M’étais-je trompé hier en reprenant la formule de Louis-Ferdinand-Céline : « J’ai attrapé la guerre dans la tête » ? Ce n’est pas du tout l’avis de Jacques Julliard qui, dans son carnet du Figaro, déplore amèrement que la campagne présidentielle ait superbement ignoré la guerre en Ukraine, alors que le monde tremble sur ses bases, avec la perspective d’une montée aux extrêmes qui va jusqu’à la possibilité d’un conflit nucléaire. Je serais assez d’accord, gardant le souvenir du débat entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Alors que le président avait tant à dire sur le sujet, lui qui était en contact direct avec Poutine, il s’est contenté d’essayer de pousser son adversaire dans les cordes à propos d’un prêt contacté auprès d’une banque russe. On attend mieux d’un débat aussi décisif.
Quelques commentateurs ont mis en cause d’ailleurs une discussion qui ne relevait pas d’un niveau de président de la République en charge de l’essentiel. On peut concevoir quelque nostalgie des conférences de presse du général de Gaulle lorsqu’il brossait le tableau de sa politique étrangère. Je rêve à ce qu’aurait pu être son affrontement avec François Mitterrand en 1965, lorsque le leader de la gauche avait pour ambition de le mettre en échec. Ce ne sont sûrement pas les arguments de type électoral, où il s’agit d’en appeler aux intérêts individuels des citoyens qui auraient prévalu, mais justement, la haute idée que le général avait de sa fonction lui interdisait même l’hypothèse d’un tel débat.
Il est vrai qu’une analyse de la conjoncture internationale avec toutes les références géopolitiques qu’elle implique relevait d’un exercice supérieur. L’opinion publique aurait-elle pu s’y intéresser ? Ce n’est pas impossible, mais un échange de cette qualité n’aurait sans doute pas été suffisamment clivant pour départager l’électorat. Au demeurant Marine Le Pen n’avait pas d’objection à faire à la conduite d’Emmanuel Macron face à Poutine. Mais élire un chef de l’État c’est lui accorder sa confiance pour gérer les affaires du pays alors que le monde tremble bien sur ses bases.