C’est un truc de catho ? - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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C’est un truc de catho ?

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Tom, chef de projet en développement agricole international, et Taylore, secrétaire dans un cabinet d’avocats, se sont rencontrés dans un restaurant italien à Columbia Heights, dans le Maryland. La rencontre a été organisée par le « Date Lab » (« Laboratoire des rendez-vous ») du Washington Post, qui forme des couples entre inconnus volontaires. Les deux ont 26 ans. Tom vient de Chicago, Taylore, de Long Island. Tous deux ont également « grandi » dans le milieu catholique.

Tom raconte : « Je viens d’une communauté irlandaise très catholique, et nous avons reçu une éducation très similaire. Nous avons échangé autour de la culpabilité catholique que nous avons connue et comment nous évitons de retomber dedans maintenant. » Taylore explique au Post qu’elle a apprécié l’humour catholique de Tom. « On ne parle pas de nos émotions. On aime bien les refouler profondément, » lui a-t-il dit. Elle remarque en riant : « Je suis à peu près sûre d’avoir entendu ma mère dire ça. »

Tom et Taylore ont tous deux été encouragés à quitter le nid familial où ils avaient grandi pour déployer leurs ailes et devenir de jeunes adultes indépendants. Taylore commente : « Nos parents voulaient que l’on trace notre propre chemin dans le monde. C’est un truc de catho. »

Ah bon ?

Oui, j’imagine bien que beaucoup de parents catholiques ne veulent pas que leurs enfants dépendent d’eux ad vitam. Mais n’est-ce pas le cas de la plupart des parents ? Est-ce que les parents protestants, juifs ou musulmans réinstallent leurs enfants chez eux à vingt, trente ans, plus volontiers que les parents catholiques ?

Je n’ai trouvé aucune étude ou preuve anecdotique pour étayer une telle affirmation. Y a-t-il dans l’enseignement catholique quelque chose qui rend les parents plus enclins à pousser leur progéniture dehors dans la jungle ? Peut-être que la parabole du fils prodigue parle en fait de cette indépendance à prendre, loin de la maison. Le fils aîné ne pèche pas parce qu’il s’indigne honteusement, mais parce qu’il vit encore chez ses parents !

Au fil des années, j’ai remarqué qu’il y a beaucoup de catholiques qui s’apitoient ensemble sur des expériences et des traditions variées, supposément universelles pour nous papistes. Certaines, comme la culpabilité catholique, sont effectivement très partagées. Existe-t-il une autre religion qui exige de ses adeptes qu’ils aillent régulièrement voir un clerc pour confesser leurs péchés, et qui fournit même un manuel bien commode qui détaille soigneusement toutes les façons dont ils ont pu offenser Dieu ?

D’autres traditions soi-disant catholiques semblent un peu moins avérées.

Comme le fait de ne pas parler de nos sentiments ; c’est moins « un truc de catho » qu’une affaire de génération. Nous en sommes à l’ère thérapeutique, où l’on estime qu’il est sain de discuter de nos sentiments, et même nécessaire. Notre élan religieux en a été affecté, ce que le sociologue Christian Smith a appelé « le déisme thérapeutique moral ».

Cela signifie que nous comprenons notre relation au divin ou au transcendant à travers un prisme thérapeutique qui donne la priorité à nos sentiments et à nos désirs sur la vérité objective. La religion, nous dit-on, est intrinsèquement subjective, il s’agit donc de nos émotions et de savoir si une expérience religieuse les satisfait.

Les générations plus anciennes, en revanche, moins influencées par la psychologie moderne (et plus rompues à la souffrance), ne se considéraient pas sous des angles cliniques, et étaient moins susceptibles de penser que la religion (par exemple) devrait satisfaire leurs émois.

Bien sûr, je n’aborde que la partie émergée de l’iceberg, s’agissant des prétendues habitudes et traditions catholiques.

J’ai entendu dire que les catholiques étaient des dogmatiques rigides parce qu’on leur a appris à ne pas remettre en question leurs croyances (c’est évidemment une caricature, et il y a nombre de preuves qui démontrent que les non croyants peuvent être aussi fermés d’esprit que les croyants).

J’ai aussi entendu que les catholiques étaient « obsédés par le sexe » (ahum, dites-moi quelle culture ne l’est pas, s’il vous plaît).

On dit que les catholiques vénérateurs de statues et accros au chapelet décontenancent par leur superstition. (D’accord, M. Pierres-d’énergie-dans-la-poche et Mme Attrapeur-de-rêves-sur-le-rétroviseur.)

Le Bon Soldat, roman de Ford Madox Ford écrit en 1915, comporte beaucoup des caricatures catholiques répandues dans l’Angleterre de la fin XIXe, début XXe siècle, hostile à l’Église. Le narrateur y assène : « Les papistes continentaux sont une bande sale, joviale et sans scrupules. Mais, au moins, cela leur permet d’être opportunistes. » Il observe que les catholiques ont de « curieuses manies de secret ». Un personnage féminin catholique est accusé d’espionner secrètement le compte bancaire de son mari à son insu. Et le narrateur de dire : « Elle n’était pas catholique romaine pour rien. »

Les protestants anglais pensaient que les catholiques recevaient un enseignement cynique des arts de la casuistique, qui en contexte britannique était souvent décrit comme jésuitique — une accusation souvent portée contre l’éminent converti Saint John Henry Newman. Le narrateur de Ford explique que, par extension, les catholiques ont appris que les excès sexuels des hommes « sont naturels, excusables ». (On se demande, si on est toujours dans l’hypothèse de la culpabilité catholique universelle, les hommes doivent se sentir coupables de ces badinages.) Ford écrit que les femmes, d’un autre côté, sont contraintes par l’enseignement catholique à une vie de rigidité morale et de malheur.

Pourtant, la description la plus appropriée peut-être des catholiques dans le grand (bien qu’inquiétant) roman de Ford est celle-ci : ils sont « sentimentaux ». Avec nos amis Tom et Taylore en tête, ça m’a fait rire. Peut-être que le narrateur, un Américain aristocrate anglophile, avec un flegme britannique, avait entendu parler des veillées funéraires des catholiques irlandais, ainsi que de leur légendaire deuil, alcoolisé et passionné.

Oui, il y a des traits psychologiques ou sociologiques plus courants chez les catholiques que chez d’autres catégories démographiques. Pour autant, une grande partie de ces soi-disant « trucs de catho » ne sont peut-être rien de plus qu’une insulte gratuite. Peut-être est-ce pour certains — catholiques tièdes, non pratiquants ou non-catholiques — une manière de tourner en dérision ce qu’ils n’aiment pas dans l’Église. Ou peut-être est-ce une manière pour eux d’expliquer un comportement qui aurait plus à voir avec eux (et leur propre éducation particulière) qu’avec le catholicisme. « J’ai du mal à maîtriser ma colère… c’est, euh… un truc de catho. »

Tom et Taylore étaient tous deux assez satisfaits de leur rendez-vous cocktails et « cuisine italienne simple ». Tom l’a noté 4,5 [sur 5], et Taylore, elle, 5. Par la suite, Taylore a contacté Tom par SMS. Le « Date Lab » du Washington Post signale cependant qu’il n’y a pas eu de second rendez-vous. Insatisfaits même d’un bon rendez-vous, ils ne veulent apparemment pas se contenter de moins que la perfection.

Peut-être que c’est un truc de catho, ça aussi ?