Bon anniversaire “Sommo Poeta” - France Catholique
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Noël : Dieu fait homme
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Bon anniversaire “Sommo Poeta”

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Si l’on en croit les érudits – et parfois il n’y a pas de raisons de ne pas les croire — aujourd’hui ou peut-être demain, ou en tous cas un de ces jours sous le signe des Gémeaux — on va célébrer le 750° anniversaire du plus grand poète catholique, et probablement du plus grand poète de toute l’histoire humaine : Dante Alighieri.

Nous en sommes tout à fait sûrs car Dante lui-même nous parle de son signe astrologique et nous pouvons être certains de ses dates : (1265 – 1321). Il y a beaucoup de choses que nous ignorons en ce qui le concerne, bien que nous en sachions beaucoup plus sur lui que sur un personnage comme, disons, Shakespeare, grâce au degré élevé de culture littéraire de la Florence médiévale de l’époque de Dante.

En fait, on pourrait dire qu’il est un des personnages du début de la transition entre le Moyen Âge et la Renaissance. Cela en fait à la fois un représentant très spécial de la synthèse théologique, philosophique et culturelle du grand Moyen Âge, et un exposant remarquable de la manière dont les êtres humains en tant qu’individus doivent vivre ce haut christianisme.

En Italie sa vie est commémorée par divers événements. Tout d’abord, à Florence qui a envoyé Dante en exil, alors qu’il avait occupé le plus haut poste politique de la ville avant même d’avoir trente-cinq ans, et envers qui il a par la suite toujours eu une relation « amour-haine » (ce qui inclue une véritable haine envers le pape Boniface VIII qui a contribué à le faire envoyer en exil.)

L’acteur italien Roberto Benigni (« La vie est belle ») qui a appris par cœur et enregistré la totalité de la Divine Comédie il y a quelques années (bien qu’il soit juif) en a fait des séances de lectures en direct. Récemment, l’astronaute italienne Samantha Cristoforetti, a récité le premier chant du Paradis de Dante depuis la station spatiale internationale. Ce texte parle de

La gloire de Celui qui fait se mouvoir toute chose

Envahit l’univers, et brille

Par endroit davantage, à d’autres moins.

Le thème constant de Dante est l’amour « L’amour qui met en mouvement le soleil et les autres étoiles », comme il en est venu à le présenter, c’est bien connu, dans la dernière ligne de son vaste poème de La Divine Comédie (qui par ailleurs n’est pas particulièrement long). Mais il en est arrivé à ce sommet de l’amour divin – après avoir traversé tout ce que le moyen âge connaissait de la terre, de l’enfer ,du purgatoire et du ciel, avant la vision finale béatifique- en prenant pour point de départ l’amour humain très ordinaire d’un homme, Dante, pour une femme, Béatrice. Il n’y a rien, dans toute la littérature, la théologie ou la philosophie, de comparable à la manière dont il traite tout le spectre de nos amours.

Dans son premier ouvrage complet, « La Nouvelle Vie », Dante marque le point où l’amour est entré dans sa vie pour la première fois. Il voit Béatrice, alors une toute jeune fille, quand il n’était lui-même qu’un garçon, et en tombe amoureux. La « nouvelle vie » à laquelle cet évènement l’introduit, contient de nombreux chagrins, et des révélations jusqu’à ce que, après la mort encore jeune de Béatrice, il fasse une expérience inhabituelle :

« Il m’a été donné de contempler une vision merveilleuse : Au cours de celle-ci, j’ai vu des choses qui m’ont déterminé à ne rien dire de plus sur cette femme bénie, jusqu’à ce que vienne le moment où je pourrai parler d’elle de façon plus valable. Et je travaille autant que je peux pour atteindre ce but ; comme elle le sait bien. C’est pourquoi, si selon Son Plaisir, Celui par Qui toute chose est en vie peut permettre que ma vie dure encore quelques années, j’espère écrire à son sujet ce qui n’a encore jamais été écrit sur aucune femme. »

Lorsque Dante écrit « de façon plus valable », et « je travaille autant que je peux », il ne plaisante pas. Il a entrepris un programme éprouvant d’études, avec les dominicains d’une part (rien moins que Remigio dei Girolami, un des premiers élèves de Thomas d’Aquin), et les franciscains à Florence d’autre part.

Il a étudié avec une telle ardeur qu’il en a momentanément eu la vue troublée. Mais il n’en est pas devenu pour autant un érudit ennuyeux. Ses grands dons poétiques ont soulevé toutes ces études jusqu’à une vision spectaculaire de l’amour tel qu’il se répand dans l’univers entier. Saint Augustin, on s’en souvient, a parlé de l’Ordo amoris, (l’ordre de l’amour), et affirmé pondus meum, amor meus (mon amour est mon poids). Mais Dante, lui, montre ce que cela signifie.

J’ai souvent donné des cours sur Dante, et la plupart des gens n’arrivent pas à l’apprécier parce que, contrairement à lui, ils s’enlisent à essayer de déterminer le sens des rencontres variées qu’il fait avec des personnes dans les différents cercles de l’enfer, sur les corniches de la montagne du purgatoire, et dans les sphères concentriques des cieux. Mais, comme l’a découvert la grande Dorothy Sayers quand elle a lu Dante pour la première fois, la première chose à apprécier à son sujet, c’est qu’il vous «  raconte une histoire ».

En termes purement astronomiques, Dante a utilisé le système géocentrique Ptolémaïque pour pouvoir offrir des affirmations calibrées et des présentations ordonnées des maux des âmes damnées, du lent processus de purification de ceux qui sont en route, et même les différents degrés de vision dont les individus qui sont dans le ciel même, font l’expérience.

Pour en arriver là, il mobilise virtuellement toutes les connaissances du moyen âge sur la Bible, le monde classique, l’histoire, la littérature, la philosophie, la théologie, l’astronomie, l’astrologie, la géographie, la politique, la morale, le mysticisme : en fait sur tout ce qu’on pourrait énumérer. Du coup, dans l’autre monde, il rencontre les  «  ombres » de personnages aussi divers que Virgile et Homère, Platon et Aristote, Ulysse et Mahomet, Saladin et Manfred, Thomas d’Aquin, Bonaventure, Bernard de Clairvaux, et de nombreux personnages moins connus (ou pas connus du tout) âmes éparpillées à travers l’univers.

En soi, c’est une Somme, mais présentée dans une série de rencontres dramatiques qui vous entraînent dans le courant vivant des amours, comme rien de ce qui a jamais été écrit d’autre. La Divine Comédie est un de ces classiques dont vous sentez que vous devez encore le lire, même si vous l’avez déjà lu des douzaines de fois.

Certains pensent que la vision que ce livre présente a été supplantée par la science moderne – et il est sûr que c’est le cas pour le cosmos de l’époque. Mais tout au long de son livre, Dante n’a utilisé cette présentation que pour donner une vision complète de Dieu et de l’âme. Et ceci n’a pas été supplanté parce que c’est impossible.

Alors, si vous cherchez un bon livre qui présente le christianisme sous une forme attrayante, qu’est-ce que vous attendez ?

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/05/31/happy-birthday-sommo-poeta/

Tableau : « Dante Alighieri en exil » de Domenico Petarlini 1860 [Palais Pitti, Florence, Italie]

http://www.libertasu.com/Sessions/LUGB1003/LUGB1003.html