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La violente campagne anti-papale du début de cette année 2009 a laissé des traces, y compris chez les catholiques. J’ai pu m’en rendre compte cet été auprès de jeunes gens pourtant très militants et très fervents qui m’ont paru encore impressionnés et qui me demandaient de leur expliquer les raisons d’une telle vague et d’une telle vindicte.
Je leur ai répondu en m’efforçant d’analyser ce que j’appelle un processus d’emballement médiatique et qui relève selon moi tout à fait des processus d’emballement mimétique décrit par René Girard dans toute son œuvre. Il s’agit très exactement d’un lynchage, qui dans ce cas est purement verbal et symbolique mais correspond tout à fait au phénomène de foule qui ne cesse de monter en puissance en s’acharnant contre une unique cible, en l’espèce le pape Benoit XVI.
Il y a bien sûr des motif pour déclencher ce processus, des motifs accusatoires mais qui se résument à quelques slogans faciles voire simplissimes, le plus souvent mensongers ou biaisés. Ces arguments frappants, rapidement obsessionnels entraînent des mécanismes repérables qui jouent sur l’irrationnel et le comportement de ce que Sartre appelait le groupe en fusion. J’ai vu lors de cette vague médiatique des premiers mois de l’année une sorte d’unanimité dans la réprobation et l’indignation qui entraînaient toutes sortes de gens y compris ceux qui auraient dû être les mieux avertis du fait de leur culture contre ce type de folie collective. Le slogan « J’ai honte d’être catholique. » a fait fortune même chez les intellectuels avisés qui s’y sont ralliés. Il était presque impossible de modérer par quelques raisons ce qui s’apparentait à une sorte de contagion collective incontrôlable.
Que devenait notre pape Benoit XVI dans cette affaire? Un pape réactionnaire qui voulait revenir en arrière, complaisant à l’égard d’un groupe extrémiste et même antisémite. On est allé jusqu’à mettre en cause son passage dans les jeunesses hitlériennes et à l’accuser de complaisance pour le négationnisme. Je n’invente rien. Il faut signaler à ce propos le rôle pervers de l’hebdomadaire de Hambourg, Der Spiegel, qui n’a cessé de toutes les façons d’alimenter cette campagne en intoxicant l’opinion allemande, particulièrement sensible à sa démagogie.
Je dois redire que l’intoxication était encore plus sévère dans les milieux qui se piquaient de culture. J’ai lu sur le site du Monde toute une discussion où on expliquait gravement que Joseph Ratzinger était en philosophie politique le disciple de Carl Schmitt, ce juriste catholique qui s’était rallié à Hitler dans la première phase de la prise de pouvoir par les nazis. Tout cela était extravagant, de la folie pure, mais se comprenait dans le processus violent d’une vague médiatique qui supprime toutes les censures et coalise toutes les vindictes contre la victime émissaire.
Évidement ce genre de vague retombe brusquement, encore plus vite qu’elle ne s’est emballée. En conclura-t-on à plus de sagesse? J’ai pu constater à quel point les médias ignoraient la vraie personnalité de Benoit XVI, avaient des idées toutes faites sur son passé, son rôle de théologien, ce qu’il avait fait à Vatican II, sa mission auprès de Jean-Paul II, enfin sur les orientations précises de son pontificat. N’est ce pas du point de vue de notre profession, un problème de déontologie élémentaire qui se pose?
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- Religion et violence - d'Elie Barnavi à Maurice Bellet (paru dans FC n°3153 du 20 fév. 2009)