Et voici qu’enfin, pour la première fois au cœur de cette nuit, Marie voit face à face ce Visage qui, depuis neuf mois, se formait en elle ! Et quand les yeux de l’Enfant s’ouvriront pour la première fois, elle verra la couleur exacte des yeux de Dieu…
A cet instant, bien avant l’aube, se réalise la prophétie : « Tes guetteurs voient, les yeux dans les yeux, Dieu revenant à Sion… » [Is 52, 10]
Ainsi s’accomplit le grand passage du Message au Visage. De l’audition à la vision. La Parole entendue, la voilà vue ! La Parole qui résonnait dans la Création et dans l’Histoire, la voilà touchée !
Non, Dieu n’est pas un message, encore moins un mirage. Après tant de visages qui l’ont précédé, Dieu se fait Visage.
Heureux, infiniment heureux, ces yeux de Marie, de Jean, des bergers et des mages qui voient ce que tant de prophètes ont rêvé de voir !
En contemplant ce visage d’enfant, on le comprend :
Oui, la Lumière a pris des yeux pour en irradier notre terre,
la Sagesse s’est donné des lèvres pour lancer ses appels à tous les carrefours.
La Parole s’est façonné des oreilles
pour entendre crier et chanter les pauvres.
La Vérité s’est mise à briller dans une intelligence humaine
pour illuminer à jamais nos esprits.
L’Amour s’est sculpté des mains pour entre nos mains se livrer
et flamber pour toujours dans nos cours.
La Miséricorde, c’est maintenant un cœur :
un cœur d’enfant !
La clarté de son Visage : ta vie !
La lumière, c’est la vie. Sans soleil, aucune vie possible ! Une nuit sans aurore, c’est la mort. Toute vie jaillit dans la lumière. Toute la Création a commencé par ce tout premier mot de Dieu : « Lumière, sois ! » [Gn 1, 3] Et lumière est. La lumière : le premier mot que Dieu prononce sur la Création, et toutes les créatures vont surgir de cette lumière, naître dans la lumière. La lumière est le berceau de l’existence.
Le regard du Fils éternel posé sur la Création, c’est le Soleil permanent du monde. Tout existe dans la lumière de ce Visage. Son regard posé sur le monde : un rayon laser décodant l’hymne de l’univers. Et les rayons de ce regard, c’est l’Esprit Saint.
Quand la Création a été fissurée par le péché, s’est voilée cette lumière resplendissante de l’aurore originelle. Les ténèbres sont venues. Et quand, après tant et tant de siècles d’attente et de désir – enfin, enfin ! – la Parole se fait Visage, alors de ces yeux de Dieu, la lumière va irradier le monde.
Lors de mon premier voyage à Tahiti : après dix-huit heures de vol d’une nuit non-stop (décalage horaire), tout à coup la lumière la plus limpide qui soit au monde : éblouissement !
Quand, après des siècles de ténèbres, son Visage se laisse voir, c’est le Soleil le plus étincelant qui soit au monde.
Aussi, dans la genèse de l’Évangile (le Prologue de saint Jean), comme dans les premiers versets de la première Genèse, il y a sept fois le mot « lumière ». Et lumière liée à la vie, donnant la vie :
« En lui était la vie… La vie était la lumière des hommes… La lumière resplendit dans les ténèbres, mais les ténèbres ne l’ont pas atteinte… éteinte ! » [Jn 1, 2]
Et à propos de Jean Baptiste :
« Celui-là n’était pas la lumière… Il avait à rendre témoignage à la lumière… Le Verbe était la lumière véritable qui éclaire tout homme… Elle venait dans le monde ! » [Jn 1, 9]
Et le dernier mot, l’éclatement de la lumière : « Sa gloire, nous l’avons contemplée. »
La beauté de ton visage : sa joie !
Sur son Visage, viens et vois le tien ! Contemple-le, et tu sauras qui tu es.
Ton visage à toi, n’en as-tu pas eu honte parfois, ou encore aujourd’hui ? N’as-tu pas rêvé d’avoir des cheveux, des yeux d’une autre couleur, un nez d’un autre type, des lèvres plis fines, des pommettes moins saillantes, que saisie ? Au-delà du visage, n’as-tu pas eu parfois – ou encore aujourd’hui – honte de ton corps ? N’as-tu pas rêvé d’une autre morphologie ? Peut-être as-tu horreur de te regarder dans un miroir, tant tu te trouves laid(e) ?
