S’agissant de la relation du christianisme avec le judaïsme ancien, la réponse n’est pas très difficile ; elle sort de la bouche du Christ lui-même : « Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ni les Prophètes, je ne suis pas venu abolir mais accomplir » (Mt 5, 17). Sur ce point, la grande erreur, toujours renaissante, c’est l’hérésie de Marcion (85-160), qui affirme que le christianisme est la répudiation du judaïsme.
Tertullien et saint Irénée ont très tôt fait justice de cette défiguration de l’enseignement du Christ. Le Nouveau Testament n’est pas la réfutation, ni même la correction de l’Ancien Testament : il est la réalisation des prophéties qu’il contient, l’avènement du Messie qu’il annonce, l’accomplissement de la Loi que Dieu avait révélée au Sinaï. Le christianisme vient donc du judaïsme comme le fruit vient de la fleur.
Religion périmée ?
Mais il y eut le procès de Jésus, sa condamnation par le grand prêtre, sa crucifixion. Après cela, comment concevoir la relation entre le christianisme et le judaïsme ? La position la plus courante, à partir du IVe siècle, fut de considérer le judaïsme comme une religion périmée et le peuple juif comme réprouvé, maudit, privé de l’élection. La Nouvelle Alliance remplaçait l’Ancienne, et le peuple juif, Vetus Israël, était remplacé par le peuple chrétien, Verus Israël. Que faut-il penser de tout cela ?
Prenons les choses dans l’ordre. Premier point : le peuple juif non rallié au Christ est-il maudit ? Non. Cette proposition est inacceptable. On la trouve, malheureusement, sous la plume de grands docteurs – comme saint Grégoire ou saint Jean Chrysostome – qui usent volontiers de l’accusation de déicide contre le peuple juif. Mais jamais l’Église n’a affirmé une chose pareille. Elle a même affirmé le contraire dans Nostra aetate (1965, §4). Saint Thomas d’Aquin, déjà, avait pris la peine de montrer que la condamnation de Jésus n’a pas été le fait du peuple juif, mais seulement de quelques-uns de ses chefs religieux (Somme théologique. III, 47, 5). Et s’agissant de la mort du Christ, le catéchisme du concile de Trente lui-même explique que les chrétiens de tous les temps en sont certainement plus coupables que les Juifs du temps de Jésus (I, 5, §3).
Élargissement de l’Alliance
Deuxième point : le peuple juif a-t-il perdu l’Alliance avec Dieu ? Là-dessus, il convient de comprendre que la Nouvelle Alliance n’est pas un « changement de peuple », comme si Dieu s’était « lassé des Juifs ». La Nouvelle Alliance est un élargissement de la première, et c’est au peuple juif qu’elle a été proposée, comme une mission vers le monde (Jr 31, 31).
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