CITE DU VATICAN, 13 OCT 2010 (VIS). Au cours de la cinquième Congrégation générale les interventions des Pères synodaux se sont poursuivies sous la présidence du Cardinal Leonardo Sandri, Préfet de la Congrégation pour les Eglises orientales. Suivies par les interventions libres, lues en présence du Saint-Père.
SB NERSES BEDROS XIX TARMOUNI, PATRIARCHE ARMENIEN DE CILICIE, ARCHEVEQUE ARMENIEN DE BEYROUTH (LIBAN): « Le retour à la première communauté chrétienne nous montre que les premiers chrétiens n’ont pas eu une vie facile, exempte de difficultés et d’adversités. Bien au contraire, ils subirent outrages et persécutions. Mais cela ne les a pas empêchés de proclamer l’enseignement de Jésus intégralement et de pardonner. Nous trouvons des situations similaires dans notre époque contemporaine. Les chrétiens non éclairés par le Saint-Esprit croient qu’ils devraient être épargnés par les difficultés. Ceci est important à relever, et dans ce sens à réévangéliser nos fidèles, en leur proposant la foi vécue aux premiers siècles du christianisme. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas lutter pour rétablir la justice et la paix au Moyen-Orient. Mais il serait erroné de considérer que, sans cette justice et cette paix, le chrétien ne peut pas vivre pleinement sa foi ou devrait émigrer. D’ailleurs, personne n ‘émigre pour rechercher une vie chrétienne meilleure. Le chrétien convaincu qu’il est appelé, de par son baptême, à témoigner de sa foi et qui mène une vie chrétienne en communauté, n’a pas comme première préoccupation la recherche du bien-être matériel ou de la paix, ou bien encore la fuite des problèmes pour sa tranquillité et celle des siens. Au contraire, prenant exemple du témoignage de ses ancêtres du Moyen-Orient, il travaille en groupe avec d’autres confrères chrétiens, pour témoigner par la vie et par l’exemple, pour rendre plus convainquant le message d ‘amour de Jésus ».
MGR.PAUL HINDER, OFM, VICAIRE APOSTOLIQUE D’ARABIE (EMIRATS ARABES UNIS): « Les deux vicariats de la péninsule arabique, comprenant le Koweït, le Bahreïn, le Qatar, les Emirats arabes unis, l’Oman, le Yémen et l’Arabie saoudite, ne comptent pas de chrétiens originaires de ces pays. Les 3 millions de catholiques, sur une population de 65 millions d’habitants, sont tous des travailleurs immigrés venant d’une centaine de pays, pour la plupart des Philippines et de l’Inde. Environ 80% d’entre eux sont de rite latin, les autres appartiennent aux Eglises catholiques orientales. Les deux vicaires apostoliques sont l’un comme l’autre de rite latin; l’ordre des frères mineurs capucins a la Ius Commissionis pour le territoire; deux tiers des 80 prêtres sont des frères capucins ressortissants d’Inde, des Philippines, d’Europe et d’Amérique et appartenant à différents rites… Il existe des lois restrictives relatives à l’immigration (restriction concernant le nombre des prêtres)…pas de liberté de religion (un musulman ne peut pas se convertir, mais les chrétiens sont les bienvenus dans l’islam), liberté de culte limitée aux lieux désignés, accordée par des dirigeants éclairés (sauf en Arabie saoudite) ».
MGR.ELIE BECHARA HADDAD, BS, ARCHEVEQUE GREC-MELKITE DE SIDON (LIBAN): « La vente de terrains des chrétiens au Liban devient un phénomène dangereux. Il risque de menacer la présence chrétienne jusqu’à l’anéantir à un minimum dans les quelques années qui viennent. Pour remédier à ce phénomène nous proposons de créer une stratégie de solidarité entre les Eglises sous le patronage du Saint-Siège ; de modifier le discours de l’Eglise envers l’islam afin de distinguer nettement entre islam et fondamentalisme. Ceci facilite notre dialogue avec les musulmans en vue de nous aider à persévérer dans notre terre et de passer du concept d’aide aux chrétiens d’Orient au concept de développement pour les enraciner dans leur terre et leur trouver des emplois. Notre expérience dans le diocèse de Saïda est prépondérante à ce niveau ».
