En dépit de ce qu’on appelle sécularisation, le calendrier liturgique continue à donner ses repères au sein même de la vie civile. Certes, il n’est plus question de vacances de Pâques, on parle de vacances de printemps. On se souvient aussi des récentes querelles à propos de crèches de Noël dans les édifices publics. Au-delà des aspects formels concernant la laïcité, l’enjeu du maintien de fêtes chrétiennes dans le calendrier relève du symbolique le plus déterminant. C’est bien pour cela que la Révolution française, dans sa période la plus terroriste, avait voulu les supprimer, en même temps d’ailleurs que l’ensemble du calendrier chrétien, afin de briser jusqu’à la mémoire du christianisme et la remplacer par une tout autre symbolique. La tentative a échoué, et aujourd’hui encore, Noël, Pâques, la Pentecôte, le 15 août, la Toussaint structurent le temps commun d’une façon qui n’est pas du tout anodine.
Certes, la sécularisation s’est emparée des esprits, mais le plus souvent sur le mode de l’oubli et de la méconnaissance. La raréfaction de l’enseignement de la culture biblique et catéchétique a accompagné le délitement de la culture générale classique. Ce que des tentatives violentes avaient tenté d’imposer, un mouvement évolutif s’est chargé de l’accomplir. Et il arrive même à l’autorité publique de le regretter et même de s’en alarmer. C’est bien Jack Lang qui avait demandé à Régis Debray de travailler à un rapport sur l’enseignement du fait religieux à l’école. Le simple souci « humaniste » commande la transmission du patrimoine intellectuel dans sa diversité. Mais même sur le terrain de l’école publique, qui interdit tout prosélytisme, il n’est pas niable que cette étude n’est pas sans résonance intérieure pour les élèves qui y découvrent toutes les dimensions de l’interrogation religieuse avec l’éclairage d’une spiritualité et le renvoi esquissé à une problématisation théologique.
C’est dans le même registre que la structuration religieuse du calendrier peut agir sur les intelligences, entre membres d’une société fondée sur un passé sans lequel elle n’éprouverait pas la cohérence et la sensibilité qui permettent ce qu’Hannah Arendt appelait « un espace commun ». On ne saurait évidemment se satisfaire de ce simple héritage de la culture. Les chrétiens ont l’impérieux devoir, à partir de lui, de montrer comment il est source d’Amour et de Salut. L’attestation de la foi doit être publique. Les consciences ne seraient pas respectées si on ne leur proposait pas l’intelligence des grands mystères, grâce auxquels l’existence se déploie aux dimensions d’une extraordinaire ampleur. Tous ont le droit de connaître « quelle est la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur » de l’amour de Dieu pour les hommes.
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- La République laïque et la prévention de l’enrôlement des jeunes par l’État islamique - sommes-nous démunis ? Plaidoyer pour une laïcité distincte
- Folies antédiluviennes
- 3101-Sarkozy, l'Eglise, la laïcité
- AU SEUIL DE L’HUMANITÉ