Il y a ceux qui prennent la ferme décision de réciter le chapelet en soupesant chacune de ses paroles – le Credo, les Pater, les dizaines d’Ave, les Gloria – et qui voient leurs pensées batifoler au bout de quelques minutes. Il y en a d’autres qui s’engagent à méditer en profondeur chacun des mystères du Rosaire et qui, au bout de quelques exercices, constatent combien ils sont à court de fulgurances. Dans ces deux cas, et bien d’autres, l’issue est bien souvent la même : le découragement et l’abandon. Quel dommage !
Certes, il ne faut pas oublier que le chapelet n’a rien d’optionnel dans la vie du chrétien. La consigne de la Sainte Vierge est claire. À Lourdes, elle apparaît à Bernadette avec un chapelet passé à son bras droit. « Il faut réciter le chapelet tous les jours », dit-elle à Fatima le 13 octobre 1917. À L’Île-Bouchard aussi, trente ans plus tard, elle demande à plusieurs reprises aux enfants de réciter une dizaine de chapelet. Apparemment simple, l’exercice s’avère beaucoup plus complexe que prévu dans la durée. Comment en faire une habitude, et surtout un besoin ?
Moment de proximité
La première recommandation consiste tout d’abord à décrisper notre relation au chapelet. C’est une obligation, assurément, mais comme toutes les obligations, elle ne peut être respectée que si l’on en comprend le sens. Il ne s’agit pas de cocher mécaniquement et quotidiennement une case, mais de ménager, par son truchement, un moment de proximité avec la Sainte Vierge qui va voir avec joie tout le temps que l’on accepte de lui consacrer. Soyons concrets : quand on ne le chante pas, mais que l’on en récite dans la tête les paroles posément et simplement, cela représente entre 20 et 25 minutes par jour. Comparé au temps que nous passons quotidiennement à scruter notre téléphone portable, c’est bien peu.
Seconde recommandation, donc : identifier un créneau de 25 minutes dans la journée que l’on peut consacrer à la Sainte Vierge. À moins de disposer d’une vie parfaitement réglée, soyons pragmatiques et posons-nous chaque matin la question, en fonction des contraintes de notre agenda. Si l’on se montre trop rigide, on risque de renoncer au premier rendez-vous marqué avec Marie. Tous les fidèles du chapelet le confirmeront par ailleurs : on a tout à gagner à ne pas fractionner sa récitation en plusieurs moments. Efforçons-nous dès lors de le réciter d’une seule traite : c’est la troisième recommandation. Une objection surgit : dans la vie accélérée que nous menons, comment trouver ce laps de temps ? Si l’analogie peut sembler osée, inspirons-nous ici encore du téléphone portable que nous pouvons consulter dans le métro, dans les files d’attente d’une grande surface, sur un télésiège, et dans tant d’autres situations, habituelles ou exceptionnelles. En découle une quatrième recommandation : n’attendons pas le moment idoine – le silence d’une chapelle ou d’un beau paysage – pour saisir un chapelet. En marchant, au volant, en cuisinant, dans la foule ou dans la solitude, il est toujours temps d’égrainer.
La prière du pauvre et des malades
Nouvelle objection : comment être concentré sur cette prière si nous consentons à la réciter dans le brouhaha du quotidien ? La réponse à cette observation constitue la cinquième recommandation, sans doute la plus importante. Le chapelet est la prière du pauvre, des malades et des mourants. C’est celle que l’on peut réciter en toutes circonstances, quand notre esprit et notre âme ne sont plus capables de se livrer à de brillantes oraisons. N’oublions pas cependant qu’à Fatima, Marie a bien rappelé aux petits bergers l’importance de ne pas « expédier » cette prière : simplicité, mais précision. Alors, bien sûr, s’il est toujours bon de se livrer à la méditation des mystères quand les circonstances s’y prêtent, acceptons aussi de le réciter tranquillement, mécaniquement, comme une petite musique de fond, comme une respiration accordée à celle de la Sainte Vierge, comme un enfant qui fredonne auprès de sa maman, tout en jouant, en faisant ses devoirs, mais toujours dans la joie silencieuse de se tenir auprès de celle à qui il doit tout et qui comprend tout.