Caroline Pigozzi, grand reporter à Paris Match et spécialisée depuis longtemps dans les affaires d’Église pourrait être soupçonnée d’envisager même ces choses ecclésiales sous l’angle people. Après tout, ce n’est pas forcément déshonorant. Il y a une façon d’approcher les grands hommes – et ma collègue se flatte d’avoir été proche de Jean-Paul II ! – qui les respecte, les fait connaître d’une façon directe, et même aimer par un public qui n’a pas l’habitude de rencontrer chaque jour le pape et ses cardinaux ! Cela fait longtemps d’ailleurs que son hebdomadaire, si populaire en France, est entré au Vatican. J’ai le souvenir, enfant, d’y avoir vu de beaux reportages sur Pie XII dans la familiarité de sa résidence d’été à Castel Gandolofo. Il est vrai qu’au moment de la mort du pape Pacelli, il y eut quelques problèmes avec des photos qu’on pourrait dire volées par le propre médecin, indélicat, du Saint-Père !
Mais en ce qui concerne Caroline Pigozzi, dès que j’ai ouvert son livre intitulé « les robes rouges », j’avoue que j’ai été pris par le récit, les dialogues, n’ayant pas du tout l’impression de céder aux facilités du people. Je dois dire que je suis assez satisfait de son choix, même si l’on peut regretter des absences, mais c’est la loi du genre. A ce propos, je me permettrai une confidence personnelle. Il y a une dizaine d’année, j’avais interrogé le cardinal Jean-Marie Lustiger sur les collègues qu’il considérait comme les plus aptes à prétendre à la redoutable succession de Jean Paul II. Évidemment, notre entretien n’était pas destiné à publication, et c’est en toute confiance que l’archevêque de Paris m’avait soumis trois noms de papabile. J’en ai retrouvé deux dans le livre de Caroline Pigozzi, et je peux d’ailleurs aujourd’hui les nommer. Il s’agit de l’archevêque de Vienne, Christoph Schönborn et de l’archevêque de Chicago, Francis George, dont elle nous dit qu’il est un interlocuteur très écouté du président Obama.
Mais j’ai retrouvé aussi le troisième nom avancé par le cardinal Lustiger, dans le cours de la conversation avec notre compatriote, le cardinal Paul Poupard. Ne parle-t-il pas, en effet, du regretté cardinal Nguyen Van Thuam, emprisonné de 1976 à 1988 au Nord Vietnam, décédé en septembre 2002 alors qu’il présidait le conseil pontifical Justice et Paix. Ceux qui l’ont connu en parlent comme d’un saint et il est possible que sa cause aboutisse quelque jour à la congrégation romaine spécialisée.
Tel était le choix du cardinal Lustiger. Mais Joseph Ratzinger, dira-t-on ! Il n’était pas le candidat de notre archevêque ? Et bien non, du moins pas à ce moment là. Les deux hommes n’avaient que deux ans de différence d’âge et on n’imaginait pas encore que les cardinaux penseraient au préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi. Jean-Marie Lustiger songeait à la génération suivante, ce qui ne l’empêchera pas d’être un soutien très résolu de Joseph Ratzinger au conclave de 2005.
Voilà, j’ai ajouté ma petite pierre à l’ouvrage de Caroline Pigozzi. Je ne puis qu’en recommander la lecture. Il permet de connaître un peu mieux les hommes d’exception qui entourent Benoît XVI. Un autre cardinal, le grand théologien Henri de Lubac, m’affirmait, il y a plus de vingt ans, qu’avec des personnalités comme Jean-Paul II et Jean-Marie Lustiger, l’Église catholique pouvait s’honorer d’être dirigée par de vrais grands hommes dans un monde qui, à son avis, en était trop dépourvu.