Bulletin Acip du 12 mai - France Catholique
Edit Template
Marie dans le plan de Dieu
Edit Template

Bulletin Acip du 12 mai

Copier le lien

Extrait du bulletin de l’Agence de presse Acip

L’événement – 1

par Serge Plenier

Enseigner l’esclavage ?

En annonçant que « la traite des Noirs, l’esclavage et leur abolition » seraient enseignés dans le primaire, Nicolas Sarkozy a sans doute voulu rebondir sur l’un de ses domaines favoris : celui de la mémoire.
Une telle annonce ne laisse cependant pas d’être étrange. Après tout, cela fait beau temps que les enseignants parlent de la traite des noirs à leurs élèves, aussi bien au collège ou au lycée. La description du commerce triangulaire est abordée chaque fois qu’il est question du XVIIIème et du XIXème siècle. De même, l’étude ou la lecture de la nouvelle « Tamango » de Prosper Mérimée (qui raconte la révolte de la « cargaison » sur un navire négrier), est tout à fait banale, de même que certains textes de Montesquieu. Enfin, le sujet est officiellement intégré dans les programmes scolaires depuis 2002. On peut donc se demander quelle sera la portée réelle de la mesure annoncée par le chef de l’Etat.
Rendre obligatoire l’étude de l’esclavage paraît difficilement contestable. Après tout, il s’agit bien d’une période sombre au cours de laquelle les puissances occidentales pratiquèrent à grande échelle l’asservissement et le commerce d’êtres humains. Ici l’histoire rejoint l’instruction civique élémentaire. Et puis, principalement dans les DOM-TOM, vivent nombre de descendants d’esclaves chez qui la mémoire de l’esclavage demeure forte. Leur rendre justice est hautement légitime.
Mais s’agit-il seulement de mémoire ? L’esclavage et son abolition sont des faits historiques qui doivent être étudiés comme tels, c’est-à-dire dans leur contexte propre. Ce sont également des faits complexes. On ne peut isoler la traite européenne des traites précédentes ou simultanées qui furent le fait d’autres populations, notamment musulmanes. On voit déjà la difficulté d’enseigner cette réalité à de jeunes élèves qui n’auront pas forcément le recul nécessaire. On peut d’ores et déjà imaginer les difficultés à craindre dans une classe où cohabitent des enfants d’origine maghrébine et d’autres, plus directement touchés par la question.
Mais il y a aussi l’écueil symétrique. L’histoire n’est pas le lieu d’un affrontement manichéen. Entretenir une victimisation permanente avec son corollaire, un besoin fallacieux de revanche, serait tout aussi nuisible, sinon plus. Aujourd’hui, que l’on soit blanc ou noir, personne n’a connu l’esclavage, ni n’a connu de personne l’ayant vécu.
Enseigner l’esclavage, oui, mais l’enseigner vraiment comme un moment de l’histoire, avec toute la rigueur que cela implique.


