Cinq principes directeurs pour le Synode - France Catholique
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Cinq principes directeurs pour le Synode

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Un synode, comme je suis déjà presque fatigué de le répéter à des amis, n’est pas une assemblée législative, mais consultative. En dépit du climat d’anxiété et des désordres qui ont précédé les séances d’ouverture (qui se tiennent aujourd’hui même), un synode peut ne rien nous apporter – ou bien, au contraire, nous apporter énormément. En fin de compte, c’est le pape lui-même qui devra décider de la suite à donner aux résultats. Il pourra même, comme Paul VI quand il a réaffirmé la doctrine de l’Eglise sur la contraception, rejeter tout simplement les avis qui lui auront été donnés. C’est l’un des avantages de la papauté : on peut conduire une Fiat 500, mais on a toujours le dernier mot en matière de foi et de principes moraux.

L’une des tâches que je me suis fixées pendant les semaines à venir sera d’essayer de dégager pour vous, chers lecteurs, de l’ensemble des débats les éléments à prendre sérieusement en compte, tout au long du déroulement du Synode sur la famille. Nos principales préoccupations, bien sûr, porteront sur ce qui pourrait menacer les vérités premières de la foi catholique dans un monde dans l’ensemble post-chrétien et non sur des affrontements transitoires ne suscitant que des émotions irréfléchies. Je posterai un article à ce sujet tous les jours pendant les trois semaines du Synode.

J’ai assisté au synode de 2014 et j’ai pu constater qu’il suffisait de quelques phrases incendiaires pour distraire tous les présents des efforts à déployer d’urgence pour consolider la famille. Nous devons rester très vigilants cette fois-ci, sinon les radicaux gagneront par forfait.

Pour nous aider à progresser, j’ai mis au point les cinq principes directeurs suivants. Vous pouvez en recommander d’autres, mais ceux-ci incarnent les idées-forces dont nous aurons absolument besoin pour profiter au mieux de ce qui va se passer dans les trois semaines à venir, et par la suite.

Principe n° 1 : Réfléchissez bien avant de tirer des conclusions générales. Tous ceux que vous rencontrerez « savent » ce que représente le Synode. Attendez. Pratiquez un scepticisme de bon aloi. Résistez à la tentation d’affirmer des choses qui vont rester incertaines pendant un certain temps. La vérité prend du temps. Et parfois la vérité ne sera pas vraiment en jeu. J’étais en Europe ces derniers jours, mais j’ai suivi les controverses concernant les entretiens du pape avec Kim Davis 1 et un couple homosexuel à la nonciature de Washington. Bien qu’il soit très choquant que le pape Bergoglio maintienne des relations avec un ami homo – ce qui aurait été impensable de la part des autres papes –, je n’ai pas envie de tirer immédiatement des conclusions définitives de tous ces épisodes. De même que d’autres du même acabit qui se produiront dans les prochains jours. La presse déforme tout, et les fuites du Vatican sont nombreuses.

Je vais quand même formuler quelques conclusions en ce qui concerne les homos. Le pape est un homme qui préfère les gestes aux idées. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne sait pas ou ne contrôle pas le sens de ses gestes. L’archevêque Kurtz, président de la Conférence des évêques catholiques des Etats-Unis et l’archevêque Lori de Baltimore, l’homme le plus en pointe sur la question de la liberté religieuse, ont poussé le pape François à exprimer sa solidarité avec les gens qui souffrent du nouvel absolutisme sexuel. Pendant son voyage en Amérique, il n’a pas instamment plaidé en faveur du mariage contre l’idéologie homosexuelle et la théorie du genre, ou pour la défense de l’embryon et la liberté religieuse, si ce n’est en termes très généraux. Il fallait de gros efforts pour repérer ces idées au milieu de tout le reste. Ce ne fut pas l’un de ses grands gestes. Par contre, il y a eu ce rapport personnel et direct (bien que privé) avec un ami homosexuel. Mais avec ce pape il s’agit d’un sentiment plus compliqué que cette apparente indifférence aux péchés de son ami. Je vous conseille donc de tout peser et de ne pas tirer de conclusions hâtives.

Principe n° 2 : Mais ne soyez pas trop prudents. Le monde entier ne parle que de ce prêtre polonais, Krzysztof Charasma, qui  « est sorti du placard » la veille du Synode, en confessant qu’il avait le même amant depuis des années. Nous aurons peut-être d’autres scoops de ce genre. Si ces opérations médiatiques semblent coordonnées, c’est peut-être que la Mafia homo dont le pape François a nié l’existence au Vatican aura finalement montré sa face (son pied fourchu ?). Entre autres bizarreries, le père Charasma se présente comme une victime d’une Eglise cruelle qui prêche la haine, et « doit changer ».

