Ici, à Toronto, il y a eu une catastrophe environnementale. Je m’explique :
Au cours du dernier demi-siècle, depuis que j’étais élève dans un lycée de campagne, et que j’allais en bus à la ville pendant les week-ends, j’achetais des livres sérieux à la bibliothèque de Bob Miller. C’était une des six ou sept qui vendait des classiques et des livres de philosophie récemment publiés – et d’autres volumes intellectuels. C’était la dernière de ces affaires privées qui survivait dans tout Toronto.
Hier, j’ai découvert que leur magasin était en ruines. On emballait les livres ; on cassait les étagères. On aurait pu comparer la scène à une attaque terroriste, mais évidemment, il n’y avait pas de terroristes. C’était seulement l’économie de marché, qui adoptait une autre « solution basée sur le marché ».
Les librairies qui vendaient des livres d’occasion ont également fermé. A une époque, il y en avait une douzaine, juste à deux pâtés de maison, sur Queen street. Maintenant, il n’y en a même pas ce nombre dans toute la surface de la métropole. Je vais épargner au gentil lecteur toute la chronique.
On peut argumenter qu’Internet a rendu obsolètes toutes ces institutions. Allez en ligne, et vous pourrez tout trouver, semble-t-il, et à bas prix. Dix mille textes anciens, hors droits d’auteurs, peuvent même être téléchargés gratuitement. Nous pouvons éviter une longue discussion sur les moyens techniques. La technologie n’est-elle pas merveilleuse, etc.
Voilà une partie de la catastrophe environnementale. La valeur que les gens attribuent à ce qui est gratuit est nulle, bien qu’ils soient capables de faire une émeute si les cadeaux s’arrêtent. Quand ils doivent payer pour de bon, ou faire d’autres sacrifices, ils accordent de la valeur à ce qu’ils ont obtenu.
C’est la nature humaine. Elle ne change pas quand la technologie change ; on ne peut jamais la faire disparaître longtemps. Mais elle peut être corrompue.
Je pourrais aussi vous parler de la catastrophe environnementale dans les media ; Comment je pouvais acheter des journaux sérieux en dehors de la ville, et des journaux intellectuels – carrément dans la rue. Maintenant, tous ces biens sont invisible, en ligne ou, plus probablement, disparus.
Nous avons Facebook, et une pléthore de sites de qualité inférieure, et peu fiables. Et quand les kiosques et les marchands de journaux survivent en tant que franchisés, ils vendent des billets de loterie, des boissons sans alcool et peut-être quelques magasines voyants (et souvent grossiers). Personne ne peut affirmer de façon crédible que le « ton » de notre société s’est amélioré du fait de ces « innovations ».
Est-ce que les objets matériels font une différence dans la vie ? Oui. Ils créent l’environnement. Qui disparaît avec eux. Quelque chose d’autre remplit les trous. Tout ce qui a de la valeur – même le fait de transmettre nos valeurs à notre « siècle d’information » – s’est trouvé aspiré par les « smartphones » que presque tout le monde tripote dans le métro, selon mes observations.
C’est une catastrophe environnementale. Mais ici, je ne parle pas de « ressources durables », mais de notre environnement humain, aspiré dans le cyberespace.
Autre chose, fruit de ma promenade d’hier. Je devais rencontrer un vieil ami dans un restaurant, que nous avons trouvé soudain démoli. Un autre va ouvrir à cet endroit d’après une affiche. Il offrira de la « nourriture organique ». Je garantis que les prix seront plus élevés. Cela aidera à payer le nouveau décor. L’ancien ira à la décharge.
A mon avis, quel gâchis. Périodiquement, chaque restaurant est remplacé. Plus largement, toute la ville est en constante reconstruction. Par gâchis, je veux bien dire gâchis. Pensez à la quantité de matériaux qui servent dans une « rénovation » qui, très vraisemblablement sera détruite dans deux ans.
Tandis que la ville se transforme, elle décline humainement. Elle devient de plus en plus étrangère à ses habitants. Leur boulot aussi devient plus temporaire. Et leurs familles également en fait. Le voisinage, les églises sont vidées, physiquement.
La nature humaine ne change pas, toutefois, c’est pourquoi les promoteurs persistent à donner à leurs nouveaux et monstrueux quartiers ces noms tellement arcadiens. Un désert d’asphalte affligeant s’appellera, disons, « prairies à vues de montagnes ». Il n’y aura ni montagne ni prairie à vingt milles à la ronde. C’est du pur battage publicitaire : des taudis urbains clinquants pour des gens qui rêvent encore de montagnes et de prairies.
Et moi, je dis que c’est une catastrophe environnementale. Il y en a des millions qui se passent autour de nous. Et pourtant aucune ne compte, sauf dans les statistiques.
Je ris amèrement quand, par exemple, on dépense des millions pour remplacer quelque chose d’ordinaire, de simple qui ne se remarque pas esthétiquement, par la toute dernière « technologie verte ». Par exemple, des milliards pour installer le système de transport collectif de pointe, sans émission de gaz, « métro léger », qui aura moitié moins de capacité, et couvrira moitié moins de distance, que les rails de tramways (électriques) qui ont été arrachés il y a une génération. Les nouveaux trolleys (qui coûtent chacun plusieurs millions) serviront désormais de transport public qu’un parking à un autre.
On a élargi les rues pour y faire passer les grosses cylindrées. La puissance par conducteur a augmenté plusieurs fois. Les enfants grandissent sur des trottoirs qui sont des excavations, année après année. Rien de tout cela n’a été pris en compte, sauf après coup.
Tout ceci sous-tend un problème philosophique et théologique, plus profond qu’aucun problème politique ou économique.
Cette éthique de « conservation » dont je me souviens dans mon enfance, a été elle-même transformée en éthique « environnementale », en état constant de propagande commerciale omniprésente.
Il y a des dizaines d’années, les avocats du « progrès » condamnaient les conservateurs qui leur mettaient des bâtons dans les roues. Maintenant, ils ont sécurisé le progrès, et en gèrent les termes à la Orwell.
Partout où l’on voit l’environnementalisme en action, cette éthique révisée implique maintenant le contraire de la conservation. Bien loin d’éliminer le gâchis, la « mentalité verte » l’aggrave. C’est un processus continuel de changement, changement, changement. Les gens eux-mêmes doivent changer avec le changement.
La simple conception de l’environnement a été inversée. Le qualitatif a été remplacé par le quantitatif. L’argument est maintenant qu’il faut éliminer ce qui a été arbitrairement déclaré diabolique : le charbon, le CO2, boire avec des pailles, tout ce qui est cette semaine dans le collimateur. Changez votre style de vie !
Dans l’ancien régime de pensée conservateur, l’environnement était fait pour l’homme. Sous le nouveau, l’homme est fait pour l’environnement.
Cela me désole que le Vatican ait rejoint cette révolution. J’entends cela dans d’incessantes déclarations du pape et des évêques. On nous parle du réchauffement climatique même en chaire. L’Eglise aussi, -le Christ – « doit changer avec son temps ».
16 Août 2019
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/08/16/environmental-catastrophe/