En ce cas, veux-tu aujourd’hui recevoir ton visage du Visage même de Jésus ? Veux-tu recevoir ton corps à travers le Corps même de Jésus ? Veux-tu reconnaître en filigrane le Visage de Jésus dans le tien ? Au moins l’ébauche de ses traits ? Quand tu te regardes dans un miroir, essaie de dire en te regardant : « Jésus ! » Pose son nom très doux sur ton visage, sur ton corps. Restitue ton visage, ton corps, à ceux de Jésus.
Et en lui, tu vas devenir toi.
Comme lui, tu vas devenir roi.
Pour lui, tu seras là, simplement là : présent à lui.
Tu pourras dire : « Tu m’as appelé à la vie, me voici là, ô mon Roi ! »
Alors tu cesseras de faire semblant d’être un autre, de t’aliéner…
Tu te seras trouvé toi-même.
En formant ton visage dans le sein de ta maman, l’Esprit Saint, en bon artiste, regardait son Modèle. Si tu es garçon, il regardait Jésus. Si tu es fille, il regardait Marie.
Quelles que soient les défigurations dont la vie a pu marquer ton visage, quels que soient les événements douloureux qui ont pu laisser leur marque sur ton corps, jamais rien n’y effacera une mystérieuse ressemblance avec Jésus et, en lui, avec Marie. Simplement parce que le visage est l’expression du cœur, le reflet de ton âme, et que, au tréfonds du cœur, à la fine pointe de l’âme, l’icône même de Jésus est là gravée à tout jamais, de par ta conception, et de par ton baptême si tu es baptisé.
Empreinte indélébile, rien jamais ne pourra l’effacer ! Comme ces vieilles icônes, des couches de saleté ont pu s’y accumuler. Elles ne détruisent pas l’icône. Que l’Esprit Saint qui t’a façonné(e) à l’image du Fils soit maintenant le restaurateur qui retrouve, sous les couches de saleté, l’icône originale et en restitue les couleurs, dans toute leur fraîcheur et leur splendeur !
Et quand tu sauras reconnaître, au moins pressentir, le Visage de Jésus, derrière ou plutôt au-dedans de ton visage, alors tes masques tomberont. Dans cette lumière, elles céderont, ces défenses peu à peu forgées pour te protéger de ta propre vulnérabilité. Tu cesseras ces petits jeux où tu frimes pour tromper les autres, ou tu imites telle vedette, t’assimilant intérieurement à elle. Tu cesseras de faire de ta vie un interminable jeu de rôles, te mettant dans la peau de tel ou tel personnage qui te fascine : t’attire et t’effraie à la fois. Tu sauras qui tu es.
Tant de jeunes, ces dernières décades, ont été fascinés par quelqu’un comme Michael Jackson ! Pathétique, son visage ! Si bel adolescent, dans ses 16-17 ans, il ne s’est pas accepté, a refusé son visage, rejeté son corps, tel que Dieu l’avait désiré pour lui. Il a voulu se faire lui-même le créateur de son visage. D’où succession de ces chirurgies prétendues esthétiques, qui l’ont défiguré de plus en plus, lui donnant cet aspect androgyne. Garçon ? Fille ? Et ce mot de lui devant 60 000 jeunes, à Berlin : « J’ai plus de fans que Jésus, mais… je suis l’homme le plus seul au monde ! »
Cri pathétique : qui suis-je ? Qui es-tu ?
Eh bien, voici ton modèle unique, ton unique vedette : Jésus ! Jésus seul !
Et quand tu auras accepté de te regarder ainsi en lui, alors tu pourras deviner son Visage sur le visage des autres. Sur chaque visage, tu pourras prononcer le nom béni : Jésus ! Dans chaque regard, surtout les plus voilés par la tristesse du monde, tu devineras quelque chose du sien.
Tu en seras émerveillé, car par toi-même émerveillé : par ton Dieu, émerveillé.