Il ne faut pas se tromper sur l’intention profonde du pape François, à propos du Jubilé de la miséricorde qu’il a conçu et décidé. Contrairement à certaines accusations qui sont faites du côté traditionaliste, il ne s’agit nullement pour le Pape de plaider en faveur d’une sorte de laxisme moral, qui accompagnerait, par exemple, un assouplissement des règles canoniques du mariage sacramentel. Bien au contraire, François entend entraîner les fidèles de l’Église catholique dans une méditation qui ramène aux fondamentaux de la foi, notamment en ce qui concerne notre condition de pécheurs face à la miséricorde de Dieu. Il n’est question de miséricorde que parce qu’il y a d’abord le péché et ses abîmes, que la tradition chrétienne, notamment au travers de ses grands docteurs et mystiques, a toujours explorée. C’est ce que le Pape rappelle notamment dans le petit livre qu’il vient d’écrire en collaboration avec l’excellent vaticaniste qu’est le journaliste Andrea Tornielli1. Le péché tient à la blessure profonde qui est en nous, depuis la rupture existentielle que constitue ce que les théologiens appellent le péché originel.
Périodiquement, cette notion de péché originel se trouve récusée par des intellectuels qui la trouvent imbuvable, et par ailleurs absente des Évangiles… Ceux-là sont généralement idéologiquement progressistes, mais il serait dangereux de s’enfermer dans ce genre de catégories. Andrea Tornielli parle, de son côté, d’un cléricalisme réactionnaire, qui irait, lui, dans le sens d’un rigorisme extrême. Personnellement, je serais assez enclin à délaisser, au moins sur ce terrain, l’emploi de qualificatifs à la fois trop politiques et trop partisans, alors qu’il faudrait s’en détacher pour entrer en soi-même et entendre l’appel d’un Dieu qui nous dit à la fois le malheur du péché et la joie d’être sauvé : « L’Église condamne le péché, nous dit le Pape, parce qu’elle doit dire la vérité : ceci est un péché. Mais, en même temps, elle embrasse le pécheur qui se reconnaît tel, elle est proche de lui, elle lui parle de l’infinie miséricorde de Dieu. Jésus a pardonné même à ceux qui l’ont crucifié et méprisé. »
Comment ne pas penser au message de Thérèse de l’Enfant-Jésus, qui avait su retrouver, dans une époque encore très marquée par le jansénisme et sa notion implacable de la justice divine, le sens de la miséricorde. Elle qui confiait, à sa sœur Pauline, qui était alors prieure de son Carmel : « Dites bien, ma mère, que si j’avais commis tous les crimes possibles, j’aurais toujours la même confiance, je sais que cette multitude d’offenses serait comme une goutte d’eau jetée dans un brasier ardent. » Encore faut-il, à son exemple, avoir l’humilité de se jeter dans les bras de l’infinie miséricorde.