9 janvier – Je reviens à l’actualité dominée par les séquelles de l’attentat du 7 : l’abjection morale que représente un tel événement est indicible en même temps qu’il était prévisible depuis déjà longtemps, mais nos gouvernants appartenaient plutôt à l’espèce des poules mouillées, toujours à craindre d’être pris pour des islamophobes, ce dont ils accusaient à tour de bras ceux qui leur faisaient connaître les dangers naissants ! Il est vrai qu’ils étaient plutôt occupés à transformer la société française afin qu’elle cesse définitivement d’être ce qu’elle avait été, afin que le vieux concept d’identité chrétienne soit balayé à l’image de ce qu’avait déjà tenté la Révolution de 1792. Cette fascination taubiriano-hollandiste d’inscrire notre pays dans la sphère culturelle des LGBT les a empêchés de voir venir le grand chambardement islamiste qu’ont décidé d’instaurer ici et maintenant comme pour toujours les nouveaux fous d’Allah que même leurs frères d’un islam modéré ne saisissent pas et disent refuser. Il revient à ces derniers d’entrer courageusement dans l’arène, eux qui sont pour l’instant encore la majorité des adeptes d’un Coran non modifiable, et d’imposer leur loi plutôt que de baisser la tête sous prétexte de la peur.
Mais comment n’avoir pas peur de ces machines à tuer que sont les djihadistes ?
La France entière, ensemble composé de toutes les factions politiques, religieuses, culturelles et cultuelles, pleure aussi bien pour de bonnes raisons que pour de mauvaises, mais elle pleure sous le choc d’une tragédie dont elles ne perçoit pas, je le crains, les possibles développements : l’assassinat d’une policière à Montrouge hier matin est un indice de plus de ce qui va survenir plutôt que de ce qui ne va pas se produire. Je ne suis pas certain que notre pays, tel qu’il est conduit aujourd’hui, soit capable de mettre en branle aussi bien sa raison, sa conscience et son cœur pour vraiment se décider à crever l’abcès. Ce que j’ai entendu des mesures adoptées m’inquiète plus qu’elles ne me rassurent : il ne faut pas oublier que notre pays est aux avant-postes de la lutte contre la barbarie islamique et que des menaces de plus en plus précises sont proférées par des dirigeants aux dotations militaires désormais des plus considérables.
La férocité de l’attentat, mené avec un sang froid inouï, implique une volonté farouche, une détermination qui se fera ressentir dans les mois et les années qui viennent. Le Démon de la Haine était au cœur de cette férocité et de cette détermination : d’où une lucidité dans l’action qui me paraît étonnante. Une détestation si farouche que l’on devrait comprendre qu’il s’agit d’une sorte de nouveau prologue terroriste où la violence guerrière sera inflexiblement, systématiquement reproduite en des circonstances et des lieux imprévisibles : où l’imagination la plus infâme se donnera les moyens à chaque fois d’être implacable et immonde.
Il est certain que les musulmans de France, en leur majorité, sont, comme nous tous, choqués, au sens fort du mot, en leur conscience comme en leur cœur : ils analysent la situation comme nous. Leurs craintes comme les nôtres sont évidentes, qui peuvent nous conduire tous ensemble, mais eux encore plus étroitement que nous, vers le pire, l’abdication, plus aisément qu’au meilleur, le combat.
Cependant, et il faut bien que cela soit dit puisque personne parmi nos responsables n’ose aborder directement le sujet, cette majorité est, selon des analystes indépendants des Institutions comme des gros médias, nettement inférieure à ce qui a été clamé tout au long de la journée d’hier. Un des grands personnages interrogés sur le sujet alla jusqu’à prétendre que ceux qui se réjouissent de cette tuerie ne sont « probablement que O,01% ce la population musulmane ». Une telle affirmation est folle et fausse. Si ce pourcentage était exact cela signifierait que l’ensemble de ceux qui abominent la France quoique profitant de tous ses avantages ne sont au plus que cinq petits milliers éparpillés à travers tout le pays. C’est ou bien grotesque ou volontairement mensonger : si ce nombre était exact, les familles venu des pays de l’islam viendraient à bout du phénomène en un tour de main. En réalité il faut passer au dessus du zéro et penser à plus de trois pour cent, c’est-à-dire près ou plus de cent cinquante mille soutiens et candidats à la violence extrême. Le seul nombre, qui va en augmentant de semaine en semaine, de jeunes gens désireux d’en découdre avec nos policiers, nos soldats, démontre la légèreté dangereuse de ce beau parleur.
