Toutes les écoles de France ont rendu hommage, hier matin, à la mémoire de Samuel Paty, ce professeur assassiné dans les circonstances terribles que l’on connaît. Cet hommage s’adressait à la personne, mais à la personne tuée intentionnellement pour avoir exercé son métier d’enseignant. Un des plus nobles qui soit. Je ne suis pas persuadé, pour ma part, que l’on doive concentrer sur l’affaire de la caricature, même si elle est à l’origine du drame, le mérite et l’honneur de l’enseignant. Que je sache, cette caricature, d’ailleurs médiocre, n’a jamais occupé qu’un bref instant dans l’enseignement de Samuel Paty, qui, au demeurant, ne professait sûrement pas qu’un dessin de Charlie Hebdo constituait l’alpha et l’omega de l’esprit critique. Il avait bien autre chose à apprendre à ses élèves, et le président de la République, dans son intervention à la Sorbonne, a noté qu’il portait respect et intérêt à la religion de ses élèves musulmans.
Mais il est vrai qu’une polémique est née, ces jours-ci, alimentée notamment par plusieurs représentants de l’épiscopat, sur la notion de blasphème liée à ce genre de caricature. Cette notion de blasphème a été exclue du droit depuis le XIXe siècle, et l’on voit mal comment un État laïque à la française pourrait en proscrire l’usage. Le vieil anticlérical qu’était Clemenceau n’avait pas tort, au fond, d’affirmer que s’il était offensé, Dieu se défendrait bien lui-même. Si la demande du Notre Père, « Que ton nom soit sanctifié » se trouve bafouée cela relève de la conscience de l’insulteur. S’il est incrédule, il est hors d’atteinte de tout reproche, sauf celui d’avoir blessé celui qui croit au Ciel.
Mais le caricaturiste n’est nullement justifié à se prendre pour le nombril du monde, le parangon de la raison, et l’on est tout à fait fondé à lui répondre, dans son propre langage, qu’il est un sacré enfoiré.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 3 novembre 2020.
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