L’evénement-2
par Jean Étèvenaux

Liban : l’irrésistible ascension du Hezbollah

Les présentations des médias mettant sur le même plan Hezbollah et majorité parlementaire libanaise ne doivent pas cacher la gravité de la situation au pays du Cèdre. Un groupe minoritaire est en train de grignoter petit à petit le pays avec l’aide décisive de ses alliés iranien et syrien. Et tout ceci s’effectue au détriment de la majorité d’un pays qui ne veut pas voir revenir les luttes de factions et qui croit à l’ouverture et à la tolérance.
Dernière grande force politique à s’organiser au Liban, le Hezbollah jouit d’une extraordinaire popularité depuis deux ans. Après s’être attribué le mérite de l’évacuation du Sud-Liban par Israël en 2000, il a réussi, six ans plus tard, à lui tenir tête, ce que son leader Hassan Nasrallah a transformé en grande « victoire divine » ― terme constituant opportunŽment lÕexacte signification de son patronyme ! Surtout, il en a retirŽ une aura plus gŽnŽrale, car, comme lÕa Žcrit lÕan passŽ GŽrard de Villiers dans Rouge Liban, il a « remplacé Oussama Ben Laden dans le cœur des sunnites ». En dÕautres termes, quoique appartenant ˆ la minoritŽ chiite thŽoriquement mŽprisŽe et mme combattue par la majoritŽ sunnite ― comme lÕont montrŽ les rŽcents combats entre milices sunnites et chiites ˆ Beyrouth ―, il est celui sur lequel se sont concrtement transfŽrŽes toutes les frustrations et toutes les espŽrances de ceux qui ne rvent que de la destruction dÕIsra‘l. Il appuie sa force sur une nouvelle forme de clientŽlisme, diffŽrente des pratiques claniques libanaises, mais au moins aussi efficace : il accorde ˆ tous ses affidŽs et sympathisants une assistance trs concrte.
Le Hezbollah est devenu un État dans l’État. D’abord, il contrôle des zones, notamment à Beyrouth et à Tripoli, dans lesquelles règne son ordre, avec son propre système de sécurité ― comme lÕa ŽprouvŽ rŽcemment ce reprŽsentant du parti socialiste franais enlevŽ quelques heures puis rel‰chŽ sans explication. Ensuite, il a des agents ˆ lui et des sympathisants actifs qui le renseignent utilement. Enfin, plus rŽcemment, il a mis en place des infrastructures parallles ˆ celles de lÕƒtat libanais susceptibles de prendre son relais le moment venu. On vient ainsi de dŽcouvrir son systme propre de tŽlŽsurveillance ˆ lÕaŽroport de Beyrouth ― et un autre au niveau national.
Tout cela dément les affirmations constamment répétées d’Hassan Nasrallah, qui prétend ne rien vouloir faire contre l’État libanais. En réalité, c’est lui qui non seulement n’hésite pas à porter le fer et le sang au sein de la population libanaise mais qui bloque le système institutionnel : avec ses alliés ― dont le gŽnŽral chrŽtien Michel Aoun, ancien champion de ceux qui refusaient la mainmise syrienne, mais aussi des sunnites du Nord, des alaouites proches du prŽsident syrien et la milice Amal du prŽsident du Parlement Nabih Berri, mouvement dont est issu Hassan Nasrallah ―, il empche, depuis plus de six mois, lÕŽlection du nouveau prŽsident de la RŽpublique et le fonctionnement du gouvernement. AujourdÕhui, malgrŽ les condamnations de lÕOnu, il a franchi une nouvelle Žtape en sÕen prenant directement ˆ dÕautres Libanais.


Santé
par Jacques Duconseil

Lutter contre les déserts médicaux

Les rapports parlementaires apparaissent rarement originaux dans les solutions qu’ils proposent. Tel n’est pas le cas du rapport Flajolet, publié voilà quelques jours, qui traite de sujets connus : la disparité de l’accès aux soins, la pénurie médicale qui se profile à l’horizon. Les propositions qu’il avance apparaissent tout à fait novatrices.
Il préconise tout d’abord de donner une place centrale dans la prévention et les soins de première intention au pharmacien d’officine. Original mais de bon sens : il est le professionnel de santé dont le maillage territorial apparaît le plus harmonieux et sa formation initiale de 7 ans constitue une base suffisamment solide pour lui donner ce rôle.
Deuxième idée : il suggère l’exercice pluridisciplinaire des professionnels en “communautés de santéÓ. Il sÕagit de recrŽer lÕaccs aux soins dans les zones dŽficitaires autour dÕun projet de santŽ permettant ˆ des professionnels (pharmaciens, mŽdecins, infirmiers, dentistes, etc.) de sÕorganiser sur un territoire dŽterminŽ avec lÕappui et lÕaide financire des lÕEtat, des collectivitŽs locales et des caisses de sŽcuritŽ sociale. Ils pourraient envisager la crŽation de maisons mŽdicales de garde ou des maisons de santŽ pluridisciplinaires qui existent dŽjˆ ponctuellement. Cette idŽe appara”t particulirement pertinente pour les personnes ŽloignŽes des soins qui bŽnŽficient dÕun suivi social.
Il propose également le décloisonnement des professions au contact des populations, notamment en favorisant l’intégration des travailleurs sociaux dans les “communautés de santéÓ. Enfin, ces communautŽs de santŽ seraient le lieu naturel de lÕexercice de la mŽdecine de premier recours en vue de dŽsengorger les urgences de h™pitaux publics de proximitŽ avec lesquels elle entretiendront des liens privilŽgiŽs. M. Flajolet nous propose une vŽritable rŽvolution dans notre manire de percevoir et dÕorganiser les soins en France. Episode suivant : le gouvernement sÕest engagŽ ˆ reprendre ses principales idŽes dans un projet de loi de modernisation du systme de santŽ ds cet ŽtŽ.