Des politiques conscients reconnaissent qu’une « guerre » nous est faite : et les troupes sont plus nombreuses qu’avoué par nos responsables. Le seul fait que l’on dénombre un minimum d’un millier de djihadistes partis vers la Syrie et le Califat islamiste démontre l’importance du nombre de ceux restés en France sans avoir osé prendre ce risque. Car même chez eux le courage reste une exception. À ce sujet, de prétendus experts ont soutenu que ces jeunes gens ne sont partis en Syrie que pour l’agrément du voyage, l’attrait du dépaysement : ces « spécialistes » me semblent de sombres rigolos.
Nous sommes donc en guerre et ce qui a eu lieu hier est un acte de guerre, de même que l’attentat isolé d’hier matin. Il nous a été dit qu’il ne fallait pas faire d’amalgames et donc ne pas impliquer la population d’origine musulmane : ce n’est pas, à mon sens, ainsi qu’il convient de s’exprimer. Bien entendu, il serait fou et vain de rendre l’ensemble de cette population responsable : pour la raison simple qu’un bon nombre de Maghrébins, par exemple, sont réellement intégrés. Ils sont insérés dans le tissu sociétal de notre peuple et près d’avouer ou même de reconnaître pour leurs ancêtres même les Gaulois (il est vrai que les Wisigoths, proches des Gaulois et des Francs, sont allés jusqu’en Algérie…).
De plus, elle est en réalité impuissante à canaliser le mouvement djihadiste en constante progression : comment se fait-il que tant et tant de jeunes gens, jusqu’à des enfants, expriment une telle haine envers la France et son peuple ? Que convient-il de faire ? Bien audacieux celui qui oserait dire aujourd’hui qu’il connaît la ou les solutions. S’adresser à eux tous afin qu’ils s’engagent fermement dans des actions à leur portée afin de faire barrage, autant que faire se peut, à l’engagement des jeunes dans les rangs de l’armée multiforme du Daesh ? Beaucoup de pères et de mères avouent leur impuissance devant la « radicalisation » de l’opinion chez ces jeunes-là, ce qui incite fortement à penser qu’à l’intérieur des mosquées se cache une part de l’explication nécessaire : mais la maîtrise chez les terroristes des voies virtuelles de par le monde joue certainement un rôle majeur. Qu’avons-nous opposé à cette déferlante ?
L’essentiel de l’effort à consentir sera nécessairement dévolu à notre armée et à notre police : mais je doute que l’on aille aussi loin que nécessaire, ne serait-ce que parce que depuis plusieurs années la France politique n’a cessé de réduire le volume de cette Armée comme de cette Police. Décision d’inconscients qui savent pourtant que nous sommes entrés dans une période très agitée et très imprévisible. Nous reste à tout tenter pour que ces fous reviennent sur leur décision de couper les ailes aux seuls qui soient aptes à nous défendre.
Je n’ai pas entendu dire que l’on allait, non seulement arrêter immédiatement la réduction des effectifs, déjà sous le plancher, mais au contraire de réactiver une politique de recrutement et de formation technique. La France est impliquée sur quasi toute la longueur de la transversale nord équatoriale africaine ; elle est engagée contre le Califat et le deviendra nécessairement davantage car l’ensemble des détonations islamiques ne pourra que susciter davantage de volontaires chez les partisans du « Califat mondial » ! L’« Alerte Vigie Pirate » ne peut se concevoir qu’avec des effectifs qui se compteront par milliers d’hommes, mais avant hier soir je n’ai entendu parler que de quelques centaines d’hommes : était-ce une plaisanterie ? On ne joue pas avec la sécurité de la France, de son peuple.
