Tout d’abord un aveu, moi aussi. Hier matin, j’ai reculé devant l’idée de me joindre au concert de mes collègues éditorialistes, dans une commune indignation face aux mensonges reconnus par Jérôme Cahuzac. Oui, c’est vrai que je répugne à accompagner l’hallali à l’encontre d’un homme à terre. Loin de moi la pensée de justifier, de quelque façon, l’attitude d’une personne occupant la place qui était la sienne et devant faire face aux obligations de ses fonctions. Je ne sous-estime nullement la gravité des faits et la crise morale dans laquelle se trouve plongé le pouvoir. Mais je ne puis échapper au côté humain, si humain, d’une pareille dérive. Je lis et relis ce qu’a écrit Jérôme Cahuzac sur son blog. L’homme y explique sa dérive, comment il s’est lui-même enchaîné à un processus de mensonge dont il ne pouvait plus se dépêtrer : « J’ai mené une lutte intérieure taraudante pour tenter de résoudre le conflit entre le devoir de vérité auquel j’ai manqué et le souci de remplir les missions qui m’ont été confiées et notamment la dernière que je n’ai pu mener à bien. J’ai été pris dans un spirale de mensonge et m’y suis fourvoyé. Je suis dévasté par le remords. »
Si coupable soit-il, Jérôme Cahuzac n’en est pas moins sincère dans ses aveux. Et là-dessus, il rejoint notre commune humanité. Quel beau roman Honoré de Balzac aurait-il pu composer à partir d’un tel destin ! Il aurait sans doute mis en évidence l’amplification d’une faute, celle d’un homme d’affaire ordinaire qui devenant un homme public, un ministre de premier plan, se trouve propulsé à une dimension supérieure. Le trafic d’un homme privé, presque banal eu égard aux mœurs de tout un milieu, devient une affaire d’État. Elle est dévastatrice pour les autorités : président de la République, Premier ministre, gouvernement, Parti socialiste. L’homme Cahuzac a été pris dans une spirale infernale, dès lors que son forfait personnel s’imbriquait dans la machine de l’État. À la fois terriblement coupable et en même temps victime de sa machination infernale, il ne pouvait se libérer que par l’aveu de sa misère et aussi de sa détresse. Je ne plaiderai pas l’indulgence mais, tout de même, en faveur d’une interrogation sur la valeur de nos indignations qui sont des indignations humaines, très humaines.
Chronique lue sur radio Notre-Dame le 4 avril 2013.