Culture
parGihé

Bd : la grande tradition de l’école d’Hergé

Hergé mort il y a vingt-cinq ans, Tintin et ses compagnons n’ont pas été repris. En revanche, son influence sur l’école franco-belge demeure et nombre de dessinateurs et scénaristes perpétuent la bande dessinée de la ligne claire, reconnaissable à sa netteté et à sa précision qui la rendent lisible par « les jeunes de 7 à 77 ans », pour reprendre le slogan du dŽfunt Journal de Tintin.
On a toujours à apprendre sur le petit reporter. Les héritiers d’Hergé y veillent à travers les éditions Moulinsart ― du nom du ch‰teau du capitaine Haddock. Son acquisition revit ˆ travers lÕune des dernires publications de cette maison, À la recherche du trésor de Rackham le Rouge (136 pages), qui permet de retrouver les bandes originales publiŽes en noir et blanc en 1943 dans le quotidien bruxellois Le Soir. Cela donne lÕoccasion de se rendre compte quÕHergŽ avait dŽjˆ compltement b‰ti le fameux ch‰teau ; plus gŽnŽralement, les commentaires de Daniel Couvreur et FrŽdŽric Soumois sont fort Žclairants. Quant ˆ Tintin & Cie (132 pages) de Michael Farr, il sÕagit dÕun bel album qui prouve que, comme ceux des vins, les spŽcialistes britanniques de Tintin valent bien les francophones. Intelligemment limitŽ au hŽros principal et ˆ ses douze plus proches compagnons ― y compris quelques mŽchants ―, il combine heureusement explications textuelles, documents dÕŽpoque et archives permettant de situer les origines et composantes de tous ces personnages. Saluons enfin la trs remarquable biographie dÕun grand spŽcialiste, Philippe Goddin, sobrement intitulŽe Hergé. Lignes de vie (1008 pages) : agrŽmentŽ de nombreuses reproductions de photographies et de documents, cÕest un travail de premier ordre, ˆ la fois serein, honnte et prŽcis, qui aide ˆ comprendre celui qui reste un des plus grands crŽateurs du XXe sicle.
On sait que les aventures de Tintin sont publiées en un nombre impressionnant de langues. Moins connu est le fait que parmi celles-ci se trouvent nombre de parlers locaux et pas uniquement ceux des régions proches du pays de Tintin, tels le bruxellois, le ch’ti, le néerlandais de Twente, l’ostendais, le picard du Vimeu-Ponthieu et autres wallons de Liège, de Nivelles ou d’Ottignies ! C’est ainsi que le franco-provençal des régions alpines vient de donner naissance à L’afére Pecârd en arpitan ― du c™tŽ de Lyon, de Genve et du val dÕAoste, pour simplifier ― et ˆ L’afére Tournesol en gruŽrien ― autrement dit de la Gruyre, dans le canton de Fribourg (lÕun et lÕautre chez Casterman, 66 pages). On aura notŽ, pour le premier, une transcription qui Žvoque immanquablement et fort ˆ propos le savant suisse Auguste Piccard, modle de Tournesol.
Deux anciens collaborateurs d’Hergé volent depuis longtemps de leurs propres ailes, Jacques Martin et Roger Leloup, l’un et l’autre d’heureux maniaques de la précision. Le premier a entre autres créé Alix, dont paraissent des albums regroupés, telles Les aventures grecques (Casterman, 176 pages), mais aussi, avec une visŽe plus pŽdagogique, divers voyages de ses hŽros, tel Jhen, qui prŽsente cette fois Strasbourg (Casterman, 56 pages). FormŽ par lui, Gilles Chaillet offre le 22e Žpisode de Vasco, La dame noire (Le Lombard, 48 pages), dessinŽ ― avec trop de rictus ― par FrŽdŽric Toublanc. Quant ˆ Roger Leloup, on retrouve avec plaisir le cinquime tome de son intŽgrale de Yoko Tsuno, Sous le ciel de Chine (Dupuis, 176 pages).
Dans la même veine, aujourd’hui racontées et dessinées par Francis Bergèse, les aventures de Buck Danny nous apportent leur 52e épisode, Porté disparu (Dupuis, 48 pages). CrŽŽes par Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, elles restent fidles ˆ leur inspiration premire.


Finances locales
par Adrien Boros

Combien coûte une médiathèque ?

Ce n’est pas tout de construire… encore faut-il faire fonctionner et entretenir. Une étude, pas si ancienne, du ministère de l’Equipement attirait notre attention : une fois un équipement réalisé, quel qu’il soit, gymnase, maison de jeunes, crèche, il « consomme » toute les X années ce qu’on a dépensé pour le construire. Tous les 20 ans pour un gymnase, ce qui peut sembler raisonnable, mais tous les 8 ans pour une piscine et tous les 3 ans pour une médiathèque !

