Catholicisme américain : un schisme figé dans l’ambre - France Catholique
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Catholicisme américain : un schisme figé dans l’ambre

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Historiquement parlant, les schismes dans l’Eglise conduisent à deux groupes ecclésiaux ayant deux enseignements différents. Les divisions résultent généralement de fortes personnalités et de courants historico-politiques, mais la doctrine est rarement leur point de départ ou d’aboutissement. Et les séparations sont loin d’être rares. Un universitaire a compté au moins 23 schismes ou groupes de schismes, et cela seulement jusqu’au 1er concile du Vatican.

Après un schisme, les groupes qui se forment ne sont pas interchangeables. On peut dire que « L’Eglise est Une parce que ses membres sont tous unis sous un seul gouvernement, professent tous la même foi, tous se rejoignent dans une louange commune. » (G. Joyce, Encyclopédie catholique). Donc, une fois que les deux groupes se sont formés, ou ils ne sont plus unis sous un unique gouvernement, ou ils ne professent pas la même foi ou ils ne se rejoignent pas dans une commune louange. Ou peut-être un mélange des trois.

Des enquêtes montrent que l’ « Eglise » américaine est composée en réalité de deux groupes , chacun avec un contenu de la foi différent, une manière de célébrer différente et un mode de gouvernement différent. Voyons brièvement ces trois catégories :

Un groupe essaie de conserver tous les enseignements de l’Eglise catholique. L’autre groupe s’attache à des raisons de vie provenant de différentes tendances sociales et utilise des mots provenant de l’Ecriture et de la Tradition, mais en altérant leur contenu parce qu’il ne correspond pas aux tendances.

En ce qui concerne le service divin : le premier groupe célèbre en utilisant des mots enracinés dans l’enseignement de l’Eglise. L’autre groupe utilise les mots des rites mais souvent avec des significations différentes. Pour prendre un exemple, ils utilisent le mot « Christ ». Mais il ne s’agit pas du Christ Verbe incarné et donnant sens au monde, parce que ceci entraînerait que l’on suive son enseignement et celui de l’Eglise. Il s’agit plutôt du Christ vu comme un homme bien qui a dit quelques bonnes vérités, mais sans comparaison avec celles véhiculées par les tendances actuelles de la société.

En ce qui concerne le gouvernement : le premier groupe écoute l’enseignement de l’Eglise et de ses docteurs. L’autre groupe suit les leaders culturels et ignore complètements les évêques. Le fossé de l’ « Eglise » américaine sépare même entre les communautés religieuses, entre les paroisses et entre les diocèses, entre les administrations ecclésiales et dans la conférence épiscopale.

Pourquoi ce schisme partiellement effectif, piégé dans l’ambre pour ainsi dire, est-il digne d’intérêt ? Tout d’abord l’unité de l’Eglise fonde son témoignage envers l’humanité (Jhn 17-21). Mais quand l’ « Eglise » consiste en feux groupes – de taille approximativement identique, mais croyant des choses opposées – alors l’efficacité de l’ « Eglise » is presque parfaitement anéantie.

Ceci est parfaitement compatible avec ce que les Etats-Unis ont absorbé de la pensée des « Lumières » parce que la signification de l’Eglise est censée être sans importance. Les élites sont la nouvelle source de sens. Culturellement, l’existence du second groupe est très logique. L’illusion de l’hégémonie culturelle des Etats-Unis et de la subordination de toute religion à la culture est envahissante.

Les évêques nés aux Etats-Unis et les supérieurs religieux tendent naturellement à encourager l’intégration. Il y a quelques exceptions, mais à en juger par les proportions de la division, elles ne sont pas nombreuses.

Une autre raison pour prendre en compte cette séparation est que les schismes en général donnent lieu à deux groupes auto-identifiés : l’Eglise latine et l’Eglise grecque, les Catholiques et les Protestants, les Catholiques et les Vieux-catholiques, pour en citer quelques-uns.

Aux Etats-Unis, le schisme a commencé, mais n’a pas abouti à deux groupes séparés, autonomes et publiquement reconnus, avec leurs propres évêques.

Troisièmement, il faut dire – sans cesse- que le catholicisme possède un composant intellectuel intrinsèque. Théologiquement : « Dieu a placé au cœur de l’homme un désir de connaître la vérité – en un mot, de se connaître lui-même – pour que, en connaissant et aimant Dieu, l’humanité puisse aussi venir à la plénitude de la vérité sur elle-même… Il est nécessaire de garder à l’esprit l’unité de la vérité, même si ses formulations ont été façonnés par l’histoire et produites par la raison humaine blessée et affaiblie par le péché (Jean-Paul II).

Naturellement, la pensée américaine formée dans l’esprit des Lumières n’approuverait pas cela – pourquoi un pape aurait-il qualité pour nous enseigner ? Cette position explique la chaîne des échecs catholiques aux Etats-Unis : le divorce, la contraception, l’avortement, les universités « catholiques » qui ne sont pas catholiques, les évêques et présidents d’université qui ne comprennent pas Ex corde ecclesiae, la raison pour laquelle même des évêques très intelligents n’agissent pas, le « mariage » homosexuel, la raison pour laquelle le schisme existe. Le point de vue de l’esprit des Lumières est que la part intellectuelle du catholicisme est insignifiante ou hors de propos.

Alors pourquoi les Américains devraient-ils respecter et se tourner vers l’Eglise catholique alors qu’ils sont confrontés à cette créature semblable à Janus ? Pourquoi le raisonnement catholique semblerait-il même plausible alors que le contraire est si manifeste ? Pourquoi les paroles des représentants de l’Eglise auraient-elles un poids alors que le contre-exemple est en grande partie manifesté par les « catholiques » ou par leur silence ?

Par de nombreux côté, les Etats-Unis sont un grand pays, peut-être même l’un des plus grands pays dans l’histoire récente. Cela ne signifie pas, cependant, que le catholicisme n’a rien à dire ni que le catholicisme doit devenir le protestantisme unitarien.

Le Christ est simplement trop vrai pour être proclamé partiellement. Voir la vérité et son contraire proclamés côte à côte est monstrueux et, si l’on connaît la signification du mot schisme, le signe d’une véritable volonté de nuire.


Le frère Bevil Bramwell, o.m.i, a été doyen de la Catholic distance University (télé-université catholique). Il a publié Laity: Beautiful, Good and True et The World of the Sacraments. 

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Source : http://www.france-catholique.fr/ecrire/?exec=articles_edit&id_rubrique=67&new=oui


L’église américaine : une créature à l’image de Janus