Il paraît que le slogan « c’était mieux avant » s’annonce comme une des ritournelles de la campagne présidentielle. J’avoue que j’ai toujours été réservé à l’égard de cette formule. Dans l’absolu, elle est évidemment critiquable et on pourrait lui opposer une autre formule de l’historien Jacques Bainville : « Tout a toujours très mal marché. » Et pourtant Bainville était plutôt considéré comme réactionnaire.
Tout est affaire de sensibilité et surtout d’insertion dans le temps. Ceux qui ont vécu les tragédies des deux guerres mondiales pouvaient non sans quelque raison estimer que c’était mieux avant. Par ailleurs, on oublie un peu vite que les mouvements révolutionnaires de l’histoire étaient hantés d’une très forte nostalgie du passé. Les révolutionnaires de 1789 avaient la nostalgie de la République romaine, les bolchéviques de 1917 ne rêvaient que de reproduire la Convention de 1793.
Au lendemain de la Libération, une polémique est née entre ceux qui comme Georges Bernanos, craignaient « une civilisation des robots » et ceux qui comme Emmanuel Mounier dénonçaient ce qu’il appelait « la petite peur du XXe siècle », c’est-à-dire la défiance à l’égard de la civilisation industrielle. Pourtant il s’agissait de deux chrétiens, catholiques. Leurs sensibilités politiques n’en étaient pas moins contraires.
Alors, faut-il choisir entre optimistes et pessimistes ? Le même Bernanos avait une formule cruelle pour ceux qu’il appelait « les imbéciles joyeux » et « les imbéciles tristes ». Y a-t-il une bonne posture à définir entre les uns et les autres ? Je n’en suis pas persuadé. Sauf à ériger l’espérance au-delà des désespoirs amers et des espoirs fallacieux.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 20 décembre 2021.