Camus face au terrorisme - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Camus face au terrorisme

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Je salue Yves Briend qui est mon éditeur. Je sais qu’il a beaucoup d’admiration pour Albert Camus, ce qui nous fait un point commun et remet aussi en perspective notre itinéraire dans la vie. Qu’il ait été récemment en Algérie et qu’il y ait retrouvé les traces de l’écrivain, mort il y a 50 ans, me touche particulièrement. Dans mon souvenir, la mort de Camus est associé à deux autres disparitions: celle de Gérard Philippe, le sublime acteur mort quelques semaines auparavant et celle du campionissimo italien Fausto Copi mort deux jours avant Camus. Tous les trois étaient emblématiques d’une génération à laquelle, en art, en sport, en littérature, ils avaient apporté comme une commune élégance. Mais c’est surtout Albert camus qui m’était proche, à cause de ses livres que je commençais à lire, et aussi de son implication dans le drame algérien que nous vivions alors intensément.

Il y avait aussi la grande querelle avec Sartres. D’évidence, je me sentais beaucoup plus d’affinités avec l’auteur de L’homme révolté qu’avec celui de L’être et le néant. Camus, en bon disciple de Dostoïevski, avait tout compris des Possédés modernes et des ressorts de la terreur au vingtième siècle. Sartres, qui n’avait rien vu de la montée du nazisme avant-guerre, alors qu’il était en Allemagne, et qui n’avait pas fait grand chose pendant la guerre, pouvait bien rattraper le temps perdu en ralliant la cause de toutes les révolutions. Il allait de bévue en bévue, même s’il avait le soutien de l’inteligentsia, au moment où celle-ci méprisait tant l’homme qui avait dit non à la terreur, celle qui prétendait s’identifier à la cause de la justice.

A ce propos, Camus avait prononcé au moment de sa réception du prix Nobel des propos que beaucoup ne lui avaient pas pardonnés. Des propos qui continuent d’ailleurs à être passionnément commentés. J’en veux pour preuve une page entière du Monde de samedi, où deux tribunes reprennent cette formule provocante pour la contester à l’infini: « J’ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s’exerce aveuglément dans les rues d’Alger par exemple, et qui un jour peut frapper ma mère ou ma famille. Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice. » C’est surtout « la mère avant la justice » qui avait provoqué le déni et la colère. Du coup, on en avait oublié le terrorisme. Et c’est toute la question. Qu’est ce qu’une justice qui paraît justifier le meurtre de l’innocent ?

Je sais bien que Camus, qui avait improvisé sa réplique, l’avait aussi voulue provocatrice, en mettant en cause ce qui motivait généralement l’engagement des intellectuels. Cette belle et grande justice qui est bien sûr une vertu cardinale. Mais lui, le pied-noir déchiré par la guerre civile qui ensanglantait sa terre natale faisait une objection que j’appellerais lévinassienne, du nom du philosophe Emmanuel Lévinas. Qu’est ce qu’une justice qui ne prend pas en compte le visage? Le visage du plus prochain, du plus lointain, le visage du pauvre et de la victime? Oui, Camus aimait la justice, mais sa justice à lui ne justifiait pas le terrorisme aveugle et le meurtre de l’innocent. Quel que soit le camp du terroriste et quel que soit l’appartenance de la victime. Non, la formule de Camus ne visait pas seulement sa situation filiale, elle avait une portée universelle.

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