Aristote reconnaissait que l’homme politique, élevé à de hautes fonctions, devient une « personne faisant autorité ». Ses attributs, sa manière, attirent une plus grande attention, car, après tout, son élévation porte ce sens des choses : que ce sont les traits d’un homme si admirable que nous l’avons élevé à une haute autorité sur nous ; son style et son caractère sont si louables qu’il nous propose un modèle à imiter. Le président Kennedy préférait un fauteuil à bascule pour son dos et allait aux concerts de Haydn, et soudainement, un plus grand nombre de gens ont acheté des fauteuils à bascule et recherché la musique de Haydn.
J’offre tout cela comme une note d’avertissement à certains de nos amis qui furent vraiment trop radieux en espérant que le véritable catholique vienne fleurir en Joe Biden maintenant qu’il a peut-être moins de raisons de le cacher. Biden a offert au fil des ans l’exemple public et visible d’un homme de haute fonction qui peut se considérer comme un catholique sérieux tout en soutenant, comme une bonne chose, le droit de tuer de 860 000 à un million de vies humaines innocentes chaque année par l’avortement.
Biden n’a été rien d’autre qu’une girouette pour les vents soufflant dans son parti, et ce parti est devenu de plus en plus agressif sur la question de l’avortement, ne tolérant pratiquement aucune limite sur ces meurtres, même après la naissance pour les bébés qui survivent aux avortements. Et pourtant, rien ne peut être plus central dans l’enseignement moral de l’Église – non, ni le changement climatique, ni les ravages de la climatisation – que le souci du sens de la « personne humaine », cet être qui constitue à la fois l’objet de la loi et l’objet principal de sa protection.
Ce que l’exemple de Biden offre jour après jour – offre, c’est-à-dire lontre d’une manière qu’on ne peut pas rater – c’est que l’on peut être un bon catholique et cependant, de la manière la plus insouciante, se contenter de mettre l’enseignement catholique de côté comme une matière à ne pas prendre au sérieux.
Il faudrait être aveugle aux manières du monde pour croire que ce genre de leçon, enseignée par la personnalité publique la plus visible du pays, n’aura pas l’effet le plus profond et le plus corrosif.
Robert Royal a très bien compris cela la semaine dernière, quand il prévoyait que l’ascension de Biden serait plus susceptible d’être destructrice pour les institutions catholiques, et sûrement plus d’enseigner un manque de respect pour l’enseignement catholique. Combien de temps pour qu’un geste de manque de respect, largement absorbé, cède la place au mépris ?
Ce que je souhaite depuis des années que les évêques disent aux Bidens et aux Cuomos est quelque chose dans cette veine : « Nous ne pouvons pas prétendre vous instruire sur votre travail, mais le problème maintenant est que vous créez un « scandale“. Vous êtes en train d’instruire gravement à l’envers de nombreux catholiques sur l’enseignement de leur propre Église, et ainsi vous sapez les convictions qui soutiennent cet enseignement. Nous ne voulons pas vous imposer de lourdes exigences, mais nous plaidons simplement que vous « ne fassiez pas de mal ». »
Juste au moment où je pensais qu’il n’y avait plus rien à apprendre sur Joe Biden, le P. O’Donovan est apparu sur scène. Le Père Leo O’Donovan, sj, ancien président de l’Université de Georgetown, faisant l’invocation lors de l’investiture.
On nous dit maintenant qu’O’Donovan est un ami proche et un conseiller de Biden depuis de nombreuses années. Et pourtant, ne lui a-t-il jamais été possible de soutenir auprès de Biden qu’il donnait un compte rendu faux du raisonnement de son Église sur l’avortement – et ce qu’il y avait alors de si déraisonnable dans sa propre position ?
Cela n’aurait-il pas donné un indice pour comprendre pourquoi il était intenable pour un prêtre catholique de se tenir sur cette estrade et de donner sa bénédiction sur ce que Biden est venu représenter ? Pourtant, le P. O’Donovan aurait pu essayer de faire de son mieux, avec un élève qui ne voulait pas entendre.
Ou se pourrait-il que les appels de la célébrité dépassent une fidélité insistante ?
Mais les défauts du P. O’Donovan ont été en partie compensés par l’archevêque José Gomez s’exprimant au nom de la Conférence des évêques. Gomez a conservé un ton de respect civil, mais, cependant, il a dit une dure vérité :
« [N]otre nouveau président s’est engagé à poursuivre certaines politiques qui vont faire progresser plus gravement les maux moraux et menacer la vie et la dignité humaines, dans les domaines de l’avortement, de la contraception, du mariage et du genre… Pour les évêques de la nation, l’injustice persistante de l’avortement reste la « priorité absolue ». Absolue ne veut pas dire « unique »… Mais comme l’enseigne le Pape François, nous ne pouvons pas garder le silence alors que près d’un million de vies à naître sont rejetées dans notre pays année après année par l’avortement.
Il n’y a peut-être pas de meilleur signe du désarroi dans l’Église que le fait que cette déclaration des évêques a suscité l’opposition vocale et enflammée du cardinal Blase Cupich à Chicago. Cupich s’est plaint que la déclaration était « inconsidérée… le jour de l’investiture du président Biden », qu’elle était « une critique du président Biden » et « qu’elle fut une surprise pour de nombreux évêques ».
Mais où était la surprise ? Il n’y avait rien de nouveau dans la position de l’Église ni dans le manque flagrant de respect de Biden à son égard. La seule chose que le cardinal Cupich n’a pas eu l’audace de contester fut la vérité de la déclaration.
En quelques jours seulement, le nouveau président et son parti ont présenté des décrets sur le transgenre et des propositions sur l’avortement beaucoup plus agressives et radicales que tout ce que nous avons vu jusqu’à présent. Toutes les préoccupations des évêques ont été instantanément confirmées.
Nous devons seulement nous rappeler que Cupich fut choisi par le pape François pour prendre la place de feu notre bien-aimé défunt ami, le cardinal Francis George. Que ce soit sur l’avortement ou sur les mensonges du transgenre, il est peu probable que Cupich soit jamais poussé à prononcer quelque chose comme ces mots de Francis George : « Connaître est non invasif pour la chose connue, et cela se produit en nous par notre soumission à la manière dont les choses sont réellement en elles-mêmes. La vérité des choses régit notre connaissance à leur propos. »