Un autre point, tout aussi important, a soulevé mon inquiétude. J’entends bien que la « liberté d’expression » ne peut être remise en question : elle fait partie désormais de notre culture sociétale, de notre civilisation. Mais, remarque première, était-ce bien cette liberté qui a été visée le 7 janvier ? Remarque seconde, est-elle bien conçue ?
L’acte de vengeance a été revendiqué, indubitablement : la référence à Allah garantie. Mais cette vengeance reste à multiples facettes de notre part comme de la part des terroristes islamistes : on peut y inclure, par exemple et parmi les stimulants des réactions musulmanes, tout ce qui a été dit par nos gouvernants et nos médias au sujet des diverses repentances qu’aurait dû et devrait encore accomplir notre pays vis-à-vis de ces peuples affiliés à l’islam. Positions chères à tous les échelons de la Gauche française, qui s’étend jusque dans les rangs d’une certaine droite dont les convictions sont des plus souples et des moins déterminées. Continuer sur ce registre serait l’équivalent d’une trahison morale.
Ces deux jours derniers, toute la Gauche militante était dehors, consternée à la fois par la perte de ses « fidèles parmi les fidèles » et de ses « héros » les plus actifs, j’entends les journalistes et dessinateurs de « Charlie Hebdo ». Un homme pleurait à Lyon, disant combien les dessins de Cabu l’avaient aidé et influencé : il n’était pas le seul ! Nombreux ceux qui revendiquaient « l’espace Charlie » comme une famille ! Comprenne qui le peut : « Charlie-Hebdo » était et sera demain plus que jamais l’un des épicentres de la révolution à la sauce Peillon-Mélanchon. On ne peut que comprendre le désarroi de tous les « familiers » de cette tribune. Est-ce une bonne raison pour que toute la société française se lève comme un seul homme, non pas seulement pour pleurer les victimes de l’attentat, mais pour soutenir l’un des vecteurs les plus vivaces de cette Révolution contre laquelle la majorité des Français ne cesse de se révolter ?
Ici, je ne puis, quant à moi, que dissocier les hommes qui gisaient au sol, leur corps affreusement transpercés par des balles de guerre, et leur activité de caricaturistes. Leur « être » est à considérer en tant que créature de Dieu, en tant qu’enfant adopté par le Père. Qu’ils se soient, peut-être ou non, séparés de Lui ne me regarde pas : cela ne concerne qu’eux et le Dieu d’infinie miséricorde.
Hier, j’ai écouté, naturellement, ce qui se disait sur nos chaînes publiques : il n’y a eu aucun mot prononcé de travers. Une sorte d’unanimité absolue régnait sur un peuple que l’on sait pourtant peu habitué à une telle performance. Je crains que les directeurs aient fait le nécessaire pour que les mots d’ordre de l’Élysée soient rigoureusement obéis.
En vérité, cet hebdomadaire a depuis longtemps adopté une ligne éditoriale d’une telle violence que, curieux de ce qui s’y faisait, j’avais en ses débuts rapidement cherché à m’informer : et j’avais tout aussi vite compris qu’il n’y avait, pour moi, rien à retirer de positif de leur hostilité à tout ce qui provenait de la droite, même la plus molle, de l’Église, considérée comme une ennemie selon ce que j’ai pu percevoir de leurs choix aussi bien ontologiques que factuels. Leur respect n’allait ni vers la la foi des musulmans ni vers la foi en Jésus, le Christ. Dessein permanent chez eux de traiter toutes les religions sous le microscope de la dérision parfois la plus corrosive. Question en permanence présente en mon esprit : dérision et humour font-ils si bon ménage qu’on le prétend universellement ?