MGR.ANTOINE AUDO, SJ, EVEQUE CHALDEEN D’ALEP (SYRIE): « Malgré la diminution du nombre des vocations, éprouver les candidats avant de les admettre au séminaire. Former les séminaristes au sens profond de chaque liturgie et être capable d’ouverture à l’universalité de l’Eglise. En théologie, se baser sur Vatican II, répondre aux questions de la modernité dans le contexte arabo‑musulman, en donnant une attention particulière à l’usage correct de la langue arabe. Enfin, à la suite et selon les conseils de Benoît XVI, accorder de l’importance à une formation doctrinale solide et vivante, se traduisant dans la vie quotidienne. La dimension pastorale: apprendre à prêcher, enseigner le catéchisme, accompagner les familles, écouter les confessions, sont des éléments vitaux dans la formation. Accompagnement pastoral et spirituel au cours de l’exercice du ministère sacerdotal… Regarder objectivement les besoins des prêtres, et arriver à une comptabilité transparente du diocèse qui aide à développer la confiance parmi les prêtres et les fidèles. Que la congrégation pour les Eglises orientales aide chaque patriarcat et diocèse à la mise en place d’un système d’assurance maladie et d’assurance vieillesse. Les ressources sont là, manquent la compétence et la rigueur ».
MGR.BERHANEYESUS DEMEREW SOURAPHIEL, CM, ARCHEVEQUE DE ADDIS ABEBA, PRESIDENT DU CONSEIL DE L’EGLISE ETHIOPIENNE, PRESIDENT DE LA CONFERENCE EPISCOPALE ETHIOPIENNE ET ERYTHREENNE (ETHIOPIE): « L’Ethiopie compte 80 millions d’habitants, dont la moitié a moins de 25 ans. Le grand défi que ce pays est amené à affronter est celui de la pauvreté et de ses conséquences, telles que le chômage. De nombreux jeunes, désireux de fuir la pauvreté, tentent, par tous les moyens, d’émigrer. Ceux qui émigrent au Moyen-Orient sont pour la plupart de jeunes femmes qui vont, légalement ou illégalement, chercher un emploi de domestique parce que, pour la plupart d’entre elles, elles manquent de formation professionnelle. Afin de faciliter leurs voyages, les chrétiens transforment leurs noms chrétiens en noms musulmans et s’habillent comme les musulmans de manière à ce que leur demande de visa puisse aboutir plus facilement. De cette façon, les chrétiens sont indirectement forcés à renier leurs racines chrétiennes et leur héritage… Même s’il existe des situations exceptionnelles dans lesquelles les travailleurs sont bien traités, la grande majorité d’entre eux souffre d’exploitations et d’abus… Les chrétiens qui meurent en Arabie Saoudite ne semblent pas être autorisés à y être enterrés. Leurs corps sont renvoyés en Ethiopie afin d’y être enterrés. Pourrait-on demander aux autorités saoudites d’accorder un cimetière aux chrétiens en Arabie Saoudite? De nombreux éthiopiens se tournent vers les Eglises catholiques au Moyen-Orient pour en obtenir aide et conseil. Je désire remercier les hiérarchies catholiques du Moyen-Orient qui font de leur mieux pour assister les victimes d’abus et d’exploitations. Nous sommes reconnaissants, par exemple, pour le travail important réalisée par Caritas Liban. La migration moderne est considérée comme un esclavage moderne. Mais laissez-nous rappeler que les immigrés d’aujourd’hui seront les citoyens et les responsables de demain, que ce soit dans leurs patries que dans les pays qui les accueillent ».
Le Président de la séance a ensuite donné la parole à l’invité spécial, le Rabbin David Rosen, Conseiller du Grand Rabbinat d’Israël, Directeur du Département pour les affaires inter-religieuses du Comité juif américain et de l’Institut Heilbrunn pour l’accord international inter-religieux (Israël), qui a parlé de la relation judéo-chrétienne au Moyen-Orient. Voici quelques extraits de son discours:
« Aujourd’hui, les rapports entre l’Eglise catholique et le Peuple juif connaissent une heureuse transformation qui a lieu à notre époque et qui n’a sans doute pas d’égal dans l’histoire. Dans son discours à la synagogue de Rome, en janvier dernier, Benoît XVI a parlé de l’enseignement du concile Vatican II comme d’une référence vers quoi se tourner constamment en tout ce qui concerne les rapports avec le Peuple juif… Les relations catholiques-juives ont considérablement évolué il y a une dizaine d’années pour diverses raisons, dont deux en particulier méritent d’être mentionnées. La première, ce sont les effets de la visite de Jean-Paul II en 2000, à la suite de l’établissement des relations diplomatiques complètes entre Israël et le Saint-Siège six ans plus tôt… Ce fut le pouvoir des images, dont Jean-Paul II avait si bien compris l’importance, qui révéla clairement à la majorité de la société israélienne la transformation s’étant produite dans les attitudes et dans les enseignements chrétiens à l’égard des juifs, avec qui le Pape lui-même avait maintenu et renforcé l’amitié et le respect. Pour les israéliens, voir le Pape devant le Mur occidental, vestige du Second Temple, se tenir là en signe de respect pour la tradition juive et y placer le texte qu’il avait composé pour une liturgie de pardon, qui avait eu lieu deux semaines plus tôt à Saint-Pierre et où il demandait le pardon divin pour les péchés commis contre les juifs au cours des siècles, a eu des effets stupéfiants et très touchants. Il reste un long chemin à faire avant que la communauté juive d’Israël surmonte son passé négatif, mais il n’y a pas de doute que les attitudes ont changé depuis cette visite historique… L’autre facteur important, c’est l’afflux de nouveaux chrétiens qui ont doublé la composition démographique du christianisme en Israël. Je fais référence tout d’abord aux cinquante mille chrétiens pratiquants qui ont fait partie intégrante de l’immigration vers Israël de ces dernières vingt années et provenant de l’ancienne Union soviétique… Il existe une troisième population chrétienne en Israël dont la position légale est parfois problématique. Il s’agit de plusieurs milliers de chrétiens pratiquants parmi les près de 250.000 travailleurs immigrés, venant des Philippines, d’Europe de l’Est, d’Amérique latine et d’Afrique sub-saharienne. La plupart d’entre eux résident dans le pays de manière légale et temporaire, mais près de la moitié sont entrés ou résident illégalement et leur position est précaire sur le plan légal. Néanmoins, la présence chrétienne consistante parmi cette population assure une vie religieuse active et constitue une troisième dimension importante pour la réalité chrétienne en Israël aujourd’hui. Parmi d’autres, ces facteurs ont contribué à faire connaître de plus en plus en Israël le christianisme contemporain ».
