Ce que vit Siméon - France Catholique
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Ce que vit Siméon

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Dans l’Écriture les événements se répondent, s’annoncent et s’expliquent l’un l’autre. En entrant dans les quarante jours du Carême, nous rappelons les quarante jours du Christ au désert. Mais même avant cela, on peut se rappeler une autre période de quarante jours, avant la présentation au Temple (que nous célébrions il y a quelques semaines), parce que cela nous remet en mémoire, parmi bien d’autres choses, que la fin terrestre du Christ est liée à son commencement.

Réfléchissez à ceci : un jour, un homme du nom de Siméon se penche sur un enfant, le saisit et le tient tendrement dans ses bras. Toute sa vie il a attendu ce moment. Car c’est le temps de la consolation d’Israël quand Siméon, qui représente le peuple confiant dans la promesse de Dieu, apprend qu’il ne verra pas la mort avant de contempler la face du Seigneur.

Et quand ce jour enfin arrive, il prophétise, disant aux parents de l’enfant que le salut est arrivé pour le monde entier, révélant la gloire véritable du Peuple élu de Dieu. Ils sont étonnés bien sûr, particulièrement que leur fils devienne un « signe de contradiction », tandis qu’une épée percera la mère.

Lisez l’Évangile de Luc, chapitre 2, où les détails – tous significatifs – sont soigneusement notés. Étant donné la formation de l’auteur, un médecin, le récit est naturellement méticuleux. Et réclame une attention soutenue.
Pourtant, le doyen de ma paroisse, quand il prit l’Évangile du dernier dimanche de l’année liturgique, ne lut pas complètement le passage, préférant la lecture brève – de peur que la congrégation ne se trouve excessivement gênée d’avoir entendu l’histoire dans son entier ?

Mais nous ne pouvons rien omettre parce que l’épisode reste essentiel pour comprendre la vie de Jésus. C’est un moment profond, d’importance considérable, tout à fait crucial pour l’ensemble du récit du salut, parce qu’il met en rapport dramatiquement deux mondes très différents, au point exact où les bras du vieil homme entrent en contact avec la chair du petit enfant.
Un enfant qui, il faut que cela soit dit, n’est pas un enfant ordinaire, malgré l’humanité dont il est revêtu. Car il est le Fils du Dieu vivant, le Logos lui-même, venu sur terre pour racheter une race déchue. Cet instantané, ce moment fugitif, perdu autrement dans la vaste mer de l’histoire, n’est rien de moins qu’un point fixe, un point d’intersection, représentant, selon les mots du pape Benoît, « le point de rencontre des deux testaments l’Ancien et le Nouveau. »

C’est là que l’aspiration d’Israël, gardée vivante par les anawim et les prophètes pendant des milliers d’années, trouve son accomplissement d’une manière qui va se révéler aussi inattendue qu’insurpassable.

Mais Siméon, bien qu’il incarne la foi et l’espoir d’Israël, l’expression de ses rêves messianiques, n’est pas seul ici pour accueillir le salut du monde : « Il y a avait aussi une prophétesse, Anne, la fille de Phanuel, de la tribu d’Aser. » Qui, nous l’apprenons, avait quatre-vingt-quatre ans et n’avait jamais quitté le temple : « Elle participait au culte nuit et jour dans le jeûne et la prière. » À quelle fin ? La même fin qui poussa Siméon à entrer dans le temple (ce fut vraiment la force conductrice de leurs vies), et qui était d’attendre la venue du Seigneur dont la soudaine apparition sous la forme d’un faible enfant les sauverait tous deux et étonnerait tous ceux venus pour le connaître.
Tous deux sont mus par le même Esprit, dont l’inspiration les conduit à cet endroit où, pour citer encore le pape Benoît, « ils trouvent l’accomplissement de leur longue attente et de leur vigilance. Ils contemplent tous deux la lumière de Dieu qui vient illuminer le monde et leur regard prophétique est ouvert sur l’avenir dans la proclamation du Messie « Lumen ad revelationem gentium » (Lc 2, 32).

Et comme l’avenir appartient à ceux qui se manifestent, Jésus, le jour où il se manifeste, pense à coup sûr aussi à nous, héritiers d’une promesse faite d’abord à un autre. Israël, dans la force de sa mystérieuse élection dans l’Esprit de Dieu, est le tremplin, la base de l’histoire qui doit être dite. Pie XI avait certainement raison de nous rappeler que « spirituellement nous sommes tous des Sémites ». Mais maintenant c’est pour tous que l’histoire a un sens parce que la vie et la mort de cet enfant sont lumière pour les nations.

Il se peut, comme un autre pape, Pierre, nous l’assure, que nous échappions au fardeau de la Loi Juive. Personne d’entre nous, cependant, n’échappe au fardeau de son histoire. Dont le point culminant fut ce qui eut lieu dans un temple le jour même où un petit enfant fut salué par deux vieilles personnes, qui virent dans la chair du nouveau-né le signe messianique incontestable qui nous libère de fardeaux bien plus lourds que ceux de la Loi. Le Christ est venu nous libérer du péché et de la mort.

Un poème de T.S. Eliot, écrit peu après sa conversion en 1927, intitulé « Un chant pour Siméon » honore la mémoire d’un vieux et saint Juif :

Que l’Enfant, le Verbe qui ne dit et qu’on ne dit encore,

Accorde la consolation d’Israël

À celui qui a quatre-vingts ans et point de lendemain.

Oui, Siméon mourra mais par la grâce de ce que lui a imparti le Christ qu’il a attendu toute sa vie pour l’embrasser, il vivra encore, embrassé par Dieu pour l’éternité.

Et ainsi finit le récit de Luc comme finit la mission confiée à Siméon qui reste notre frère aîné, avec cette demande adressée à Dieu de lui donner permission de mourir :

Maintenant, Seigneur, Tu peux laisser Ton serviteur s’en aller dans la paix

Selon Ta parole

Car mes yeux ont vu Ton salut

Que Tu as préparé à la face de tous les peuples,

Lumière pour la révélation aux Gentils

Et gloire pour Ton peuple Israël.

Prions en cette période de Carême que pour que nos propres vies finissent de cette manière, tenant le Christ dans nos bras, tandis que le Père nous porte dans les siens.

18 février 2018

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/02/18/what-simeon-saw/