Carême : baptême et pénitence - France Catholique
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Carême : baptême et pénitence

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Au cœur de la réforme liturgique voulue par le concile Vatican II, on trouve le mystère pascal, la rédemption obtenue par la Passion du Christ, sa mort, sa résurrection et son Ascension, par laquelle « mourant, il détruit la mort, et ressuscitant, il nous rend la vie ». Comme un joaillier taillant un diamant brut, le Concile a cherché à exposer la rayonnante splendeur du mystère pascal à travers « la réforme et la promotion » de la sainte liturgie. A cette fin, les rites ont été revisités et les textes reformulés, à la fois « pour exprimer plus clairement les choses saintes qu’ils signifient » et pour assurer  » la pleine et active participation de tous les fidèles » dans leur adoration du Dieu tout-puissant.

Parmi les temps de l’année liturgique, la Constitution du Concile sur la Sainte Liturgie donne une attention détaillée au Carême pris isolément parce qu’il existe spécifiquement pour préparer les fidèles à la célébration annuelle du mystère pascal. Le Carême, a écrit Saint Léon le Grand, est « une sainte retraite de quarante jours durant laquelle nous cherchons à recouvrer la pureté de l’âme. » En imitation du Christ, le Carême nous appelle dans un désert spirituel où nous nous concentrons plus intensément sur notre conversion personnelle – évacuant le vieil homme chargé de péchés pour faire place au Christ et recevoir les grâces promises pour Pâques.

Pour atteindre ce but, le Carême a deux éléments principaux : la préparation au rappel de notre baptême et la pénitence. La Constitution déclare que « la liturgie et la catéchèse liturgique devraient mettre l’accent sur ces deux éléments ». En particulier, elle recommande le rétablisssement des éléments baptismaux dans la liturgie du Carême et la pratique de la pénitence, qui est à la fois individuelle et sociale dans sa renonciation au péché comme offense contre Dieu.

Cinquante ans après le Concile, ces efforts n’ont pas encore abouti à révéler la pleine splendeur du mystère pascal aux fidèles. La lacune provient d’une part de l’effondrement inattendu de la pénitence, qui a été décriée par la psychologie populaire au point de sembler plus un mal elle-même qu’un remède au mal. Dans le même temps, le péché semble avoir rétréci dans l’esprit de beaucoup de catholiques, et sans péché, il n’est sûrement nul besoin de repentance. Il en est résulté que la pénitence sacramentelle de la confession a été oubliée, la pratique sociale de la pénitence voulue par le Concile n’est jamais arrivée, et le jeûne, acte traditionnel de pénitence, a été réduit à une pratique facultative.

Pour que le mystère pascal brille de nouveau dans la vie des fidèles, les deux éléments du Carême – le baptême et la pénitence – doivent être vécus ensemble. A travers la pénitence, nous nous rappelons le mal du péché et la nécessité de la grâce divine du salut. Cette grâce est reçue dans le baptême et renouvelée à chaque confession et à chaque eucharistie. Le baptême et et la pénitence sont des réponses surnaturelles à l’appel à faire mourir le vieil homme et à vivre avec le Seigneur à Pâques. Comme Saint Paul le disait aux Corinthiens, « si quelqu’un est en Christ, il est une créature nouvelle ; le monde ancien s’est est allé, un monde nouveau est déjà né. » (2 Cor 5/17)

Le saint temps du Carême est né d’une sorte de circumincessio (pénétration réciproque) spirituelle entre le baptême et la pénitence. La pratique du baptême a commencé avec Jean sur le bords du Jourdain, où il prêchait « un baptême de repentance pour le pardon des péchés ». Jean enseignait qu’afin de préparer le chemin du Seigneur, ses auditeurs devaient se repentir – reconnaître leurs fautes et s’en détourner. Quand ils étaient baptisés dans l’eau, ils confessaient leurs péchés, et ils entendaient parler d’un plus puissant qui viendrait les baptiser avec l’Esprit-Saint.

Dans un passage pénétrant, Saint Paul situe l’acte de repentance et la renaissance apportée par le baptême dans le mystère pascal. « Ne le savez-vous donc pas ? Nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, c’est dans sa mort que nous avons été baptisés. Si, par le baptême dans sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, de même que le Christ, par la toute puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts. » (Rom 6:2-4)

Dans l’analyse de Paul, le baptême est notre lien direct avec Pâques. Le Christ nous a appellé à la repentance et au baptême avant de s’offrir lui-même en sacrifice sur la Croix pour notre salut. Il a déclaré aux fils de Zébédée que ce sacrifice serait son baptême et qu’à travers lui il descendrait dans les profondeurs du péché et surgirait victorieux de la mort. Par le baptême, notre vieil homme pécheur est plongé dans les eaux sanctifiées par la mort du Christ si bien que nous mourons avec lui. Mais par la manifestation de la gloire de Dieu dans sa résurrection, le Christ révèle la vie nouvelle promise à ceux qui croient quand ils émergent purifiés des eaux baptismales avec une nature nouvelle « créée sainte et juste dans la vérité, à l’image de Dieu ». (Eph 4:24)

Avant de pouvoir commencer la nouvelle vie promise par le baptême, nous devons d’abord rejeter le péché. L’Eglise primitive préconisait à ceux qui demandaient le baptême de manifester leur repentance intérieure par le jeûne, la forme chrétienne la plus répandue de la pénitence extérieure. La Didachè (NDT : livre de spiritualité chrétienne rédigé en grec à la fin du premier siècle) recommandait un jeûne avant le baptême, tant pour le baptiseur que pour le futur baptisé, avec une durée de jeûne d’un ou deux jours. Saint Justin, martyr, a décrit un jeûne commun à ceux qui demandaient le baptême comme à ceux qui les recevaient dans l’Eglise. Tertullien, pareillement, exhortait à se préparer au baptême par des prières et des jeûnes

Le baptême et la pénitence sont donc les piliers sur lesquels s’appuie le Carême. Comme deux supports essentiels de la pratique chrétienne, ils recèlent pour les fidèles les aspects essentiels du mystère pascal : le péché, la souffrance, la mort, la repentance, la grâce, le pardon, la renaissance, la vie éternelle. Conscients de ces éléments, les fidèles accomplissent leurs oeuvres de pénitence comme un chemin pour mourir à soi-même et mourir avec le Christ, avec l’espérance de renaître spirituellement à la vie nouvelle qui est magnifiquement symbolisée par l’eau baptismale de Pâques.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/lent-baptism-and-penance.html


David G. Bonagura enseigne la théologie au séminaire Saint Joseph, à New-York.

Illustration : la prédication de Jean-Baptiste, par Pierre Brueghel l’Ancien (1(66)