Enquête pour l’unité : la question interdite
Cette année au Salon de la BD, l’église St Martial présentera en exposition les planches d’un album de Brunor : « La question interdite : enquête pour l’unité ». Avec cette conclusion : « Jésus est Dieu véritable uni à l’homme véritable ».
La couverture de l’album montre un visage du Christ en partie voilé. Deux jeunes gens y sont aussi dessinés. Tom et Marine viennent de quitter les sables pour s’enfoncer dans l’eau. Ils marchent vers le Mont St Michel. Tom ressemble un peu à Brunor, sa guitare sur le dos. Cette couverture est déjà un résumé du livre. Dieu se révèle en Jésus Christ ; mais cette révélation est encore en partie voilée à nos yeux. Marine et Tom sont des marcheurs et des chercheurs. Ils se posent des questions sur Dieu, Jésus, Marie … Dans la baie, l’orage les conduit à se réfugier sur le rocher de Tombelaine. Ils y rencontrent le frère Théodat. Avec son aide, petit à petit, ils vont avancer dans la connaissance du Dieu des chrétiens, du Dieu trinitaire. Ils vont découvrir que ce visage de Jésus, à moitié caché, a un sens : « Quand la porte s’entrouvre, on ne voit pas la totalité du visage, mais une partie … C’est une façon de signifier que le Christ ne s’impose pas. Il est discret et n’entre pas chez nous par effraction … Nous n’épuiserons jamais son mystérion… » C’est-à-dire ce qu’il est réellement : vrai Dieu et vrai homme. Marine et Tom vont aussi découvrir que la baie du Mont St Michel les aide dans leur recherche : le Mont St Michel est un rocher dur et solide où l’on peut se réfugier au milieu de sables souvent mouvants. De la même façon, les Saintes Écritures et la foi de l’Église sont le rocher solide sur lequel le croyant bâtit sa foi dans un monde souvent perdu et déboussolé.
Une BD qui est une catéchèse
On l’aura compris : cet album de Brunor « La question interdite » est une catéchèse. Pour en dessiner les 300 pages et en élaborer les textes, Brunor s’est appuyé sur les travaux du Père Déodat de Basly et du professeur Claude Tresmontant. Le Père Déodat était un franciscain. Il vivait en ermite au Havre. Il est mort en 1937. Le professeur Tresmontant était un philosophe des sciences. Il s’est attaché à faire connaître les travaux du Père Déodat. Il est mort en 1997. A sa manière à lui, avec cet album BD, Brunor prend le relais : « en espérant contribuer à la rencontre du Christ ».
La création n’est pas encore achevée
Marcher vers Dieu demande toujours un effort et même une prise de risque. Tom est guide dans la baie du Mont St Michel. Il dit à Marine : « Tu sais, mon boulot dans la baie m’apprend à chercher les terrains stables, les passages sûrs … dans ce désert de sable mouillé entre ciel, terre, mer et sables mouvants. J’aime bien ce lieu qui favorise le silence et l’échange … Et puis, tu sais, tant de chapitres de notre histoire sont inscrits ici. » La baie du Mont St Michel est aussi un espace vierge, inachevé qui a des allures de création du monde. Frère Déodat explique à Tom et Marine quelque chose qui ressemble à cela. Il cite un passage du discours du pape Benoît XVI au Collège des Bernardins le 12 septembre 2008 : « La Création n’est pas encore achevée… Jésus l’a enseigné : « Le Père travaille toujours et moi aussi je travaille ». Le Frère Déodat montre que chaque être humain est invité à coopérer à ce travail : Si l’homme ne coopérait en rien à l’œuvre de la création et de la sanctification, il ne serait même pas un être. Il serait une chose …
Alors nous comprenons pourquoi Dieu dit : « Faisons l’homme » … Dieu fait l’homme avec l’homme : faisons l’Homme ensemble. Faisons l’Homme nouveau dont le Christ est l’aîné d’une multitude de frères. Faisons l’Homme envisagé avant la fondation du Monde … Permettez-moi cette proposition : ce que l’Église appelle péché originel, ce serait en réalité le fait de naître dans l’état de vieil homme comme dit Paul ou d’homme inachevé comme dit Irénée … Un état qui nécessite une métamorphose, comme dit Paul, une nouvelle naissance comme dit Jean. On ne naît pas saint, on le devient. Mais on ne naît pas non plus criminel.
