En mettant fin à l’émission « Ça se dispute ! », la chaîne d’information i-Télé a fait un déçu en mon humble personne. Pardon, mais je raffolais de ce face-à-face hebdomadaire qui bravait les conventions de la langue molle et nous montrait ce que discuter veut dire. J’avais de plus des motifs personnels pour m’intéresser aux deux interlocuteurs. Éric Zemmour, je le connais de longue date, pour avoir été son collègue au Quotidien de Paris des années 80. Il représentait ce qu’il y avait de vif, d’intelligent et d’un peu décalé dans le journal dirigé par Philippe Tesson. Nicolas Domenach, je ne le connais pas, mais j’ai, en revanche, bien connu son papa, l’écrivain Jean-Marie Domenach, qui fut le second successeur d’Emmanuel Mounier à la revue Esprit. En écoutant le fils, j’avais parfois l’impression d’entendre le timbre de voix du père et aussi une parenté d’éloquence. Je mesurais secrètement, le décalage intellectuel évident de Nicolas par rapport à Jean-Marie, qui protestait à mon oreille.
Je n’oublie pas le motif de la querelle qui a amené i-Télé à cesser une expérience de plus de dix ans. Elle a enflammé tout le week-end les sites des journaux et les réseaux sociaux. On peut avoir le sentiment qu’Éric Zemmour a été piégé par le journaliste du Corriere della Sera qui, en utilisant frauduleusement le terme de « déportation » dans un entretien avec mon confrère, a donné lieu à ce qu’on appelle un dérapage. Les adversaires ont pu crier que Zemmour voulait déporter hors de France cinq millions de musulmans. Ce que lui-même nie, en excluant toute possibilité de chasser des citoyens français hors du territoire national. Mais en faisant manœuvrer l’auteur du Suicide français sur un terrain ultra-sensible, l’Italien l’a mis en grand danger. Les adversaires n’attendaient que cela pour réclamer la mort journalistique et publique de celui qu’ils exècrent. Je suis d’avis avec Jean-Luc Mélenchon qu’ainsi ils ne rendent pas forcément service à leur propre cause. Ce n’est pas en neutralisant un adversaire, même redoutable, qu’on a raison de lui. Le mieux serait d’être à son niveau dialectique et d’être capable de lui répondre. C’est capituler que de réduire au silence un interlocuteur qui vous fait peur.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 22 décembre 2014.