Quelques chiffres pour vérifier cette dernière allégation surprenante à première vue ? Prenons une médiathèque dans une commune de 25 000 habitants. Elle devra vraisemblablement occuper environ 2 000 m2. Même modeste, la réalisation reviendra à environ 3 000 € le m2 (construction, architecte, bureaux d’études, premier équipement, mobilier, informatique…) sans compter le foncier, qui est très variable et supposé déjà propriété de la commune.

6 millions d’euros donc en 2008. Notre navire est lancé… Attention maintenant à ne rien oublier ! Le personnel d’abord (bibliothécaires, manutentions, gardiennage, animations et frais indirects de comptabilité, gestion de personnel et administration générale). Environ 750 000 €/an. L’emprunt à rembourser (sur 20 ans ?, sur 30 ans ? à voir…) mais 600 000 € environ pendant 20 ans.
Consommation d’énergie (chauffage, éclairage), téléphone, eau, les abonnements internet et logiciels : 1000 000 €/an. Les contrats de contrôle technique (ascenseurs, chaufferie, etc.), les petits travaux et réparations qui s’avéreront nécessaires au fur et à mesure du vieillissement du bâtiment, voire des « incivilités » du public, les assurances, le nettoyage… pas loin de 200 000 €.
Et les fonds dans tout cela ? Renouveler les abonnements, acheter livres et supports multimédias, reliures, papeterie : 100 000 € chaque année. Et enfin, organiser des expositions, faire des affiches, des catalogues ? …

Nous avons été modestes… A raison de 1 750 000 € par an, nous tiendrons presque 3 ans et demi ! Ce qui nous mettra légèrement en dessous de la moyenne. Gestionnaires d’équipements public (et administrés vigilants)… à vos calculettes.


Environnement
par Fabrice de Chanceuil

Natura 2000 en mer

Deux directives européennes de 1979 et 1992 visent à établir en Europe un réseau d’espaces naturels protégés appelé Natura 2000. La mise en place de ce réseau en France ne s’est pas faite sans difficultés car les défenseurs de la ruralité, agriculteurs et chasseurs en tête, y ont vu une menace pour leur mode de vie pour ne pas dire leur art de vivre. Après bien des péripéties marquée par une alternance d’avancées et de reculades, le réseau est pratiquement achevé comme en témoignent les nombreux arrêtés ministériels qui paraissent actuellement au Journal officiel pour annoncer la création de zones de protection spéciales ou de zones spéciales de conservation, selon le terminologie officielle de l’Union européenne, mais suivies de noms beaucoup plus enchanteurs qui sentent bon les terroirs de France.

Mais ce travail à peine terminé, une autre tâche se profile déjà, celle de l’extension du réseau Natura 2000 en mer. A vrai dire, cette exigence n’est pas nouvelle, mais là encore, la France avait tardé et c’est la perspective d’occuper à compter du 1er juillet la présidence de l’Union européenne qui conduit ses dirigeants à mettre les bouchées doubles pour se montrer exemplaires, surtout au sortir du Grenelle de l’environnement.

Aussi, le droit à l’erreur n’est-il pas permis. Fort de l’expérience, souvent malheureuse, acquise à terre, les responsables multiplient les contacts en amont afin de désamorcer les critiques éventuelles, notamment de la part des pêcheurs maritimes, toujours prompts à s’enflammer et à bloquer les ports. Jusqu’ici, la concertation se passe bien. Il faut dire que les temps ont changé et que la conjoncture fait évoluer rapidement les esprits. Là où les agriculteurs ne voulaient pas devenir les jardiniers de l’espace rural, les pêcheurs, soumis à des quotas rigides qui les privent d’accès à la ressource et qui sont frappés de plein fouet par l’augmentation du prix des carburants, ne rechignent pas à la perspective de devenir les gardiens de la mer : c’est même pour eux une forme de reconnaissance et là où ils peuvent encore pêcher, ils espèrent que Natura 2000 les préservera des concurrents que sont devenus pour eux les plaisanciers dont un certain nombre commercialisent illégalement le produit de leurs prises ainsi que des prédateurs du milieu naturel que sont à leur yeux les extracteurs de granulats marins.

Y aura-t-il par conséquent un front commun entre les pêcheurs et les écologistes, qui il y a peu de temps encore, fustigeaient les pratiques professionnelles comme la pêche du thon au filet maillant ?
Il est encore trop tôt pour le dire mais il n’est pas interdit de le penser.


