Que la renonciation de Benoît XVI, la venue des cardinaux à Rome, et la tenue du conclave coïncident avec le temps du carême, ne peut que correspondre à une intention très claire du Saint-Père. L’élection d’un nouveau pape et ce qui la précède en fait de concertation est d’un ordre spécifique, qui s’articule sur le rythme de la prière et de la disponibilité à l’Esprit. C’est peut-être difficile à admettre pour ceux qui voient les choses sous un mode purement politique, en supputant de la diversité des sensibilités et de l’éventuel partage des camps. C’est vrai que cette fois, les stratèges sont plus en peine de tabler sur les divisions du Sacré Collège. Il y a profonde unanimité des cardinaux du monde entier sur les objectifs de l’Église et ce qu’on pourrait appeler le profil du futur successeur de Pierre.
Lors de l’homélie qu’il a prononcée le Mercredi des Cendres, le pape a dessiné les grandes lignes de cet étonnant carême, en soulignant d’abord la primauté de l’unité et de la communion qui permettent de dépasser les divisions, les individualismes et les rivalités. Il insiste aussi sur l’essence propre de la responsabilité suprême : « Le vrai disciple ne se sert pas lui-même ou le public, mais son Seigneur, dans la simplicité et la générosité. (…) Notre témoignage sera alors toujours plus incisif, lorsque nous chercherons moins notre gloire et que nous serons conscients que la récompense de ce qui est juste est Dieu même. »
Voilà qui me rappelle un souvenir direct du cardinal Ratzinger, qui remonte à une quinzaine d’années. Le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi était reçu à l’Institut de France par Jean Foyer qui présidait l’Académie des sciences morales et politiques. À la fin de sa magnifique conférence sur la notion biblique d’Alliance, l’historien Pierre Chaunu lui posa une question, en se présentant lui-même comme « un humble serviteur de l’Évangile ». Voulait-il souligner la distance qui le séparait de l’hôte prestigieux auquel il s’adressait ? Le cardinal lui répondit sur le champ : « M. le Professeur, nous sommes tous d’humbles serviteurs de l’Évangile. » Déjà alors, c’était la conviction la plus profonde du futur pape. Il s’est toujours considéré, pour reprendre une autre expression, « l’humble ouvrier dans la vigne du Seigneur ». Serviteur des serviteurs, le successeur de Pierre ne recherche pas le pouvoir, il s’identifie à celui qui est venu donner sa vie pour tous.
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 18 février 2013.
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