Cette violence n’était que dessinée et écrite, mais qui aujourd’hui pourrait ignorer que toutes les violences en notre monde ont toujours commencées par des dessins et des textes ? Exemple : quand on prend le risque, immense, de braquer à tout vat les franges les plus susceptibles des musulmans en affublant Mahomet de signes et de symboles que ces musulmans ne peuvent en rien admettre, même si par ailleurs ils ont tort, c’est ouvrir la porte à des démons qu’il aurait mieux valu laisser enfermés : mais pour cela il aurait fallu dépasser le seul niveau de la plaisanterie, pas toujours facile à déceler, celui également de l’humour, vite pris en face pour du vitriol, celui également de l’ironie la plus féroce, ressentie comme une attaque en règle. Je sais bien que les « opinions », dont parfois les miennes, ne sont pas systématiquement des chefs d’œuvre de douceur et de bienveillance… Cependant, les caricatures charliennes avaient tendance à forcer le trait jusqu’à frôler l’insulte, jusqu’à faire fortement ressortir un profond mépris de l’autre, celui qui a tort, si excessif qu’on pouvait justifier le dégoût éprouvé et parfois bien pire.
J’avais souri lorsque furent publiés les dessins sur Mahomet venus, si je me souviens bien, depuis la Suède : tout en ressentant un malaise certain alors que je ne suis évidemment pas mahométan.
Je n’ai pas souri du tout quand j’ai lu une phrase qui disait à peu près ceci : « Pourquoi ne peut-on pas se foutre de Jésus ? » ! Quelle grossièreté, quelle muflerie ! Bassesse aussi ! Une telle phrase entre dans le cœur comme une flèche empoisonnée. Le cœur, d’abord, l’intelligence plus tardivement.
D’autres vilaines allusions étaient fréquentes, qui ne me semblaient en rien saupoudré d’un humour agréable. Certes, nous autres catholiques, nous ne verserons jamais, du moins je l’espère au plus profond de mon être, du côté de l’immonde. Je lis souvent de courts récits du martyre vécu par un nombre incroyablement élevé de chrétiens et jamais l’on a pu leur faire porter le poids d’une violence, si petite eut-elle été. Je parle de saints, non de brutes, car il y eut des brutes parmi nous, mais l’exemple à suivre ne venait pas d’eux, seulement de ceux qui allaient vers le Christ sans chercher un seul instant à se rendre avec des armes sur le champ de leur immolation.
Retour au sujet. Toujours j’ai ressenti en moi combien l’excès d’usage de cette « Liberté dite d’expression » nuisait à la « Liberté tout court ». Or c’est cette Liberté capitale que j’aime et que j’ai toujours défendue malgré l’infimité de mes moyens. Une liberté qui s’insinue au sein de toutes nos pratiques, de tous nos sens, de toutes nos pensées comme de toutes nos expressions : une liberté qui ne fuyait pas ses responsabilités…
J’ai d’elle, la liberté, une vision chrétienne : où donc l’humour réfrigérant, l’ironie cinglante et féroce, aussi « drolatiques » qu’ils puissent être, ne sont pas reconnus comme des moyens convenables, ou honorables, ou justes, de s’adresser aux autres. Quand la question était posée au sujet de Jésus, un commentaire de l’un des dessinateurs de « Charlie-Hebdo » m’a fait bondir intérieurement : « Par le dessin, nous pouvons faire connaître le mensonge qu’est la religion » ; la citation n’est pas littérale, mais l’esprit de la réplique est ici à découvert. Où le mensonge ? En quelle bouche ? Que nommait-il « mensonge » ? Quelle pauvreté intérieure surgissait-elle de cet a priori redoutable ? Il est vrai que l’on peut tout supposer des chrétiens, ils resteront placides, même si pas tout à fait muets… Là encore, l’humour est si noir qu’on ne perçoit plus que l’arme de guerre idéologique.
