Le cycle liturgique nous fait revivre chaque année le même parcours, qui nous ramène aux étapes et aux textes qui, depuis les origines, déterminent le développement de la vie chrétienne. Ce n’est pas du ressassement, c’est au contraire un exercice spirituel qui oblige à sortir de soi-même, de ses habitudes et conformismes, ses préjugés, pour se remettre en cause, dans un décapage nécessaire. De ce point de vue, l’évangile du premier dimanche de Carême intervient toujours comme un moment privilégié, en nous confrontant au récit des tentations du Christ au désert. Benoît XVI dans son commentaire, au moment de l’Angelus, n’a pas manqué de souligner des traits qui font toute l’actualité de cette mise à l’épreuve, en présence du Tentateur lui-même. Ne l’oublie-t-on pas un peu trop souvent, celui-là ? On en nie même l’existence, ce qui est un comble eu égard au scandale du mal dans l’Histoire !
Le Tentateur a même la liberté de « déstabiliser » le Fils de Dieu, ce à quoi il ne parviendra pas, évidemment. Mais c’est la volonté de Dieu lui-même qui a permis cette rencontre, le Christ prenant sur lui toute notre condition, « hormis le péché » bien sûr, mais non sans affronter le Malin, celui qui s’oppose à notre salut et que seule la grâce du Rédempteur peut réduire à l’impuissance. Saint Luc nous dévoile la stratégie satanique, qui vise à toucher ce qui en nous est le plus sensible à des manœuvres d’enveloppement et de séduction. Tout d’abord, la satisfaction de notre être sensible, prêt à basculer dans la jouissance, au mépris de notre destinée surnaturelle. Mais c’est sans doute le premier degré de la tentation, au fond le moins subtil.
Autrement décisif apparaît l’attrait du pouvoir, ce que les philosophes appellent la volonté de puissance, celle qui nous rend « comme des dieux », selon la Genèse. Dans la même ligne, la troisième tentation conduit au terme du processus, en proposant à cette volonté l’illusion d’agir sur Dieu lui-même ! La réponse cinglante de Jésus : « Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu » marque la défaite du démon. Mais c’est à nous que l’évangile s’adresse pour actualiser la leçon. En temps de crise, il y a peut-être un sens particulier aux tentations. N’est-ce pas le goût immodéré de la consommation, de la course effrénée à la puissance et, subrepticement, le désir d’effacer Dieu de la vie sociale, en se faisant législateur suprême soi-même qui constituent les ressorts profonds de la tourmente mondiale ? En ce cas, notre Carême prendrait une dimension singulière, en obligeant à envisager par le haut toutes les causes d’une crise qui, ainsi que l’indique l’étymologie du mot, conduit à un jugement radical quant à nos responsabilités.
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