J’ai scruté et étudié toutes sortes de textes : de géographie, d’histoire, de chronologie, de philosophie et de toutes sortes d’ autres sujets. D’une main que je pouvais sentir, le Seigneur ouvrit mon esprit au fait qu’il devait être possible de naviguer d’ici jusqu’aux Indes, et il ouvrit ma volonté à la réalisation de ce projet….Pour exécuter ce voyage, ce ne sont ni l’intelligence, ni les mathématiques, ni les cartes qui me sont venues en aide. Ce fut simplement l’accomplissement de la prophétie d’Isaïe.
Colomb, Le livre des prophéties.
Cela m’a pris un certain temps pour découvrir qui était l’homme dont nous célébrons (en théorie) les exploits aujourd’hui. Je dis « en théorie », car nos jours de congé semblent de moins en moins connectés à notre histoire nationale, et de plus en plus à une excuse pour s’offrir un week end de 3 jours.
Tous ceux qui ont un certain âge se souviennent avoir appris que Christophe Colomb « a prouvé que la terre était ronde » c’est-à-dire une boule, plutôt que plate, ce que certains historiens appelaient en plaisantant la théorie de la pizza.
Quiconque connaît un peu les sciences antiques et médiévales — lisez Dante si vous en doutez — sait que les gens instruits l’avaient déjà compris. Aristarchus, qui vivait 250 ans avant Jésus Christ, avait même fait un calcul de la circonférence de la terre, d’une bonne approximation. L’histoire de la terre plate a été concoctée aux temps modernes pour jeter le discrédit sur les moines et les théologiens du Moyen Âge prétendument ignorants et superstitieux.
Christophe Colomb a fait quelque chose de bien plus intéressant : il nous a mis sur le chemin d’un monde vraiment global. Et il l’a fait pour des raisons qu’en dépit de l’avancée des connaissances historiques, pratiquement personne ne sait.
Moi-même, je ne les ai connues que par hasard. En 1991, la revue First Things m’a demandé de faire la critique de Conquête du Paradis, livre publié pour les festivités de 1992 et du cinquième centenaire du premier voyage de Christophe Colomb. Le titre dit tout : « conquête » mauvaise ; « paradis », Nouveau Monde et ses habitants merveilleux : bien. Le résultat : le Européens arrivant sur ces rivages : un désastre !
Je ne savais pas grand-chose sur le côté américain de l’Epoque de la Découverte. Le mot « Découverte » était devenu politiquement incorrect. Il nous fallait parler de la Rencontre – et pour une raison inexpliquée, en espagnol (el Encuentro) la langue de l’oppresseur. Mais je connaissais l’histoire européenne, à propos de laquelle les critiques qui font beaucoup de vent, se trompaient.
Mon commentaire a paru, on m’a conseillé de la développer dans un livre. Et c’est ainsi que mon livre 1492 et tout cela a vu le jour – le premier et le seul de mes livres à avoir eu droit à une critique, et une critique favorable, dans la Critique littéraire de New York.
Les historiens professionnels savaient tout cela bien mieux que moi, mais ne voulaient pas en parler sur les campus. J’ai fait des conférences dans des douzaines de ceux -i. Souvent quelqu’un me prenait à part et me murmurait : « je suis content que vous ayez dit cela ! pour nous, c’est impossible ». Il fallait les comprendre : pourquoi ruiner sa carrière pour un type qui était mort depuis 500 ans ?
Qui était Christophe Colomb ? Ethniquement, très probablement italien, mais cela reste incertain. Un marin qui associait une observation aiguë du temps et des conditions de navigation, avec la lecture de livres en grande quantité : Ptolémée, Pline, Saint Augustin, Isidore de Séville, Thomas d’Aquin, Pie II, Pierre d’Ailly, et beaucoup d’autres. Et une âme alliée à l’aile apocalyptiquye des franciscains, qui avait surgi sous l’inspiration de Joachim de Fiore, lequel proclamait la venue d’un Troisième Âge, l’âge du Saint Esprit.
En conséquence, Colomb croyait qu’il était urgent que l’Eglise voyage et évangélise toutes les nations pour que le Christ puisse effectuer son retour triomphal. Vous l’avez sans doute entendu blâmer comme ayant servi « Dieu, l’Or et la Gloire », mais les trois G n’étaient pas sur le même plan.
Il avait besoin d’argent pour ses voyages, et il savait qu’il serait oublié et aurait besoin de moyens pour vivre plus tard. Bien sûr, il ne voyait pas d’objection à être reconnu pour ce qu’il avait fait – bien qu’il n’ait pas été aussi bon en autopromotion qu’Amerigo Vespucci, qui a réussi à donner son nom aux deux continents !
Mais Dieu, et la vision chrétienne étaient la force motrice de tout le reste. Et quand tout fut fini, il est mort pauvre, de retour en Espagne, probablement membre du tiers ordre franciscain.
Que peut-on dire de ses actions dans le nouveau monde ? Etait-il le monstre colonialiste, selon la nouvelle expression multiculturelle. Tout ceci est sauvagement exagéré par des motivations idéologiques. A une ou deux reprises, il aurait pu faite mieux. Son problème était qu’il était plus un explorateur visionnaire qu’un chef énergique. A certains moments, il a perdu le contrôle des évènements, mais par ailleurs, il s’est vraiment bien comporté vis-à-vis des indigènes, surtout étant donné la nature totalement inédite de la « Rencontre ».
En fait, il a tout d’abord été la proie du mythe du « bon sauvage ». Il a dit à Ferdinand et Isabelle que les peuples du Nouveau Monde étaient d’un naturel merveilleux et n’avaient aucune religion. Plus tard, après d’autres voyages, il disait :
« Au pays, ils me prennent pour un gouverneur qu’on aurait envoyé en Sicile ou dans une ou deux villes avec un gouvernement stable et des lois bien appliquées, sans craindre de tout perdre… En fait on devrait me juger comme un capitaine qui est venu d’Espagne aux Indes pour faire la conquête d’un peuple nombreux et guerrier, dont les mœurs et les croyances sont très différentes des nôtres. »
Ces mœurs et croyances allaient d’un polythéisme relativement inoffensif, à des sacrifices humains cruels. Des missionnaires franciscains, dominicains et jésuites ont suivi ; ils ont écrit des récits captivants sur ces populations indigènes variées et fascinantes, appris les langues vernaculaires, et dans le processus, développé l’ethnologie, l’anthropologie et les études trans culturelles, disciplines qui, de nos jours, font notre orgueil .
Je demandais aux auditeurs du collège : si vous blâmez Colomb pour tout ce qui va mal dans les Amériques depuis 1492, êtes-vous prêts à le bénir pour tout ce qui a été bon ? J’avais peu d’amateurs.
Entre les bons et les mauvais côtés de son caractère, il demeure un fait extraordinaire : Dans son enthousiasme à porter l’Evangile à toutes les nations et à y instaurer le Royaume de Dieu, Colomb nous a donné un monde global, notre monde dans lequel en définitive, toutes les parties de l’humanité sont en contact les unes avec les autres.
Nous le comprendrions mieux, – et nous-mêmes aussi – si nous en apprenions plus sur tout ce qui s’est passé, et, qui sait, nous éprouverions peut-être de la gratitude pour la vision et le courage qu’il a fallu à une telle aventure.
Traduction de “Columbus and the Pizza theory” : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/columbus-and-the-pizza-theory.html