Célébration face au Levant, pourquoi ? - France Catholique
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La justice de Dieu
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Célébration face au Levant, pourquoi ?

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Les prêtres de la paroisse de la Sainte-Famille, dont je suis curé, à New York, ont repris depuis juillet la pratique de célébrer la Sainte Messe face à l’Est liturgique — ad orientem. J’ai décidé que nous ferions ainsi après avoir lu un entretien accordé en mai par le Cardinal Sarah à la revue catholique française Famille Chrétienne. Il en reparla à Londres en juillet, et à nouveau suggéra que les prêtres reprennent la célébration ad orientem de la Messe.

Lors de l’entretien du mois de mai il posa la question de la légitimité canonique de cette pratique : « C’est légitime et conforme à la lettre et à l’esprit du Concile. En ma qualité de Préfet de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements je persiste à rappeler que la célébration face à l’Est (versus orientem) est autorisée par les articles du missel précisant les instants où le célébrant doit se tourner vers les fidèles. Une autorisation particulière est donc inutile pour célébrer face au Seigneur.»

Les mots du Cardinal Sarah ont fait vibrer en moi une corde sensible. Il compare l’orientation liturgique vers l’Est à un mouvement plus profond de nos âmes se tournant vers Dieu. Notre adoration devrait se traduire en une action nous détachant pour nous élever vers le Christ : « La conversion consiste à se tourner vers Dieu. Je suis intimement persuadé que nos corps doivent participer à cette conversion. La meilleure façon est certainement de célébrer — prêtre et fidèles — tournés ensemble dans la même direction : vers le Seigneur qui vient à nous. Ce n’est pas, comme on l’entend parfois, de célébrer face aux fidèles ou en leur tournant le dos. Là n’est pas la question. Il s’agit d’être tous tournés vers l’abside, qui symbolise l’Orient, où trône la croix du Seigneur ressuscité.»

Les fidèles à la messe ne sont pas un auditoire à persuader ou à entraîner par une action intéressante du célébrant, devant se tenir en avant, au centre, sans perdre ses ouailles de vue. Non, la nature du culte divin implique de ne rien laisser perturber la relation entre Dieu et Son peuple. En se tournant vers le Seigneur avec les paroissiens, le célébrant endosse le rôle du guide en pélerinage vers le Seigneur, vers le Paradis. Il n’a plus la tentation d’agir en tant que centre d’un évènement destiné à une audience captive.

Le temps consacré à s’adresser face aux fidèles est essentiellement celui de la Liturgie de la Parole. La parole divine est proclamée et le prédicateur fait appel à ses talents — un don de Dieu — et au fruit de ses études pour une exhortation tirée de l’Évangile et d’autres lectures, et prenant ses racines dans l’enseignement de l’Église. Mais dès que commence l’Offertoire le célébrant s’adresse d’abord à Dieu, et les fidèles s’unissent à sa prière, prière de leur prêtre, avocat des pécheurs.

Le Cardinal Sarah poursuit : « Par ce mode de célébration, nous éprouvons, même en nos propres corps, la primauté de Dieu et de l’adoration. Nous comprenons que la liturgie est en premier lieu notre participation au sacrifice parfait de la Croix. Je l’ai personnellement ressenti : par une telle célébration, menée par le prêtre, l’assemblée est comme physiquement tirée vers le mystère de la Croix au moment de l’élévation.»

J’éprouve et partage la même expérience. Maintenant, quand j’élève l’Hostie consacrée, puis le calice contenant le Sang du Christ, je sais que c’est le Sacrement du Christ, et non moi, que regardent mes paroissiens. L’absence de contact visuel entre le prêtre et l’assistance à ce moment central du culte est l’un des meilleurs moyens pour communiquer le mystère de la présence de Dieu dans la Sainte Eucharistie.

Quand nous allons à la Messe, prêtres comme paroissiens, nous sommes ensemble en quête de la présence de Dieu. Lors de la célébration ad orientem, quand le Christ descend sur l’autel à la consécration, nous sommes tous rivés à Lui. Sa présence exige notre attention. Le prêtre, en l’occurrence, échappe à la vue, puis continue les prières de la Messe, se prépare à se tourner vers les fidèles pour leur annoncer la paix du Seigneur, et à présenter à Son peuple le Seigneur par l’Eucharistie, en préparation à la nourriture de Son troupeau, don de Lui-même par les mains de Son prêtre.

Les paroissiens de la Sainte Famille se sont, pour la plupart, adaptés à ce changement. Il y a eu des réclamations, mais bien plus de remerciements et d’encouragements. Certains n’ont pas encore bien saisi que le célébrant tourné vers le Seigneur et non vers l’assemblée ne prive pas les fidèles mais leur montre plutôt un retour des paroissiens vers le Christ.

Pour le célébrant il est intéressant de se rappeler que, dans le Canon de la Messe, il s’adresse à Dieu au nom de tous, et en particulier de ceux, présents, qu’il entraîne alors dans l’adoration. Le célébrant est leur père spirituel et il plaide pour eux devant Dieu en renouvelant le parfait sacrifice du Calvaire.
Pour le prêtre il est un autre avantage, il peut se concentrer mieux, beaucoup moins distrait par les inévitables mouvements dans l’église — arrivées et départs, déplacements d’enfants, si ce n’est d’adultes, ouverture et fermeture de portes, etc.

J’ai une grande reconnaissance envers le Cardinal Sarah pour son encouragement à ranimer la longue et ancienne pratique liturgique de l’Église. Il nous remet en tête ce que nous savons tous mais oublions facilement lorsque notre acte d’adoration se concentre trop sur nous-mêmes et trop peu envers le Christ. « Pour nous, la lumière, c’est Jésus Christ. Toute l’Église est orientée, face à l’Est, vers le Christ : ad Dominum. Une Église fermée en boucle sur elle-même aura perdu sa raison d’être. Car pour être elle-même l’Église doit vivre en face de Dieu. Notre point de repère est le Seigneur ! Nous savons qu’Il a vécu parmi nous et qu’Il est retourné vers le Père depuis le Mont des Oliviers, à l’Est de Jérusalem, et qu’Il reviendra par le même chemin. Se tenir tourné vers le Seigneur, c’est L’attendre chaque jour. On ne doit pas donner à Dieu des raisons de se plaindre constamment de nous. « Car ils tournent vers moi leur dos et non leur face » (Jr 2:27).»

21 août 2016.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/08/21/why-were-facing-east/

Photo : S.E. le Cardinal Sarah célèbre la Messe ad orientem à l’Oratoire de Londres, 6 juillet.