Pendant la Semaine sainte et à la messe du dimanche de Pâques, dans des paroisses du monde entier, de nombreux pèlerins seront accueillis au sein de l’Église. La plupart aura suivi le cursus de catéchuménat pour adultes, [aux États-Unis] six mois de familiarisation à l’enseignement de l’Église et à ses pratiques. Cette année j’ai eu le privilège de faire partie de l’équipe de préparation au Centre St-Peter des étudiants à l’Université Baylor, où une douzaine d’hommes et femmes feront bientôt leur entrée dans l’Église.
Voici cinq ans cette semaine, mon épouse Frankie et moi-même avons décidé de nous unir pleinement à l’Église catholique, ce qui m’a fait réfléchir à mon propre parcours, et au niveau d’incompréhension (puis de compréhension) du catholicisme et de son enseignement qui m’en avait éloigné, adolescent attiré par les évangélistes, puis m’y avait fait revenir à l’age de quarante-six ans.
Bien qu’ayant suivi toute ma scolarité (1966-1978) dans des écoles catholiques, je n’avais qu’une connaissance sommaire de la pensée catholique. Tout ce que je pourrais alors croire concrètement à propos du catholicisme au cours de ma formation intellectuelle et spirituelle chez les Évangélistes me viendrait d’auteurs protestants, certains farouchement hostiles au catholicisme, et d’autres critiques mais positifs.
J’ai obtenu mon Doctorat en philosophie à l’Université de Fordham (1989), établissement tenu par des jésuites où j’ai étudié sous la férule du grand philosophe Thomiste W. Norris Clarke, S.J. C’est le Père Clarke qui m’a guidé dans ma transformation de petit amateur en Thomiste convaincu ; mais c’est par la métaphysique et l’éthique, et non par l’engagement dans l’Église de saint Thomas que j’étais attiré.
En fait j’évitais soigneusement la théologie ecclésiastique et sacramentelle de saint Thomas. Je pensais alors (croyez-le ou pas) que le catholicisme de saint Thomas pouvait être isolé sans risque de ses réflexions philosophiques. De plus je n’avais aucune raison de lire saint Thomas sur ces sujets, persuadé de la faiblesse biblique et historique du catholicisme.
Car ma connaissance intellectuelle du catholicisme me venait d’auteurs non catholiques en qui j’avais confiance.
Au cours des années 1990, après avoir été engagé dans la section philosophie de l’Université du Nevada, à Las Vegas, je commençai à enseigner et à écrire sur des sujets d’éthique pratique et de philosophie politique. Je m’éloignais ainsi de la philosophie de la religion, discipline qui m’avait attiré initialement vers l’étude de la philosophie. Par ce changement de domaine d’intérêt j’ai été attiré davantage par des auteurs catholiques qui semblaient avoir une meilleure approche des sujets philosophiques sous-jacents à de nombreux débats moraux d’actualité.
Je me suis constamment senti touché par la place que les auteurs catholiques donnaient à la philosophie de leur Église sur la personne humaine, et qui abordaient nombre de sujets controversés, y-compris la nature du mariage, l’enfant à naître, la sexualité humaine, la liberté religieuse, et le libéralisme économique.
Les auteurs protestants pouvaient bien citer les Écritures pour soutenir leurs vues sur tous ces sujets, parfois avec une grande pertinence, leurs thèses n’avaient pas l’élégance et la richesse intellectuelle des auteurs catholiques. De plus, l’Église catholique pouvait ancrer solidement ses convictions morales dans l’histoire de la Chrétienté, joignant sa morale théologique à celle de ses prédécesseurs, depuis les premiers chrétiens jusqu’à nos jours, tout en tenant compte de l’évolution authentique des croyances compatibles avec ses premiers enseignements.
D’autre part le protestantisme semblait aisément influencé par les modes culturelles et les mouvements laïques dans la formation de sa théologie morale. Ainsi, par exemple, après que l’Église anglicane eût levé l’interdiction de la contraception en 1930, une génération plus tard, les Évangélistes conservateurs américains soutenaient que la contraception et le sexe hors mariage étaient conformes aux règles bibliques de la Chrétienté.
Regardant en arrière, il me semble évident qu’attiré par l’enseignement de l’Église catholique, puis y adhérant, j’avais commencé à considérer que l’Église est une « institution porteuse de vérité » pour reprendre l’expression de mon ami Hadley Arkes. Évangéliste, je scrutais souvent, comme Hadley, cette Église, ses grands auteurs et les sujets de morale et de philosophie qu’ils traitaient, et parfois j’y trouvais aussi une sagesse théologique. Je réalisai finalement mes erreurs sur ce que je pensais savoir de ces doctrines catholiques qui me retenaient de revenir vers l’Église (c-à-d : justification, pénitence, sainte communion, succession des apôtres). C’est ainsi qu’en la dernière semaine de Mars 2007 je n’avais plus aucun motif à rester, par un schisme, séparé de l’Église catholique.
Les « caholiques de naissance » sous-estiment souvent l’importance d’une solide catéchèse dans le développement intellectuel et spirituel. Mais pour beaucoup d’entre nous qui avons quitté l’Église, attirés par des prairies ecclésiales plus vertes, c’est par son manque puis sa redécouverte dans nos existences que nous avons senti la plus grande différence du monde.
C’est pourquoi le catéchumat est infiniment plus important qu’on ne l’imagine. C’est peut-être la plus élémentaire démarche d’une paroisse pour suivre la directive de Saint Pierre: « Au contraire, traitez saintement dans vos cœurs le Seigneur Christ, toujours prêts à la défense contre quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous. » (1 Pierre, 3:15).
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/catechesis-conversion-and-the-reason-for-the-hope-within-you.html