Avez-vous jamais entendu parler du peintre catholique Carl Schmitt ? J’imagine que parmi les milliers de lecteurs de cet article, une grande majorité répondrait « Non ». Voici pourquoi je lui consacre ces lignes. Il le mérite.
Parmi les nombreuses preuves de l’authenticité de notre foi se trouve la beauté qu’elle a inspirée au fil des siècles dans les œuvres d’hommes et femmes catholiques en tous domaines de l’art. Pensez, pour la musique, au chant Grégorien, puis à Mozart, Beethoven, et bien d’autres ; en architecture, aux centaines de cathédrales, romanes, gothiques, baroques; en littérature, aux innombrables écrivains, Dante, Cervantes et autres; et, bien sûr, aux peintres, Rubens, Raphaël, Michel-Ange, Giotto, Velasquez, parmi une multitude.
Nous y voici: Toutes ces œuvres de toutes sortes sont le résultat du don de Dieu à l’humanité, nous laissant entrevoir le monde à venir. Et qu’a donc produit l’Église catholique aux États-Unis de valeur artistique durable au cours de ses deux siècles et demi d’existence ?
En littérature, on peut citer d’excellents écrivains, que cite Russel Shaw dans son dernier ouvrage « American Church » [L’Église d’Amérique]. La poussée de romans d’après-guerre fit naître un grand espoir pour la culture catholique. Des écrivains catholiques tel Flannery O’Connor étaient hissés au pavois à côté de Saul Bellow et John Updike. Des catholiques ont obtenu côte-à-côte le prix fort envié « National Book Award », Walker Percy avec « The Moviegoer » [Le spectateur] en 1962 et J.F. Powers en 1963 avec « Morte d’Urban ». Et, oui, et nous avons maintenant le romancier Ron Hansen, mais nous n’avons guère d’œuvres marquantes susceptibles de franchir les siècles, que ce soit en musique, en sculpture ou en architecture.
Ce qui nous mène à Carl Schmitt.
Je me limiterai ici à sa jeunesse (votre curiosité sera satisfaite sur le site et sur la page Facebook qui lui sont consacrés).
La quête artistique de Schmitt commença de bonne heure. Né à Warren (Ohio) en 1889 le jeune Carl, fils du Professeur Jacob Schmitt, musicien et enseignant accompli, et de Grace Wood-Schmitt, fut encouragé à développer ses goûts artistiques et ses dons évidents. Par son amitié avec un photographe de Youngstown, Jimmy Porter, et avec le propriétaire du journal « Warren Chronicle » Zell Hart Deming, il put élargir son domaine d’intérêt. Férue d’art, Madame Deming tenait son salon ouvert aux écrivains et artistes locaux. Détectant rapidement le talent de cet adolescent doué, elle encouragea ses ambitions et l’aida à financer ses études à New York dès l’âge de dix-sept ans.
Schmitt commença ses études à l’École Chase, où William Merritt Chase enseignait encore, et où Robert Henri était le personnage dominant. L’année suivante il s’inscrivit à l’Académie Américaine de Design et y étudia plusieurs années avec Emil Carlsen. Schmitt était un excellent élève, étudiant intensément les bases de la couleur, du trait et des formes, et acquérant une profonde compréhension de leurs propriétés et de leur interaction. Chaque année on lui attribua le prix du meilleur tableau. Il respectait immensément ses maîtres, particulièrement Carlsen, et conserva toute sa vie des notes prises au cours de ses études. Néanmoins Schmitt était décidé à voler de ses propres ailes. Carlsen lui avait offert des cours particuliers, mais les fermes convictions de Schmitt l’entraînèrent sur une autre voie.
Il voulait comprendre « l’énergie cachée derrière les arts, et que nul ne pouvait expliquer en termes scientifiques ». Plus tard, il expliquait les trois principes qui le motivaient: « On peut résumer ainsi ma philosophie: d’abord, accepter de Dieu avec gratitude tout ce que je peux recevoir. Ensuite rendre à Dieu en donnant à mon prochain tout ce que je peux offrir. Enfin, pour donner à mon prochain je dois faire appel à l’art, car il faut créer le don — donc, il me faut être un artiste.»
Et par ses toiles il concrétisa ses paroles. Le protestant Terry Teachout, critique théatral au « Wall Street Journal » et critique culturel de la revue « Commentary » le marque bien:
« Évidemment, on n’a nullement à s’interroger sur la qualité fondamentale de l’œuvre. Je ne crois pas qu’on puisse regarder ses tableaux, spécialement ses dernières natures mortes, sans éprouver la profonde émotion de la découverte d’un maître inconnu, d’un Chardin moderne, j’étais foudroyé — il n’y a pas d’autre mot.»
Si vous aimez l’illustration de cet article, allez l’admirer à la « National Portrait Gallery » de Washington.
Oui, l’Amérique catholique a un artiste de génie, il s’appelle Carl Schmitt. Et familiarisez-vous avec sa philosophie et sa théologie dans l’ouvrage « Carl Schmitt. The Vision of Beauty » (éditions Scepter, disponible chez amazon.com).
Le Père C. J. McCloskey est historien de l’Église, et chercheur à l’Institut Faith and Reason [Foi et raison] à Washington.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/carl-schmitt-and-the-vision-of-beauty.html