Hier soir, avait lieu le rendez-vous annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France en présence du Président de la République, au Carroussel du Louvre. On sait que c’est toujours l’occasion pour le Conseil de s’adresser solennellement à un public choisi et représentatif pour exprimer les attentes, voire les craintes de la communauté juive de France. Cette année, une initiative particulière a été prise, en lien avec le recrudescence d’un antisémitisme qui fait des dégâts incontestables. Une brochure intitulée « Céline contre les juifs ou l’école de la haine » a, en effet, été distribuée aux invités. On sait que la maison Gallimard avait eu le projet de rééditer les pamphlets antisémites de l’écrivain. Ce projet a été ajourné. Antoine Gallimard, le patron des célèbres éditions a déclaré qu’il s’agissait d’une suspension et non d’une renonciation définitive.
Cela explique l’initiative du Crif, qui a demandé à Pierre-André Taguieff et Annick Duraffour d’écrire une brochure pour expliquer en quoi Céline était un auteur dangereux, pervers, raciste convaincu et militant. Son génie littéraire est hors de contestation, et c’est pourquoi il est particulièrement nocif. Ses admirateurs ont souvent minimisé cet aspect pourtant essentiel de sa personnalité et de son œuvre. C’est pourquoi Pierre-André Taguieff et Annick Duraffour ont accompli un travail considérable de documentation et d’élucidation qui devrait mettre fin à toute entreprise d’édulcoration. C’est triste à dire, mais ce grand écrivain avait complètement intégré le racisme hitlérien. Son antisémitisme était de nature entièrement raciale et les antisémites politiques qui ne le partageaient pas étaient pour lui des antisémites de pacotille. En plus, il avait la prétention de se fonder sur une argumentation scientifique, s’appuyant par exemple sur le théoricien George Montandon, entièrement acquis à une conception raciste de l’anthropologie.
Pierre-André Taguieff, que je connais bien depuis longtemps et dont j’apprécie la compétence dans ce domaine du racisme, n’est pas hostile pour sa part à la réédition des pamphlets de Céline, à condition qu’elle soit accompagnée d’un sérieux appareil critique, mettant en évidence ce qu’il faut bien appeler la dérive effroyable d’un génie de notre littérature. À l’heure où l’antisémitisme est de retour, son travail est vraiment de salut public.
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Pierre-André Taguieff et Annick Duraffour, Céline, la race, le juif. Légende littéraire et vérité historique, Fayard ,1182 p., 35 €.
Pour aller plus loin :
- Pie XII a-t-il abandonné les juifs lors de la dernière guerre ?
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- INTRUSION DE LA THEORIE DU GENRE A L’ECOLE ET DANS LA SOCIETE
- LE MINISTERE DE MGR GHIKA EN ROUMANIE (1940 – 1954)
- Sur le général de Castelnau et le Nord Aveyron.