Remplacer des publicités pour SUV par des œuvres d’art et transformer ainsi, pour un temps, l’espace public en musée à ciel ouvert : telle est l’intuition de Quentin Brière, maire de Saint-Dizier (Haute-Marne). En novembre 2020, en pleine pandémie, l’élu enchaîne les rendez-vous sur le terrain et entend la détresse de ses administrés. Devant la Fédération française des trucs qui marchent – FFTM, qui met en lumière des initiatives portées par des élus locaux qui ont fait leur preuve –, il témoigne avoir été « percuté par une réalité douloureuse : le drame de la solitude » et ajoute qu’« il n’y a pas de formulaire CERFA pour lutter contre le désespoir »… Lui revient alors en mémoire la célèbre citation de Dostoïevski : « La beauté sauvera le monde. » Et une idée germe un soir dans son esprit, encouragée par ses équipes, puis plébiscitée par les riverains.
Lutter contre la France moche
Pour remédier à la dépression collective, Quentin Brière lance donc son opération en avril 2021 et loue des panneaux publicitaires, conçus pour vendre, pour offrir de la beauté. Animé par cette « conviction intime qu’à chaque fois qu’on met de l’art, de la culture, ou du beau dans l’espace public, il y a un impact positif considérable », Quentin Brière déclare à l’association des Villes de France que « cela a fait comme des brèches de lumière dans la vie des gens ». Une initiative salutaire dans la morosité ambiante, mais aussi une jolie façon de lutter contre la pollution visuelle qui gangrène trop souvent les entrées de ville par des couleurs criardes ou des slogans abrutissants.
« Si l’on est vraiment convaincu que la beauté sauvera le monde, il ne faut pas que cela sauve uniquement Saint-Dizier. Il faut que cela sauve aussi toutes les campagnes et toutes les villes de France », poursuit l’édile, qui renouvelle son action pour la troisième année et rêve d’étendre son idée. Pour cela, il propose aux collectivités intéressées un kit contenant le modus operandi et les œuvres mises à disposition par la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais, partenaire de ce dispositif culturel.
« Élever son âme au beau »
Mission accomplie puisque six villes ont rejoint à ce jour le projet : Talmont-Saint-Hilaire (Vendée), Saint-Raphaël (Var), Bourges (Cher), Neuvy-sur-Barangeon (Cher), Bourg-en-Bresse (Ain), Lamontjoie (Lot-et-Garonne) et Salbris (Loir-et-Cher). Talmont-Saint-Hilaire sera la première commune à reprendre cette opération. Du 14 novembre au 20 décembre, son maire, Maxence de Rugy, instaure « un mois consacré au beau », persuadé lui aussi que « dépasser le matérialisme pour élever son âme au beau, au bien et au vrai est essentiel. La culture nous relie et nous rassemble, elle appelle à la contemplation et à la transcendance ».
La ville associe les commerçants à cette initiative en leur proposant d’afficher dans leurs vitrines des citations célèbres sur le beau, le bien, le vrai, comme cette maxime de Rodin : « Il n’y a réellement ni beau style, ni beau dessin, ni belle couleur : il n’y a qu’une seule beauté, celle de la vérité qui se révèle. » « Promouvoir les bonnes idées, ça donne du sens à nos métiers exigeants », conclut le maire, avant de repartir honorer ses obligations…