Ce qui importe désormais - France Catholique
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La justice de Dieu
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Ce qui importe désormais

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Les dernières élections? Un désastre. Je ne parle pas seulement du résultat. Les électeurs font leur choix, et l’électorat obtient les gouvernants qu’il mérite. Ce qui me choque plus profondément, ce sont les plus de six milliards de dollars dépensés pour la dernière campagne électorale, alors qu’avec ces moyens colossaux en temps et en argent on n’a guère (si seulement un peu?) entendu un débat conséquent à propos des véritables questions et défis qui se posent à notre pays.

Il semble que nous ayons perdu la faculté de tenir en public des conversations de grandes personnes sérieuses sur les sujets fondamentaux du bien commun. Ne nous y trompons pas, de gauche ou de droite, tous en souffriront. Il n’y a pas de « vainqueur ». Toute la nation y est plus ou moins perdante. Et alors que nos problèmes s’aggravent, la colère et les divisions s’accentuent, et des discours sensés d’adultes raisonnables sont de moins en moins susceptibles de se faire entendre.

Ce problème est soutenu, entretenu, nous le savons bien — et, en grande partie,créé — par les médias et leur incapacité à traiter les sujets sérieux avec le soin approprié à leur importance. Il est des questions qu’on ne peut raisonnablement traiter en un écho de trente secondes. Et alors qu’en lançant un commentaire sans son contexte on peut, en déclenchant des réactions violentes, répandre de délicieux scandales, on abaisse lamentablement le niveau du débat public.

Dans cet environnement contraignant, il suffit d’un ou deux mots hors de propos pour faire gagner ou perdre, mais encore pour faire d’un candidat perdant mais valable le bouc émissaire désigné par la caste auto-proclamée des grand-prêtres des médias dont la plus joyeuse distraction consiste à chasser sans vergogne ceux qu’ils considèrent comme indignes d’exister.
Nul ne veut laisser passer un commentaire libre, ce qui fait que tout discours public est soigneusement rédigé afin de le rendre digeste selon le plus petit dénominateur commun de l’audience, ou de toucher les cibles soigneusement visées par certains « groupes de pression ».

Permettez-moi une suggestion: si les Catholiques veulent apporter un remède aux maux dont souffre la nation ils doivent aider la nation à penser à elle-même et au bien commun de façon plus profonde et plus conséquente qu’elle semble le faire (avec les médias nationaux dominants). Nous devrons réfléchir sérieusement à des sujets autrement graves que la constitution éventuelle de coalitions pour gagner les prochaines élections.

On peut porter un jugement politique sur une société selon son approche sur sa propre identité. À cet égard, nous devrons examiner sérieusement ce que nous entendons par « le Rêve Américain ». Nous sommes-nous, par exemple, laissés séduire par les conceptions superficielles et inconsistantes d’un idéal de banlieues en surévaluant les installations sociales qui n’ont jamais répondu à cet idéal?

Le « Rêve Américain » n’est-il constitué que d’avantages économiques? Ou ces privilèges économiques n’entraînent-ils pas ou ne présupposent-ils pas certaines obligations et responsabilités, dans le domaine de l’ordre public, par exemple, ou pour le bien commun de la nation? Au moment des élections, pouvons-nous nous satisfaire d’un argument aussi inconsistant que: « c’est de l’économie, laissez tomber » ? Il nous faut cesser de considérer ce qui était vu comme de l’avarice éhontée est désormais une forme bénigne de souci de soi, guide de « choix sur le marché » pour le « consommateur ».

Pouvons-nous prendre le temps de résister aux mœurs populaires, à la « culture » sexuelle libertine, au comportement économique dominé par le « marché » et nous interroger sur les problèmes que l’Église nous invite à poser: Quel est le rôle du « marché », quel est son objectif? Si, par exemple, nous disons que les marchés sont au service des personnes, et non l’inverse, comment les marchés peuvent-ils mieux servir les gens? De même si les administrations sont conçues pour le service des gens, et non les administrés soumis à l’appétit dévorant de paperasse de l’animal, alors, comment nos institutions peuvent-elles être à notre service, à nous, personnes, et non simples numéros ou sujets ?

Voulons-nous vraiment que chaque organisme en Amérique soit au service de l’hyper-individualisme autonome enraciné tant dans la gauche Américaine que dans le capitalisme dominé par le « laissz-faire » [en Français dans le texte] d’un marché débridé? Ou bien en tant que Catholiques, pouvons-nous aider l’Amérique à découvrir une nouvelle vision de la société fondée sur des relations de dimensions communes entre personnes humaines ?

Alors, nous devons aussi en finir avec la nature et la qualité de l’enseignement chrétien dans notre pays. Par exemple, nos établissements scolaires et universitaires catholiques peuvent-ils former nos étudiants afin qu’ils évitent de devenir comme ces espèces de bureaucrates et technocrates sans âme qui étouffent tant la vie actuelle des Américains ? La réponse? Non, si ces établissements persistent à singer les paradigmes culturels actuels et refusent toute forme d’effort pour faire renaître leur vocation spécifique de mission et d’identité Catholique.

Et, pour conclure, que dire des médias ? Nous, Catholiques, ne pouvons-nous faire mieux que le brouet qu’on nous sert chaque jour? Relèverons-nous le défi pour aider notre nation à lutter contre les torrents de demi-vérités et de mensonges de la seule manière possible: participer à une massive présentation de la vérité. Pouvons-nous enseigner à nos étudiants, par exemple, l’art d’exiger des politiciens autre chose que des discours insipides et des explications embarrassées qui ne reposent sur aucun fait, aucune preuve? Est-il temps de revenir à l’instruction classique, à base de grammaire, de rhétorique et de logique ?

L’une de ces idées serait-elle susceptible d’apporter la victoire lors de prochaines élections? Je ne saurais le dire. Mais si nous, catholiques, souhaitons avoir les idées claires sur la politique actuelle aux États-Unis, il nous faudra réfléchir sur nombre de sujets autres que la politique.

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Randall Smith est professeur associé en théologie à l’Université Saint Thomas, Houston, Texas.

Photo : Récitation du Rosaire

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/what-matters-now.html