On peut penser n’importe quoi de la foi chrétienne dont, dans les milieux de l’athéisme goguenard, on ne sait quasi rien ; plaisanter abominablement à propos d’elle en faisant croire qu’elle est toute fondée sur le mensonge ; affirmer sans preuves rationnelles qu’elle est stupide, incompréhensiblement hors contexte de la réalité scientifique ; qu’elle est aujourd’hui totalement déphasée par rapport au monde contemporain… Tout cela peut se dire sans mériter un seul instant le reproche de violer la liberté d’expression, même si en même temps est quelque peu cabossée la liberté d’être véridique… mais un débat peut alors s’ouvrir, des rencontres s’organiser… Rien de tout cela ne nous fait peur ni ne nous indigne, nous avons beaucoup plus d’arguments à faire valoir que nécessaire… mais la brutalité de ce que je viens de citer – seulement deux exemples parmi d’autres — efface aussitôt toute possibilité de répondre, alors heureux d’un dialogue d’hommes : ici, notre sang se « glacifie » ou se « glacialise » comme on voudra ; notre raison sombre, comme stupéfiée, car nous comprenons aussitôt qu’en réalité nous sommes rejetés comme des malpropres, des nullités, invités sans nuances à déguerpir, la France n’ayant plus besoin de nous, et Dieu n’étant plus qu’une chiffe molle dont les miracles passés ne sont rien par rapport à ceux que la raison seule habite. Mais en France qui, plus que nous, peut-être réputé enceint de notre terre comme nous l’avons été inlassablement ?
La violence intellectuelle ne devrait jamais avoir cours parmi les hommes : mais des caricaturistes que l’on présente comme charmants, très doux, bourrés de talent (en même temps très ignorants de ce qu’ils stigmatisent) viennent avec leur plume et leur crayon jeter sur nous autres d’un autre bord qu’ils refusent un venin très subtil ou très grossier, suivant leurs humeurs, avec lequel des vipères savent d’emblée et sans coups férir nous paralyser : c’est que nous somme en effet partisans obstinés de la joue tendue, c’est-à-dire de la main ouverte pour accueillir. Si nous ne savons pas accueillir c’est alors que nous ne sommes plus chrétiens. Bref, la brèche ou la faille est très large… D’autres expressions se faufilent dans mon cerveau, mais elles me déplaisent parce qu’elles aussi donneraient lieu à diverses violences.
J’en reviens à la Liberté ! « Aux libertés ! » plutôt, à ce qu’il conviendrait de dire à son propos, à leur propos.
Elle, c’est-à-dire la Liberté, n’est pas et ne sera jamais un absolu, au sens exact du mot. Le mot « Liberté » inscrit sur les frontons de nos « maireries » (comme on disait autrefois) ne saurait en aucun cas nuire à l’« Égalité », qui elle-même, si l’on veut au plus haut de l’État être conséquent avec notre Constitution, ne peut pas mordre sur ce qui revient à la « Fraternité ». Très difficile exercice d’équilibre entre les trois, et je n’ai jamais su si cet « équilibre » était possible.
La Liberté politique est le moyen nécessaire à la formulation de nos idéaux, qui implique Égalité et Fraternité : lequel de ces vocables est supérieur aux deux autres ?