Nous sommes tous plus ou moins hérétiques
Parler du dessein de Dieu pour l’homme et pour sa création, cela s’appelle de la théologie. Mais la théologie ce n’est pas que cela. A travers son album, Brunor va donc expliquer, textes et dessins à l’appui, comment l’Ancien et le Nouveau Testament, les Pères de l’Église, les papes ont contribués à forger la doctrine de l’Église. Les papes ne vont pas le faire pour le plaisir. Ils vont le faire pour défendre la vraie foi face aux hérésies en réunissant des conciles. En marchant dans la baie du Mt St Michel, Tom et Marine se posent les questions : qui est Dieu, qui est Jésus, qui est la Vierge Marie. Au long des siècles les chrétiens ont essayé de répondre à ces questions en utilisant leur intelligence. Mais pour cela il faut avoir un cœur ouvert à Dieu. C’est ce que dit Jésus : « Je te bénis Père, ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révèles aux tout petits. » Il dit aussi à ses disciples : « A vous il a été donné de connaître les mystères (les secrets) de Dieu … » Quant aux autres « Ils ont des oreilles, ils n’entendent pas. Ils ont des yeux et ne voient pas ».Cela veut dire aussi que les hérésies, nous en avons tous la tentation, et qu’il nous faut travailler à entrer dans le secret de Dieu pour suivre Jésus.
La question interdite envoie le pape en prison
Mais revenons à l’album de Brunor et son titre « La question interdite ». Pour cela il nous faut partir en l’an 648. A l’époque la grande question qui agite les prêtres, les évêques et même les simples chrétiens est la suivante : y a-t-il en Jésus Christ une volonté ou deux volontés, une liberté ou deux libertés ? … C’est toujours la question de l’identité de Jésus : est-il seulement Dieu ? Est-il seulement homme ? Le Concile de Constantinople rappellera la doctrine en 681 « Nous proclamons deux volontés naturelles en Lui … » C’est ce que disait déjà le pape Agathon : en l’unique Seigneur Jésus Christ tout est double … deux volontés, deux libertés ; car aucune des deux natures (divine et humaine) n’est abolie par l’union (en Dieu) ». A la limite, il suffisait de lire les évangiles lorsque Jésus dit pendant son agonie « Non pas ma volonté, mais ta volonté … » On se complique bien la vie. Donc, pour revenir en 648, l’empereur Constant déclare la question interdite sur la présence d’une ou de deux volontés en Jésus. Le pape Martin réagit. Il convoque un synode et se retrouve en prison en Crimée où il meurt d’épuisement en 655. Il sera le dernier pape martyr. Dans sa résistance il est soutenu par le moine Maxime qui aura la langue arrachée et la main droite coupée. La religion lorsque l’homme se prend pour Dieu conduit toujours à l’intolérance.
Un album pour tous, croyants ou incroyants
L’album de Brunor est donc une mine d’information pour le lecteur un peu curieux de toutes ces choses concernant l’histoire de l’Église et la théologie. Cet album est un outil pour mieux avancer dans l’œcuménisme, c’est-à-dire l’unité des chrétiens. Cette nouvelle aventure est la suite de l’album « www. Jésus qui ? L’enquête historique » qui a reçu le prix 2005 de la bande dessinée chrétienne francophone au Festival BD d’Angoulême. C’est un album pour tous, croyants ou non, à partir de 15 ans.
J.P. Malgouyres
Voir en document PDF joint : « Brunor chez les protestants »…
“Ensemble” mensuel protestant du Sud-Ouest février 2009 n°239
