Ce qui est en jeu au Soudan - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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Ce qui est en jeu au Soudan

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Sainte Bakhita: Soudanaise, esclave, et sainte. . . J’ai rencontré un jour un homme qui avait été crucifié. Je m’en suis souvenu tandis que je prenais connaissance de quelques événements singuliers de ces derniers jours. Au cours de la semaine passée, les habitants du Sud Soudan ont pris part à un référendum pour savoir si le Sud allait se séparer du Nord ou demeurer au sein d’un Soudan uni. Ce qui, sans exagérer, est remarquable. C’était même inimaginable alors que, bien avant les troubles du Darfour mieux connus, la population du Sud Soudan et d’autres régions marginalisées était soumise à l’esclavage et au meurtre. Sous l’influence de l’envoyé spécial du président Bush, John Danforth, un accord de paix avait été négocié en 2003 dont l’un des volets prévoyait un vote sur l’indépendance du Sud. A cette époque, je travaillais beaucoup à rechercher les voies et moyens de combattre le génocide et l’esclavage au Soudan. Avec plusieurs collègues bien motivés, je voyageais dans des zones pour la plupart assiégées, Abeyi et les Monts Nuba. Nous réunissions des preuves sur la mise en esclavage d’habitants d’Abeyi et nous tournions des images qui se trouvent actuellement au Musée sur la Tolérance à Los Angeles, et dans un film intitulé « Le Don Caché : guerre & foi au Soudan » qui traite également de la condition misérable des Nuba. Les Monts Nuba (une région au « nord du sud ») sont le siège d’une remarquable culture de respect mutuel. Là, les Nuba, qu’ils soient chrétiens, musulmans ou animistes, vivaient en paix. Ainsi, à l’occasion d’une fête de Pâques, je fus témoin de la visite de Sufis venus célébrer cette grand fête chrétienne avec leurs voisins Nuba. Les chrétiens de leur côté aident les musulmans dans l’entretien de leurs modestes mosquées. Cette estime et ce respect mutuels constituaient néanmoins une menace aux yeux des dirigeants extrémistes du gouvernement soudanais, le Front Islamique du Salut. Leur vision du Soudan était celle d’un fondamentalisme islamique et tout objecteur, musulman compris, devait être réduit au silence. Ils armèrent et lâchèrent contre les Dinka d’Abeyi les milices arabes tribales. Ils envoyèrent bombarder les quelques écoles et hôpitaux des Monts Nuba. Je travaillais avec un courageux évêque catholique qui avait son franc-parler et qui mettait en garde l’Occident contre l’extrémisme islamique qui dominait au Soudan (et qui donna refuge à Osama Ben Laden) et qui bientôt s’en prendrait à lui. Les événements du 11 septembre lui ont donné raison. L’ironie veut que le fanatisme du Nord, visant à supprimer à la fois l’identité culturelle africaine et le christianisme, ait provoqué une explosion de la chrétienté dans le Sud. Aujourd’hui, sans doute la moitié des Sudistes sont chrétiens. Une autre ironie (ou plutôt, comme la Bible le dit, Dieu tirant un bien d’un mal ?) veut que l’un de ces enfants conduits en esclavage un siècle auparavant (la prise d’esclaves au Soudan n’a jamais cessé, que ce soit par des Nordistes ou des Sudistes), Josephine Bakhita (la chanceuse), ait été portée sur les autels par Jean Paul II en 2000. Avant ce jour et depuis, elle donne espoir à des millions de Soudanais et d’Africains de l’Est. Pourquoi le christianisme a-t-il progressé de manière exponentielle au Soudan ? Une partie de l’explication est illustrée par cet homme que je mentionnais plus haut, qui avait été crucifié. C’était un catéchiste catholique. Dans un pays ravagé par la guerre, il n’y avait que peu de prêtres, bien précieux. La vie de l’Eglise dépendait des catéchistes. Ils agissaient un peu à la manière des prédicateurs méthodistes qui partaient en tournées à travers l’Amérique à ses débuts – ils voyageaient un peu partout, propageant la Bonne Nouvelle et confirmant les croyants dans leur foi. Pour cette raison, ils étaient pourchassés par les extrémistes. L’homme que j’ai rencontré a bien été littéralement crucifié par ses persécuteurs qui lui dirent de « mourir comme Jésus-Christ ». Par miracle, il a survécu et a pu raconter son aventure, que nous avons enregistrée pour le film. La foi qu’il a illustrée – la foi qu’il a enseignée aux autres – était largement répandue et vivante au Soudan que j’ai visité il y a plusieurs années. Elle était fervente, elle était profonde, elle était courageuse, et elle était contagieuse. Elle vous rendait humble aussi. Combien d‘entre nous risquerait (sinon embrasserait) physiquement le martyre ? Vivre au milieu de ces gens, d’une telle profondeur de foi, est inoubliable. La liturgie, qui loue « la beauté sur la montagne des pieds de celui qui annonce la Bonne Nouvelle », devenait réalité cette veille de Noël dans la poussière et la nudité des Monts Nuba, où l’on entendait les meuglements du bétail et le chant des hymnes. Le jour de Noël, je me tenais avec eux dans l’ombre des grands arbres pendant la Messe au moment d’apprendre que des avions-bombardiers avaient été envoyés du Nord pour nous tuer (ils ne repérèrent pas notre groupe, quoiqu’ils devaient revenir quelques mois plus tard et tuer des enfants dans une école de fortune.) Le calme de ces gens était stupéfiant; ils avaient placé leur foi en Dieu, et ils n’avaient pas peur (moi oui). Je n’oublierai jamais ces jours passés au milieu des saints. Dans les semaines qui viennent, alors que l’on comptera les suffrages, et que le vote dans les Monts Nuba a été retardé sans raison, j’espère que vous ne les oublierez pas non plus. Leur foi nous soutient, au sein de la Communion universelle. S’ils sont éliminés, nous serons diminués. Si nous oublions leur souffrance et la justice de leur cause, ils sont condamnés. C’est ce qui est jeu au Soudan. Sainte Bakhita, priez pour nous et pour votre cher pays.
— – http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/what-is-at-stake-in-sudan.html http://www.c-fam.org/about_us/id.16/author_detail.asp In 1999, Mr. Saunders founded Sudan Relief and Rescue, Inc., to aid the persecuted church in Sudan. He has worked for and written on behalf of the persecuted church for many years.