On pourrait déduire de ses rationalisations – un fatras de contorsions autrefois en vogue d’exégètes bibliques visant à démontrer que la Bible ne parle pas vraiment d’homosexualité quand elle la mentionne – qu’il a été contraint dès l’âge le plus tendre d’embrasser une carrière odieuse dans la prestigieuse Congrégation pour la doctrine de la foi qui l’a séquestré pendant des années.
La Congrégation pour la doctrine de la foi, autrefois dirigée par Joseph Ratzinger, est responsable de la vigilance doctrinale, ce qui n’implique pas l’imposition avec une brutalité nazie d’une idéologie, mais une évaluation prudente de ce qui concorde ou non avec l’Evangile. Le père Charasma a accepté la fonction de contrôleur de l’enseignement de la doctrine catholique. Il a prononcé de son plein gré des vœux de chasteté (il y a de nombreuses confessions chrétiennes qui ne les demandent pas). Il a promis d’obéir à un évêque, et fait d’autres promesses – le genre d’engagement que prennent des adultes dans toutes sortes d’institutions. Que devrions-nous donc penser de ce feu d’artifice ?

Principe n° 3 : Dépistez les affirmations d’un faux sens de liberté dans l’Eglise. Il règne dans tous les pays développés un faux sens de liberté qui prétend que les gouvernements n’existent que pour nous permettre de faire ce que nous voulons, à l’exception des crimes, et que la contrainte, physique et morale, est un frein à l’épanouissement de la personne humaine. C’est pourquoi le père Charasma se présente comme une victime de l’Eglise et le monde laïque en prend pour son grade. Parce que telle est la conception erronée de la personne humaine qui s’infiltre dans toute notre société : elle substitue à l’homme vivant sous le regard de Dieu, dans les conditions naturelles et dans les limites de la pensée rationnelle, un être défini par l’autonomie de la volonté (même s’il est catholique), la volonté étant posée comme première, antérieure et supérieure à tout.

Principe n° 4 : Concentrez votre attention sur la manière dont cette fausse liberté corrompt des concepts tels que l’amour, la compassion et la charité. Ce principe aurait dû être l’un des principaux points de référence « sociologiques » et « anthropologiques » du document de travail Instrumentum laboris censé guider le Synode dans ses débats sur « La vocation et la mission de la famille dans l’Eglise et dans le monde contemporain ». (Non, il ne s’agissait pas que d’homos et de divorcés). Parce que ceux qui croient que notre nature nous a été donnée par Dieu et que nous ne nous conduisons bien que quand nous respectons cette nature, surtout en ce qui concerne la famille, se heurtent inévitablement à ceux qui croient que la nature humaine peut se façonner à notre guise.

On sent, même dans l’Eglise, l’action d’une poussée démocratique dénaturée qui considère la volonté humaine, surtout dans le domaine sexuel, comme en quelque sorte la voix de Dieu, et la révélation chrétienne comme la voix du diable (« prêchant la haine ») ou, de façon plus neutre, comme une doctrine artificielle, sujette au changement. C’est la principale division qui sous-tendra un grand nombre des débats qui se dérouleront au cours des trois prochaines semaines.

Principe n° 5 : Pratiquez plus intensément la prière, le jeûne et l’aumône. Nous ne pouvons plus être certains que les dirigeants de l’Eglise auront l’énergie et la volonté de sauver notre civilisation chancelante. Le danger qui nous menace, c’est un effondrement de la démocratie bien plutôt que le changement climatique. Il faudra peut-être des siècles et la naissance d’une civilisation totalement nouvelle avant que les principes chrétiens opèrent de nouveau dans le monde. Un chrétien doit savoir comment vivre entre-temps. Pas de passivité. La passivité est proche de la mort. Et pas de panique. Notre Seigneur n’est pas un Dieu de panique et de peur.

Engagez-vous d’abord à affermir et clarifier les notions spirituelles que vous pouvez pratiquer à tout âge et sous n’importe quel régime. Vous allez sans doute vivre de nombreux moments plutôt alarmants dans les prochains jours, mais peut-être aussi quelques moments d’élévation morale. Dans un cas comme dans l’autre, n’oubliez jamais ce message :

La Sagesse a bâti sa maison, elle a taillé ses sept colonnes,

Elle a abattu ses bêtes, mêlé son vin, et aussi dressé sa table.

Elle a envoyé ses servantes et proclamé son invitation sur les hauteurs de la cité :

Y a-t-il un homme simple ? Qu’il vienne par ici ! Et à l’homme insensé elle dit :
Venez, mangez de mon pain, buvez du vin que j’ai mêlé. Abandonnez la sottise et vous vivrez ! Marchez droit dans la voie de l’intelligence. (Prov. 9, 1-7).

Lundi 5 octobre 2015

Photographie Le pape François et les pères du Synode de 2014

Robert Royal est le rédacteur en chef de The Catholic Thing et le président du Faith&Reason Institute de Washington.

  1. Officier d’état-civil d’un comté du Kentucky qui a refusé de délivrer une licence de mariage à un couple homosexuel en raison de ses convictions chrétiennes. Elle a été condamnée et même emprisonnée durant 5 jours, avec menace du juge de rester en prison jusqu’à ce qu’elle cède, puis elle a été libérée mais reste poursuivie.