Agriculture
par Yves La Marck

Haro sur la F.A.O. !

Les émeutes dites de la faim dans plusieurs pays à travers le monde sont, pour certains, le résultat de l’impéritie des organisations internationales et la preuve de l’incapacité du système actuel à anticiper le changement climatique, la sécheresse et les catastrophes naturelles qui vont frapper les terres les plus humides comme on le voit en Birmanie, au Bangladesh ou au Vietnam. Les arguments déjà volent bas, à ras de terre. Une conférence prévue depuis longtemps à Rome, siège de la FAO (Organisation Internationale de l’Alimentation), sur la sécurité alimentaire début juin devrait être l’occasion de règlements de comptes dont on a hélas déjà eu la primeure entre deux Sénégalais, le président Wade et le directeur général de la FAO depuis près de quinze ans, Jacques Diouf.
Cela pourrait bien être le premier acte d’une nouvelle offensive d’inspiration libérale sur le thème du réchauffement climatique. Les linéaments d’une politique alternative ap-paraissent au grand jour: généralisation des OGM dans les pays en voie de développement, abolition de la politique agricole commune européenne, injection massive de crédits de la Banque Mondiale dans l’agriculture, développement des exportations agricoles par le libre-échange. Un objectif commun: la baisse des prix agricoles mondiaux.
A l’inverse, on voit se lever les anciens défenseurs de l’autosuffisance alimentaire, de la protection des marchés, des cultures vivrières au détriment des cultures d’exportation, du retour aux anciennes habitudes de consommation: un Africain n’a pas besoin de baguette de pain ni de riz !?
Le monde marche sur la tête. Le retour à des prix corrects assurant la rémunération du paysan devrait au contraire réjouir les économistes. Trente ans de bas prix et d’importations massives de produits alimentaires, y compris d’aide alimentaire, avaient complètement déstructuré le monde agricole entraînant un exode rural dramatique et la constitution de villes tentaculaires avec des pauvres de plus en plus dépendants pour leur alimentation. Le seuil absolu de pauvreté défini par la Banque Mondiale sur la base de 1 dollar par jour concerne, pour les trois-quarts des ruraux, qui disposent d’un petit lopin (environ un milliard de personnes). Mais un milliard et demi, considérés comme vivant sur un revenu entre 1 et 2 dollars, sont pour beaucoup ceux qui sont venus en ville. L’augmentation des prix alimentaires, qui devrait rogner au moins 20 % de leurs revenus, va donc automatiquement faire reculer cent à deux cents millions d’habitants, peut-être plus, sous le seuil de 1 dollar. En revanche, ceux qui sont déjà sous ce seuil pourraient remonter. Si toutefois on laisse faire la nature, c’est-à-dire la loi des saisons.
La lutte contre la cherté des prix alimentaires ne passe pas par la baisse des prix au producteur mais dans l’augmentation de la demande solvable. On sait bien qu’insuffler de l’argent dans l’agriculture se heurte à une capacité d’absorption très lente et risque de créer d’autres déséquilibres sociaux (endettement, expropriation, grandes exploitations). Il faut améliorer l’accès au crédit et subventionner les engrais, encourager la transformation sur place des produits agricoles, la chaîne du froid, les routes en milieu rural. Mais l’aide internationale doit présentement profiter au consommateur. Les gouvernements ont supprimé les taxes à la consommation pour les produits de première nécessité et essaient de contrôler la chaîne des intermédiaires. Les bailleurs de fonds doivent les aider à compenser ces pertes budgétaires de même que pour le coût de l’énergie.

Un nouveau bras de fer se prépare entre Washington et Rome : la Banque Mondiale, les groupes d’OGM (Monsanto), contre la FAO, incarnant l’agriculture traditionnelle. Il a pour enjeu le pouvoir et l’influence dans le monde en voie de développement. La France est la première concernée par cet affrontement naissant en tant que premier producteur européen, l’un des tout premiers exportateurs mondiaux, et dont l’équilibre de la balance extérieure dépend de son excédent agroalimentaire, mais aussi par sa place et son rôle en Afrique et dans les instances internationales. Elle se trouve confirmée d’avoir lutté pendant quarante ans pour défendre l’agriculture. Elle y trouvait son intérêt, mais l’actualité montre qu’elle travaillait pour l’équilibre planétaire. Elle aura fort à faire pour résister aux pressions internationales qui pourraient constituer le point fort du prochain sommet du G 8 au Japon en juillet.