Charlie Hebdo se prendrait-il au sérieux ? Il faut croire que oui, puisque l’hebdomadaire satirique lance un appel solennel aux candidats à l’élection présidentielle pour s’assurer de leur respect rigoureux de la loi de 1905. Bien sûr, le drame qui a frappé la rédaction de ce journal lui a conféré un caractère particulier. Son rédacteur en chef, Gérard Biard, se réclame explicitement de la légitimité que lui a donnée le massacre du 7 janvier 2015. J’ai connu autrefois les pionniers passablement anarchistes de Charlie, qui auraient dérogé difficilement à leur tempérament rigolard, je-m’en-foutiste et faisant dérision de tout. L’époque n’est plus la même. Les anars sont devenus des donneurs de leçon, et ils nous expliquent doctement la loi de 1905.
La laïcité est une bonne cause, dès lors qu’elle est au service de la liberté de conscience. Malheureusement, l’argumentation de Charlie ne me convainc pas du tout que c’est cette liberté que ses rédacteurs défendent vraiment. J’ai plutôt le sentiment qu’ils entendent nous imposer leur haine indélébile de toute expression religieuse, au travers d’un salmigondis à leur façon. Quel drôle de ragoût, en effet, que celui qui associe le procès en islamophobie, la remise en cause du droit à l’avortement, les revendications communautaires, La Manif pour tous, le burkini, les racines chrétiennes, et j’en passe !
Autant dire que nous avons affaire à un manifeste particulièrement sectaire, mêlant allègrement ou pesamment tous les sujets possibles pour mieux assurer la dictature d’une certaine bien-pensance, d’abord attachée à stigmatiser qui ne pense pas comme soi. Ce n’est pas du tout la défense de la liberté qui se dégage de ce texte, mais plutôt une volonté orwellienne d’imposer une laïcité idéologique. Quand les gens de Charlie comprendront-ils que la loi de 1905 était une loi de pacification, dont les rédacteurs avaient voulu rompre avec tout esprit partisan ? On a plutôt le sentiment qu’ils voudraient revenir à la période antérieure, celle des affrontements, de l’intolérance et du sectarisme.