« Les chrétiens en Israël sont évidemment dans une situation très différente par rapport à leurs communautés soeurs en Terre Sainte, qui font partie intégrante d’une société palestinienne luttant pour son indépendance et qui sont inévitablement prises tous les jours dans le conflit israélo-palestinien. En effet, certaines de ces communautés étant placées dans l’intersection entre la juridiction israélienne et celle palestinienne, elles sont souvent les plus touchées par les mesures de sécurité que l’Etat hébreux…. Il est tout à fait juste et opportun que ces chrétiens palestiniens expriment leur détresse et leurs espoirs vis-à-vis de cette situation. Néanmoins la détresse des palestiniens en général, et des chrétiens palestiniens en particulier, devrait constituer une préoccupation profonde pour les juifs, tant d’Israël que de la Diaspora. D’abord, le judaïsme a fait connaître au monde que chaque personne humaine a été créée à l’image de Dieu… Nous avons une responsabilité spéciale tout particulièrement pour nos voisins qui souffrent. Cette responsabilité est encore plus grande quand la souffrance provient d’un conflit dans lequel nous avons une part et, paradoxalement, précisément là où nous avons le devoir moral et religieux de nous protéger et de nous défendre… Effectivement, la responsabilité juive pour s=assurer que les communautés chrétiennes s’épanouissent parmi nous, en respectant la réalité que la Terre Sainte est la terre de la naissance du Christianisme et des lieux saints, est renforcée par notre fraternité de plus en plus redécouverte… Pourtant, en dehors de notre relation particulière, les chrétiens en tant que minorité tant en contexte juif que musulman, tiennent un rôle spécial dans nos sociétés en général. La situation des minorités est toujours le reflet profond de la condition sociale et morale d’une société dans son ensemble. Le bien-être des communautés chrétiennes au Moyen-Orient n’est rien d’autre qu’un baromètre de la condition morale de nos pays. Le degré auquel les chrétiens jouissent des droits civils et religieux et des libertés témoigne de la bonne santé ou non des sociétés respectives au Moyen-Orient… De plus, les chrétiens jouent un rôle disproportionné dans la promotion de la compréhension et de la coopération interreligieuses dans le pays. En effet, je me permettrais de suggérer que ceci est précisément le métier du chrétien, contribuer à surmonter le préjudice et l’incompréhension qui apportent la confusion en Terre Sainte ».
L’Instrumentum Laboris cite ce qu’avait dit Benoît XVI en route pour la Terre Sainte: Il est important d’avoir, d’une part, un dialogue bilatéral – avec les juifs et avec les musulmans – et, d’autre part, un dialogue trilatéral. En effet, l’année dernière, et pour la première fois, le Conseil pontifical pour le dialogue inter-religieux et la Commission pontificale pour les relations religieuses avec le judaïsme, recevaient ensemble avec le Comité juif international de Consultations interreligieuses et la Fondation des Trois cultures à Séville, en Espagne, notre premier dialogue trilatéral. J’ai éprouvé une joie toute particulière du fait qu’il avait été proposé durant ma présidence du IJCIC, et que j’espère ardemment qu’il ne s’agit que du début d’un dialogue trilatéral beaucoup plus étendu, pour surmonter la méfiance, les préjudices et les incompréhensions, afin que nous puissions mettre en lumière les valeurs partagées dans la famille d’Abraham pour le bien-être de toute l’humanité ».
SE/ VIS 20101014 (2150)