Par Mario Bard, AED
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L’Empire du milieu : c’est le surnom qu’on donne à l’un des pays qui existe depuis la nuit des temps… la Chine. Une civilisation qui existe, selon la plupart des historiens, depuis au moins 4 500 ans. Celle-ci est marquée par de grands changements tout au long de son histoire mouvementée. De l’époque des premières dynasties, dites archaïques (2207 avant J-C), jusqu’à la République populaire de Chine, ce pays continent n’a cessé de fasciner les occidentaux par sa richesse culturelle, sa façon de voir les liens entre personnes et une géographie aussi diversifiée que tous les peuples qui la compose. Les Jeux Olympiques de Beijing, qui ont commencé le 08, du 08, 2008 (parce que le chiffre 8 porte-bonheur selon les croyances populaires traditionnelles chinoises), nous font porter un regard actuel sur la place des chrétiens et plus particulièrement, des catholiques Chinois. Aujourd’hui, Aide à l’Église en Détresse (AED) s’attarde au fait religieux dans l’histoire de la Chine.
Un nouveau mot : religion
Précisons tout de suite une chose : le mot religion est avant tout un concept bien occidental, selon la plupart des spécialistes de la Chine. La spiritualité chinoise (d’ailleurs, il y en a plusieurs…), a toujours accordé une très grande place à la relation entre la nature et l’être humain. D’où un grand syncrétisme, mal vu en Occident mais presque nécessaire pour la religion populaire chinoise. Par ailleurs, le confucianisme, qui influence encore la vie des chinois depuis maintenant plus de deux milles ans, est une philosophie définissant entre autres “l’Homme de bien”. « Le travail et l’effort sont érigés au rang de vertu, indique l’auteur José Fréchès dans son livre Il était une fois la Chine. « Le culte des ancêtres, dans ce qu’il implique de respect du passé mais également de considérations dues aux personnes âgées, est également au centre de la morale confucéenne. Le caractère rituel d’une existence convenable, à l’instar de “l’Homme de bien”, est d’ordre immanent [chez Confucius]. Aussi, malgré ses aspects très pratiques, la doctrine confucéenne n’est pas dénuée de métaphysique. » Au fil de l’histoire, plusieurs philosophies, dont la « légiste », ont presqu’été élevées au rang de religions, sans en porter le nom. Aujourd’hui, le concept occidental de religion est de plus en plus présent dans la culture chinoise.
Contrôle étatique constitutionnel
Saviez-vous que la constitution chinoise reconnaît la liberté religieuse? En décembre 2007, le président chinois Hu Jianto a même répété ce principe dans une déclaration lors d’une « réunion des membres du Bureau politique du 17e Comité central du PCC (Parti Communiste Chinois) portant sur une deuxième étude des problèmes religieux nationaux et internationaux », rapporte Chine informations. « Le Parti et le gouvernement doivent encourager les croyants de toutes les religions à garder leur tradition patriotique et à contribuer au développement de la société chinoise et à l’unification du pays, a-t-il appelé. La gestion chinoise de la religion doit mettre l’humain au premier plan, a-t-il dit, ajoutant que le respect mutuel est un devoir. » Il faut ici souligner avant d’aller plus loin que, la liberté religieuse tel que conçu par le gouvernement en Chine est toute relative. Si les Chinois peuvent eux-mêmes choisir les voies spirituelles et religieuses qui leurs conviennent, celles-ci sont fortement encadrées et réglementées, pour mieux desservir l’État.
Il n’y a pas que le Comité central du PCC qui s’est penché sur la religion. En effet, une nouveauté était à l’ordre du jour du 17e congrès du Parti communiste lui-même en octobre dernier. L’agence Église d’Asie rapporte ceci : « Le mot “religion” a fait son entrée dans les statuts du parti communiste, (parti officiellement athée), fondé en 1921 et au pouvoir à Pékin depuis 1949. » On peut lire au paragraphe 19 du « programme général » : « Le Parti s’efforce d’appliquer pleinement ses principes de base en matière religieuse, et (qu)’il fait appel à la contribution des croyants en matière de développement économique et social ». L’athéisme officiel commence donc aujourd’hui à faire une part plus grande à la religion… en autant qu’elle respecte l’ordre établi et « l’harmonie sociale ».