La liberté d’opinion concerne normalement tous les citoyens et recouvre la liberté d’expression de chacun d’entre tous, et donc également des journalistes. Cependant, aujourd’hui on ne parle que de la liberté de la Presse, pas de celle des citoyens en ce domaine de leur expression personnelle, confinée aux seules élections : par bonheur, on s’aperçoit que ces derniers s’en emparent vigoureusement sur l’Araignée (ou la Toile). Un exemple récent est quasi « caricatural » : un journaliste écrivain, humoriste aussi, a écrit un livre qui a trouvé près de cinq cent mille acheteurs ; il se nomme Éric Zemmour. Contre lui se sont levées des légions de « miliciens » de type totalitaire, hostiles non seulement au livre mais à la personne de l’auteur comme de toutes les autres opinions qu’il a diffusées ici ou là. Sa liberté d’expression a été on ne peut plus rejetée au point qu’un médium, I-Télé, où il gagnait une part de son pain quotidien, l’a balancé dans les ténèbres extérieures, probablement sur quelque injonction supérieure. Anecdote à méditer sur la qualité des convictions affichées ces deux derniers jours sur le respect de la liberté d’opinion…
Mais, et il convient qu’un « mais » surgisse, cette liberté-là, précise, exigeante, si humaine au fond, liberté qui me concerne au premier chef puisque je ne cesse d’écrire et d’envoyer chez quelques lecteurs possibles nombre des pages qui jaillissent de mon esprit comme de mes doigts, cette liberté donc ne devrait pas s’autoriser de nuire à la Fraternité pas plus qu’à l’Égalité.
La Fraternité a pour devoir naturel de nous inviter puissamment à ce que nous ne blessions aucun de ces « frères humains » si nécessaires à notre existence, à ne leur infliger aucune marque d’irrespect, à ne jamais les rejeter purement et simplement dans ces ténèbres que je viens juste d’évoquer, pour de simples opinions que tout le monde a peut-être le devoir mais surtout le droit de faire connaître « urbi et orbi »…
Que dire à propos de l’Égalité ? Que vise le mot ? Ne s’agit-il que d’une égalité de droits ? Ne saurait-on penser à l’égalité des devoirs ? Mais si l’un des ces « frères humains » ramasse sur la table du casino national plus d’argent que ceux qui l’entourent, ces derniers ne se sentiront-ils pas violés dans « leur droit » à posséder autant que le chanceux ? Et si l’on parle d’expression, il n’a jamais été spécifié que sa liberté permettait d’adopter des formules blessantes, des images répugnantes ; de porter des coups bas, si je puis ainsi m’exprimer, à l’esprit de l’autre comme des autres…
J’en reviens au christianisme. Il est parfaitement licite de n’adhérer point à cette doctrine et de le dire publiquement, en donnant si on le désire toutes les explications que l’on peut faire valoir pour justifier ce refus : il ne devrait cependant pas être admis, fut-ce dans la Presse, fut-ce donc chez « Charlie-Hebdo », d’insulter, de mépriser, de ridiculiser à outrance, non la seule doctrine, mais l’Unique qui la justifie, l’Unique qui en est l’origine, soit Celui que le chrétien aime plus que lui-même. On a le droit de l’abhorrer, point d’inciter les non-chrétiens à la haine de celui qu’Il est comme de ce qu’Il fait, de Le couvrir de fientes ignobles, ne fussent-elles que conceptuelles ! Et de faire en sorte que ses fidèles soient en butte au mépris et à l’irrespect de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font. Ainsi, le dessin qui représentait le pape Benoît XVI en posture de pédophile en action, comment nous serait-il possible de la considérer comme une pieuse image d’humour ? Je ne la vois que comme une charge d’explosif.
Non, un tel mépris ne saurait être compris comme relevant de cet humour dont le mot sert perpétuellement de sésame et de justificatif. L’exemple est suffisamment explicite pour qu’il soit nécessaire d’aller plus loin. Qui condamnera mon propos aura refuser d’écouter : car pour pardonner, il faut aller au fond même du cœur de celui qui a commis un tel dessin.
En somme, toute liberté, même celle de la Presse, doit connaître précisément ce que sont par nature ses « limites » : mon impression, très forte, me donne à penser que ce n’est pas vraiment le cas en ce qui concerne « Charlie-Hebdo », pour ne citer que ce médium. Au plus profond de ce que je crois, je dégage la formule bienheureuse qu’il y a plus de mérite et de justice à dire à l’autre son désaccord ontologique tout en lui manifestant humblement que cela n’empêche personne de l’aimer, de l’admirer éventuellement, en tout cas de le comprendre.
