Dire une chose et signifier son contraire est un talent spécial du politicien. Aucune autre créature n’est autant entraînée à laisser une certaine impression sans avoir réellement dit quoi que ce soit, et en laissant beaucoup de place à la possibilité de déni – et, bien sûr, le genre de « clarification » qui devient en fait de l’obscurcissement.
Lorsque des politiciens sont pris pour des méfaits, ils produisent des non-excuses qui paraissent contrites mais qui, si l’on les examine de plus près, n’admettent jamais ce qui fut fait ni n’exprime de regret pour cela. Les politiciens ne font pas d’erreurs ; plutôt « des erreurs ont été faites ». Le mode passif laisse l’identité de celui qui a commis l’erreur rester un mystère.
Les politiciens ne présentent d’excuses pour aucun acte. Au lieu de ça, ils en présentent pour « le mal que ces actes peuvent avoir causé ». C’est pour la tristesse et la colère engendrées que le politicien est désolé, parce que cela abîme son image publique. Il n’est pas désolé par ce qu’il a fait, car il ne veut même pas l’admettre ; il est désolé d’avoir été pris, et que les gens soient maintenant en colère contre lui. Et pour sauver la face, le politicien évoque le scandale comme une conspiration de ses adversaires idéologiques pour le discréditer.
L’ultime manœuvre du politicien consiste à annoncer : « J’assume toute la responsabilité de cela ». Puis il renvoie un certain nombre de personnes de son équipe mais reste lui-même en place.
Le summum bonum du pur politicien est l’auto-préservation. Son travail n’est pas de servir le bien public ni d’accomplir des objectifs politiques. Son objectif est de rester à son poste. Son but est de s’accrocher au pouvoir.
J’ai souvent pensé à ces phénomènes ces derniers mois, lorsque des évêques, pas seulement aux États-Unis mais dans le monde entier, se sont trouvés accusés de divers crimes et défauts. Pour en nommer quelques-uns (c’est loin d’être un phénomène uniquement américain) :
• des rapports récents des Pays-Bas et d’Allemagne montrent de nombreux évêques couvrant pendant des décennies les abus de milliers de prêtres,
• une horrible histoire d’abus systématiques dans une école pour sourds en Argentine est en train de voir le jour,
• et, pour avoir plusieurs sortes de malfaisance cléricale distillées en une seule personne, le cardinal Maradiaga, au Honduras, est confronté à des accusations d’irrégularités financières, d’avoir couvert son auxiliaire qui a démissionné après que son comportement homosexuel fut exposé, et d’avoir permis à une culture de corruption sexuelle de s’implanter dans le séminaire du pays.
Et d’autres évènements semblables peuvent être listés, du Chili à l’Irlande et l’Australie, et en d’autres lieux entre ces pays.
Tandis que ces évêques répondent, un modèle familier émerge. Leurs déclarations sont construites sur un modèle semblable à celui qu’un sénateur impliqué pourrait avoir (ce qui n’est guère étonnant, car ils utilisent probablement les mêmes cabinets de relations publiques). « Des erreurs ont été commises », « nous nous efforçons de mieux faire », et toutes ces sortes de choses.
Ils mentionnent rarement le péché ou le repentir – et lorsqu’ils le font, ce n’est que brièvement. S’il y a un appel à la conversion, il est dirigé vers l’Église tout entière et est occulté par des promesses d’une meilleure politique et de meilleures procédures, comme si des morceaux de papier dans des classeurs du bureau des ressources humaines pouvaient se substituer à la sagesse, le courage et le jugement droit.
Certaines tentatives d’évêques pour se protéger en face d’un examen minutieux sont maintenant devenues tristement célèbres. La réponse initiale du cardinal Wuerl devant le grand jury de Pennsylvanie qui mettait en question la manière dont il avait traité certains cas lorsqu’il était évêque de Pittsburgh, consistait en l’emploi de ressources de l’Église pour bâtir un site web exclusivement dédié à la présentation de documents de relations publiques positifs dans son dossier concernant les abus commis par des clercs. Après un tollé de colère, le site fut fermé dans la journée.
Et après avoir suggéré qu’il allait essayer de s’accrocher, malgré qu’il eut dépassé de près de trois ans l’âge de la retraite obligatoire, le cardinal est allé plusieurs fois à Rome pour demander au Saint Père d’accepter sa démission.
D’un autre côté, l’évêque Richard Malone, de Buffalo, a adopté une tactique différente. Bien qu’il eut admis que sa façon de traiter les plaintes pour abus avait « échoué », il a refusé d’envisager sa démission, déclarant que « le pasteur ne déserte pas le troupeau lors d’un moment difficile ». Mais les moutons n’ont pas tendance à suivre un pasteur qui permet aux loups de les enlever.
Quelques prélats se sont distingués par leur intégrité. L’ensemble de l’épiscopat du Chili a présenté sa démission après qu’une visite apostolique a révélé la dissimulation systématique des abus. Et très récemment, un évêque auxiliaire à la retraite aux États-Unis a reconnu ne pas avoir signalé un cas d’abus il y a près de quarante ans (et annoncé qu’il s’éloignerait donc désormais du ministère public).
Mais dans l’ensemble, l’instinct de sauver sa peau a prévalu.
Même si, par le passé, des évêques ont exercé un pouvoir temporel considérable, ils n’ont plus aujourd’hui beaucoup d’influence dans le monde politique. Ce devrait être pour le mieux car – du moins en théorie -, cela les libère d’agir comme des seigneurs, des politiciens ou des agents de la fonction publique, pour leur permettre d’agir comme des pasteurs ou des pères spirituels.
Jésus disait que ses apôtres devaient mener Ses disciples en les servant et non en les dominant, pour suivre Son exemple de faire passer les autres en premier et de se sacrifier. Cependant, de trop nombreux successeurs des apôtres ont montré un instinct politique plus que pastoral, plus désireux de se sauver eux-mêmes que les âmes confiées à leurs soins.
Les évêques qui ont couvert des crimes, ou qui en ont eux-mêmes commis (en supposant que leurs consciences ne soient pas étouffées par le péché) devraient retrouver la paix s’ils suivent l’abnégation de Notre Seigneur et démissionnent de leurs charges pour le bien de la justice. Ils se sont perdus en essayant de maintenir leur propre pouvoir et leur prestige.
Peut-être ont-ils besoin de se souvenir que seuls ceux qui se perdent se trouveront.
26 septembre 2018
Source : Les premiers seront les derniers, par James J. Tissot, v. 1890 [Brooklyn Museum]
Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/09/26/some-bishops-need-to-lose-their-lives-to-find-them/
Nicholas Senz est le directeur de la formation à la foi des enfants et des adultes à l’église catholique St Vincent de Paul d’Arlington, Texas, où il habite avec son épouse et deux enfants. Il est titulaire d’un mastère de philosophie et de théologie de l’École dominicaine de philosophie et de théologie de Berkeley, Californie. Son site Internet est nicholassenz.com.
Pour aller plus loin :
- Un regard américain
- INTRUSION DE LA THEORIE DU GENRE A L’ECOLE ET DANS LA SOCIETE
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Dénoncer les abus sectaires dans la vie consacrée et passer l’épreuve en union au Christ Epoux
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