Est-ce une avancée dans un pays où le gouvernement ne s’est pas gêné, pendant plus de 60 ans, pour taper sur la tête du monde religieux, et en particulier sur la tête des chrétiens catholiques? Où encore, serait-ce un retour en force du rôle traditionnel de l’État vis-à-vis du fait religieux?
Contrôle étatique « historique »
Selon le sinologue Serge Granger, auteur de Le lys et le lotus : les relations du Québec avec la Chine de 1650 à 1950, le contrôle de l’État chinois sur les religions ne date pas d’hier. « Historiquement, la bureaucratie confucéenne a toujours voulu éloigner les religieux du pouvoir politique, indique Monsieur Granger. « Les persécutions religieuses ne datent pas d’hier : c’est historique en Chine. C’est depuis le 8e siècle qu’il y a un désir du gouvernement central de limiter l’influence religieuse au sein du gouvernement. »
Quand on lit sur l’histoire de la Chine, il est fascinant de découvrir que les mondes religieux et spirituels ont toujours fait partie du quotidien dans le monde chinois. Que ce soit par la présence de la religion vénérant les ancêtres dès les balbutiements de ce qui deviendra ce grand pays, (se prêtant même à des rituels sacrificiels, humains compris), ou encore par l’accueil fait par les Chinois aux nouveaux courants spirituels et religieux qui naîtront et traverseront son territoire; que ce soit le taoïsme, le confucianisme, le bouddhisme, l’islam et même le christianisme. Pourtant Monsieur Granger indique : « La Chine est une société relativement agnostique historiquement, laïque, et elle est entourée de régions, comme le Tibet, qui est anciennement une théocratie lamaïste, le Xinjiang, qui est musulman, la Mongolie, qui était Bouddhiste et la Mandchourie, qui était animiste ».
Mao, à l’entrée de la Cité interdite à Beijing, semble surveiller un pays communiste…
qui l’est de moins en moins. © AED
Les politiques du parti communiste concernant le fait religieux apparaissent au sinologue comme non « pas révolutionnaires, mais traditionnelles. » Même le « Grand timonier », affirmant créer un nouveau monde avec le communisme, serait directement dans la lignée de tous les empereurs qui l’ont précédé. « Lorsque Mao [Zedong] perçoit la religion comme étant du poison (ce qu’il a déjà dit) » il est donc davantage dans la continuité des autres empereurs qui ont presque toujours travaillé « à aliéner, soit la religion à l’État ou encore éviter que les religieux s’emparent du pouvoir politique », estime encore Monsieur Granger. « Fondamentalement, le gouvernement Chinois, et même historiquement, n’est pas contre la religion. Par-contre, il est contre la présence des religieux dans le pouvoir politique ou au sein de l’État. »
La semaine prochaine, nous nous attarderons au renouveau spirituel en Chine. Après plus de 60 ans de communisme, le capitalisme « à la communiste » est aujourd’hui la panacée du gouvernement présent à Beijing. D’une société essentiellement rurale il y a encore moins de trente ans, la Chine est passée au rythme urbain avec le développement économique. Un phénomène qui n’est pas nouveau dans l’histoire de l’humanité. Par-contre, si elle réussie à donner un meilleur standing de vie en général, la nouvelle économie ne remplit pas nécessairement toutes ses promesses de bonheur et peut même laisser un certain vide de sens à la vie…
Comment les Chinois réagissent ?
À lire dans le prochain article.
Sources :
. Agence de presse Zénit.org (www.zenit.org)
. Église d’Asie
. « Il était une fois la Chine – 4 500 ans d’histoire », José Frèches, XO Éditions 2005
. AED – (Entrevue avec Monsieur Serge Granger)
. www.chine-informations.com
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI