Chrétien, arabe et communiste - France Catholique
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La justice de Dieu
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Chrétien, arabe et communiste

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Les chrétiens arabes ont été à la pointe de la renaissance (Nahda) arabe fin XIXe siècle. Intellectuels libanais, égyptiens et syriens, majoritairement grecs-orthodoxes. On les retrouve à l’avant-garde de toutes les causes nationalistes, grand-syrienne par exemple, et bien sûr palestinienne.

On oublie souvent que les deux mouvements terroristes les plus dangereux étaient dirigés par des chrétiens, le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) de George Habache et le Front démocratique et populaire de libération de la Palestine (FDPLP) de Nayef Hawatmeh. Habache, mort en 2008, était un grec-orthodoxe de Lod (Lydda), Hawatmeh un catholique jordanien. Ils opéraient à partir de Damas.

On sait le rôle de Michel Aflak dans l’invention d’un socialisme arabe baptisé Baas devenu parti unique en Irak et en Syrie, bientôt frères ennemis au lieu d’être le moteur d’une nouvelle intégration régionale. Il y avait des baasistes d’obédience syrienne en Cisjordanie et au Liban.

On oublie l’importance des partis communistes, réprimés en Egypte, en Syrie et en Irak, mais florissants dans le Croissant fertile à la faveur d’un espace démocratique au Liban et, paradoxalement, en Israël. Il y a certes des communistes d’origine musulmane comme le président du Croissant Rouge dans la bande de Gaza, le docteur Haidar alChafi, qui, ardent francophile, fut à l’origine de la création à Gaza vers 1984 d’une antenne de l’alliance française.

Mais les Arabes d’origine chrétienne frappaient par leur surreprésentation démographique. Le parti communiste a constamment envoyé des députés à la Knesset, le parlement israélien, élus par les palestiniens de Galilée qui sont de nationalité israélienne. Nazareth a pratiquement toujours été administrée par une municipalité communiste. Dans les territoires occupés, l’une des deux communes jumelles de Bethléem, Beit-Sahour (le champ des bergers) a toujours été un bastion communiste chrétien.

A nouveau, on retrouve ces chrétiens de gauche à la pointe du Front du Refus des accords de paix israélo-palestiniens d’Oslo (Octobre 1993). C’est alors que se nouent des alliances d’un type tout à fait nouveau entre chrétiens de gauche et djihadistes. Certains chrétiens se sont demandé si l’islamisme n’allait pas jouer le rôle hier dévolu au communisme. C’est le cas de George Habache, par exemple, dont le FPLP s’est retrouvé aux côtés des mouvements de Djihad. Ce parcours a, comme on le sait, amené certains communistes en Europe à se convertir à l’islam, comme George Garaudy. C’est plus inconcevable en Orient où ces catégories ne sont pas d’abord des faits de croyance mais des appartenances sociales communautaires, des cartes d’identité. On peut être communiste, révolutionnaire, athée, on n’en est pas moins chrétien ou musulman.

C’est ainsi que l’on peut expliquer le fait que le Conseil National Syrien (CNS) ait pu porter à sa tête un « ancien communiste chrétien », Georges Sabra, au même moment où il est reproché à ce même CNS d’être contrôlé par les Frères Musulmans. Les accords de Doha du 12 novembre ont consisté à noyer ce CNS au sein d’une coalition nationale d’ailleurs présidée par un imam, mais jugée plus respectable par les Saoudiens et les Américains.

Une constante en effet dans tous ces mouvements chrétiens, qu’ils aient été favorables au Baas ou communistes ou simplement nationalistes : l’anti-américanisme et les théories du complot américain. Ce qui indique que le terreau de cette gauche, son fonds de commerce, est le vieux tiers-mondisme, l’anti-impérialisme fédéré par Moscou depuis le Congrès de Bakou en 1920. C’est le même alliage qui en Amérique latine avait donné naissance à la théologie de la Libération.

Soyons vigilants : les positionnements politiques laïques des Arabes chrétiens sont divers et plongent dans une longue histoire.