Ce sont des chiffres-chocs : 200 millions de femmes en âge de procréer n’auraient pas encore accès à la contraception, alors que la planification familiale « sauverait » chaque année la vie de 100 000 femmes. Données invérifiables. Elles sont véhiculées par la fondation Bill et Melinda Gates qui a organisé à Londres, le 11 juillet 2012, un sommet visant à rassembler des fonds en faveur de la planification familiale dans les pays pauvres.
La fondation du créateur de Microsoft et les quelque 250 délégués de 25 pays, ONG et organismes internationaux ont recueilli ce jour-là 2,6 milliards de dollars de promesses de dons. Selon les organisateurs du sommet, pareille manne devrait permettre de rendre la contraception accessible à 120 millions de femmes d’ici 2020, grâce à un apport de 4,5 milliards de dollars (5,5 milliards d’euros) sur 8 ans. à les entendre, ces femmes ne subiront plus les grossesses trop rapprochées ou précoces qui les mettent en danger, elles et leurs enfants. Parue quelques jours avant le sommet dans un numéro spécial de la revue médicale britannique Lancet, une « opportune » étude dirigée par John Cleland, de l’École d’hygiène et de médecine tropicale de Londres, affirme que « si toutes les femmes qui le souhaitent avaient accès à la contraception dans les pays en développement, le nombre des décès maternels pourrait encore baisser de 30% ».
En réalité, ni l’action en faveur de la planification familiale de la Fondation Bill et Melinda Gates, ni leur sommet de Londres ne font l’unanimité. L’ONG américaine Catholic Family And Human Rights Intitute (C-Fam), écartée du sommet à cause de son mode d’organisation en marge du système onusien, conteste le versement des sommes recueillies à de multiples organismes promoteurs d’une « sordide association entre avortement et planification familiale ». Par ailleurs, alors que l’industrie pharmaceutique est très impliquée dans ces programmes, C-Fam dénonce l’incitation faite à des femmes qui n’en expriment aucun besoin de se tourner vers les produits contraceptifs. C’est ce type de suspicion qui explique le retrait, en juin 2012, de la mention « droits reproductifs » de la déclaration finale du sommet Rio+20, au grand dam des mouvements néomalthusiens. Se montrant soucieuse d’éviter toute polémique autour de l’avortement, Melinda Gates a déclaré que la controverse était déjà responsable de « trente ans de retard » en matière de planification familiale. Mais C-Fam relève que Mme Gates a reconnu que l’un des objectifs de sa fondation était bien « d’augmenter la demande de contraception ». C-Fam déplore par ailleurs que les sommes allouées à la planification familiale croissent pendant que les dépenses liées à la nutrition voire aux soins primaires, qui sauveraient bien plus sûrement des vies, sont en baisse. Les femmes enceintes n’ont-elles pas besoin des soins médicaux de base que n’apportent pas les programmes de contraception ?
Les efforts des riches pour limiter les naissances des pauvres ont déjà fait l’objet de révélations fracassantes en 1989 avec la levée du secret sur le National Security Study Memorandum datant de 1974. Ce rapport Kissinger incitait l’Amérique à contenir la population des pays du Sud via la contraception pour préserver sa sécurité. Avec le changement de millénaire se sont éteints la peur de l’explosion démographique et le fantasme malthusien de l’invasion des pays riches vieillissants par des hordes de jeunes pauvres affamés. La population mondiale devrait culminer à 9,3 milliards d’habitants en 2050, puis ce pourrait être l’implosion démographique qui menace déjà les pays du Nord.
Mais ces derniers n’ont pas renoncé à exporter le modèle occidental qui voit dans la contraception — et l’extinction des familles nombreuses — la condition sine qua non du bonheur des femmes. Avec en passant un silence absolu sur les méthodes naturelles de régulation des naissances, pourtant de plus en plus perfectionnées. La France n’est pas en reste pour sa propre population alors que la contraception y est déjà la plus répandue au monde. Marisol Touraine, ministre de la Santé, vient de signer deux décrets pour rendre la contraception encore plus accessible et remboursable. Visitant le 12 juillet 2012 un centre du Planning familial elle a même prôné la facilitation, à tout âge, de la « contraception définitive ». Stérilisation ? En France, le mot reste tabou !