti sunt duo, misera et misericordia’’, commente Augustin avec grandeur). C’est le même appellatif que Jésus a prononcé à l’égard de sa Mère à Cana et au pied de la Croix. Jésus réintègre cette pécheresse et la ramène à sa dignité de ’’femme’’, c’est-à-dire d’image de Dieu, de même que dimanche dernier le père de la parabole réintègre le plus jeune de ses fils dans sa dignité filiale et court vers lui pour l’embrasser. Jésus ne la questionne pas sur son passé, il n’enquête pas afin de pouvoir l’accuser, mais il prononce un verdict d’acquittement et il le fait avec la souveraineté de celui qui connaît et qui incarne la miséricorde de Dieu. Quel que soit le péché que cette femme ait commis, cela ne compte plus à présent.

Jésus fait comprendre à tous les hommes qui ils sont réellement : tu es fils de Dieu, tu es plus grand que ton péché. Tel est le regard que Dieu porte sur nous : ’’L’homme regarde à l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur’’ (1Sam 16,7). Et le cœur de l’homme, même s’il est plongé dans les misères et les péchés de la vie, est fait pour le mystère de Dieu, pour la beauté, pour l’amour et pour la vérité. Le regard de Dieu est un regard de vie, non de mort, c’est un regard porté vers l’avenir, non vers le passé ; c’est un regard de miséricorde, non de condamnation.

Cette femme va entreprendre un parcours nouveau. ’’Va et ne pêche plus’’, lui dit Jésus. Et Saint Augustin commente encore : Jésus a condamné le péché, non la femme’’. La miséricorde de Dieu est une étreinte au pécheur afin qu’il se convertisse et afin qu’il vive ; ce n’est pas une étreinte au péché qui conduit à la mort. Et c’est là ce qui fait l’originalité et la joie de l’Evangile par rapport à la culture d’aujourd’hui qui hésite continuellement entre le libertinisme et le justicialisme, entre le « tout le monde il est bon il est gentil » et le rigorisme. Jésus n’est ni un relativiste, pour lequel le bien et le mal sont identiques, ni un moraliste qui condamne et humilie. Jésus condamne le péché sans trêve, mais il aime le pécheur sans trêve.

Le parcours du Carême nous révèle qu’il est possible de se convertir de notre péché, à la seule condition de redécouvrir et d’accueillir l’amour obstiné et fidèle que Dieu nous porte.

Citations:
Is 46,16-21: www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/9ayycfbk.htm

Phil 3,8-14: www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/9ak0xkc.htm

Io 8,1-11: www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/9abtnih.htm