Je ne puis qu’espérer, au-delà de toutes les souffrances et douleurs jaillies de ce carnage monstrueux au sein de l’équipe des « Charlies » survivants, que « s’exprime » un désir profond de remise en cause de cette déontologie trop floue, marquée du sceau d’une prétention libertaire insoutenable dans ses excès, qui semble présider depuis des années à la conception de ce journal.
Les morts de ce fait ne seraient pas morts pour rien.
« Ce qui est excessif est insignifiant », disait celui qui survola la Révolution et l’Empire, Charles Maurice de Talleyrand–Périgord : l’exemple de « Charlie-Hebdo » montre qu’il n’en est rien. Tout excès de mépris, de laideurs aussi bien (car le mépris est immonde en lui-même), laisse des traces profondes qui finissent par rejaillir comme d’affreux volcans. Je ne sais pas pourquoi tant de lecteurs de cet hebdo ont accepté passivement de recevoir dans leurs regards ces images d’une brutalité telle qu’elles contredisent le but exprimé sans le moins du monde protester : c’est donc qu’ils étaient de la même confrérie, selon leur droit immarcescible ; mais alors qu’ils acceptent que je puisse porter sur cet hebdo une appréciation aussi sévère.
Je reste bien entendu et naturellement ou humainement affecté au profond du cœur et de l’esprit par la mort ignoble infligée avant-hier à ces humoristes acclamés en tant que tels, qui sont d’abord et avant tout des êtres humains, hélas si persuadés d’accomplir un travail de salut public, selon mes pensées étroites et trop, peut-être, soumises à mes propres vues, mes propres souffrances et/ou aveuglements ; hélas donc étaient-ils trop souvent incapables de découvrir, dans leur exaltation de chambrée, précisément le côté parfois insoutenable de leur travaux : et c’est pourquoi, considérant seulement ces êtres humains qu’ils étaient et non l’impact de leur empreinte journalistique, en quelque sorte le provisoire, le superficiel, si peu important par rapport à cela qui était « eux », si nus devant l’univers, je me refuse résolument à porter l’étendard « Je suis Charlie » car je ne suis pas d‘accord, sauf exceptions, avec les vues, les réflexions, les combats de ce médium. Qu’il puisse poursuivre son cheminement, qu’en dire puisque la liberté peut assurer sans objection cette constance.
Quant à la liberté d’expression pour laquelle on continue d’affirmer péremptoirement qu’ils sont « morts pour la défendre », c’est un exemple nouveau des surenchères françaises. Ils ne voulaient pas mourir, ils ont été abattus comme des bêtes par des monstres qui voulaient venger Allah, ignorant tout de cette liberté dont on dit qu’ils voulaient en détruire le symbole. Pourquoi pas ? Le roman a sa place aussi dans le film qui sera tiré de l’événement. Si je puis le dire sans choquer les partisans de cet hebdo, ils sont morts fidèles à leur choix sans pour autant chercher particulièrement 1 à recevoir la dignité de martyrs dont le titre leur est attribué. Héros, ils le sont devenus malgré eux et d’une certaine façon il était impossible qu’il en fut autrement. Pour eux, ce jour nouveau au-delà du temps leur aura, je l’espère, appris que l’homme est à la fois très petit et très grand. Mais cette grandeur est d’un autre ordre que celle qui nous fascine ici bas.
Je me garderai bien d’oublier les trois policiers tombés au champ d’honneur, deux avant-hier, un hier. Et sans doute bien d’autres dans les mois qui vont venir. Ou les années !
En illustration : le coup de crayon de la revue Nouvelle Cité du mouvement des Focolari
http://focolari.fr/2015/01/non-a-la-logique-de-la-violence-pour-un-journalisme-en-dialogue/
www.nouvellecite.fr
Lire aussi :
http://www.libertepolitique.com/Actualite/Decryptage/Charlie-Hebdo-un-premier-bilan
- Encore qu’on ne peut que saluer la noble déclaration prémonitoire de Charb : « Je préfère mourir debout que vivre à genoux ».